Couac dans la cohabitation sur la base d'Istres

19 août 1987
02m 30s
Réf. 00248

Notice

Résumé :
En août 1987, François Mitterrand et le ministre de la Défense André Giraud se rendent sur la base aérienne d’Istres. A la fin de la visite, un incident se produit : André Giraud quitte la base militaire sans attendre que François Mitterrand ne revienne de son vol de démonstration à bord d’un avion ravitailleur.
Date de diffusion :
19 août 1987
Source :
Antenne 2 (Collection: JT 20H )
Lieux :

Éclairage

La cohabitation donne lieu à quelques incidents protocolaires que les journalistes ne manquent pas de souligner. Déjà dans les toutes premières semaines du gouvernement Chirac, la presse se demande si la cohabitation va affecter la politique étrangère de la France, et si oui, dans quelle mesure. Le président va-t-il conserver sa prééminence sur la diplomatie ? Va-t-il impliquer le gouvernement ou décidera-t-il de l’informer selon les dossiers ? Ces questions se posent aussi sur le plan interne et dans un autre domaine traditionnellement réservé au chef de l’Etat, celui de la défense.

Lors de la visite de François Mitterrand à Istres, où il passe en revue les moyens du dispositif « Epervier » en mission au Tchad, le ministre de la défense André Giraud quitte la base militaire alors que le président assiste à une démonstration de ravitaillement en vol, à laquelle André Giraud n’est pas convié.

Quelle est la signification de cet épisode ? Certainement, François Mitterrand réaffirme par ce geste le fait que le président de la République est le chef des armées. A ce titre, il s’intéresse de près aux évolutions des moyens de défense. Déjà en février, lorsqu’il a visité les équipements du plateau d’Albion, François Mitterrand a souhaité descendre seul dans le poste de commandement, André Giraud le suivant peu après.

Cette réaffirmation semble d’autant plus nécessaire que les deux hommes ont parfois des visions différentes à propos de la politique de défense que Paris devrait adopter, et le président entend se réserver le dernier mot. Sur le Tchad, André Giraud avait déclaré quelques jours auparavant que la présence militaire de la France et de ses dispositifs offensifs était encore nécessaire dans le pays ; un point de vue que François Mitterrand ne partage pas, estimant qu’une fois repoussées les forces libyennes au-delà du 16e parallèle, le dispositif Epervier doit se limiter à un soutien purement défensif.

En conférence de presse, François Mitterrand minimise tout désaccord avec son ministre. A l’heure de la cohabitation, il ne peut y avoir de divergence quant à la posture diplomatique de la France, et le dernier mot revient de fait au président de la République.
Ilaria Parisi

Transcription

Daniel Bilalian
Le Président de la République, Monsieur François Mitterrand, a visité aujourd’hui la base d’Istres, le dispositif militaire français Épervier qui appuie les forces tchadiennes dans leurs conflits avec la Libye, lui a été présenté. À cette occasion, le Président a rappelé les engagements de la France au Tchad et dans le Golfe et son rôle de Chef des armées qu’il entend bien assumer pleinement jusqu’au terme de son mandat. Un incident protocolaire et peut-être politique a également marqué cette visite. Le Ministre de la Défense, Monsieur André Giraud, décidant de quitter la base aérienne d’Istres avant la fin de l’inspection. Nous allons revenir sur cet incident et l’importance qu’il faut lui accorder, mais avant cela donc, revenons à l’ordre chronologique des événements. Reportage de nos envoyés spéciaux Laurent Boussié et Yves Barbe.
Journaliste
François Mitterrand, en blouson de cuir bleu, installé dans la cabine de ravitaillement d’un KC 135F et assistant au ravitaillement en vol de 4 mirages F1, c’est l’image que l’on gardera de cette visite sur la base aérienne d’Istres. Le Ministre de la Défense, quittant cette même base sans attendre la fin de la visite officielle et déclarant, je cite, "le Président de la République souhaite faire son vol seul, je ne sers à rien, je n’ai plus rien à faire". C’est l’incident que l’on retiendra de cette journée consacrée à la défense aérienne. En fait, le Chef de l’État était venu à Istres pour voir, ou plutôt pour revoir le matériel de défense aérienne qui compose la Cellule Épervier actuellement en opération au Tchad. Un dispositif dont on a retiré depuis peu tous les éléments offensifs comme les Jaguars, c’est cette absence qu’aurait regrettée André Giraud. Incident donc, mais incident qui, selon le Président de la République, ne veut pas dire divergence.
François Mitterrand
Je n’ai jamais aperçu sur ce plan-là, et plus particulièrement pour ce qui concerne les Jaguars, la moindre différence ou divergence de vues entre le Chef du Gouvernement, le Ministre de la Défense et moi-même. Si ces divergences existent, elles ne m’ont pas été communiquées.
Journaliste
Sur le Tchad toujours, le Chef de l’État a souligné que ce pays avait retrouvé sa souveraineté et son unité et qu’il n’y avait donc plus lieu de considérer le seizième parallèle comme une donnée militaire. Message à destination d’Hissène Habré, mais aussi du colonel Kadhafi. Enfin, François Mitterrand a réaffirmé sa fonction de Chef des armées en précisant que la France se devait d’avoir une armée en état pour que nul ne s’avise de vouloir nuire à ses intérêts.