Le vignoble des Fiefs vendéens

18 septembre 1993
07m 31s
Réf. 00240

Notice

Résumé :
Les vins des Fiefs vendéens sont produits à Mareuil, Vix, Pissotte et Brem. Dénommés ainsi récemment (1953), ils n'en sont pas moins le fruit d'une longue histoire, qui remonte au Moyen-Age. Rencontre au milieu des vignes avec Jean Huguet, historien, et dans les caves avec deux viticulteurs.
Type de média :
Date de diffusion :
18 septembre 1993
Source :
FR3 (Collection: En flânant... )

Éclairage

Les Fiefs Vendéens – Mareuil, Vix, Pissotte et Brem sur mer – sont des vestiges du vaste vignoble du Centre-Ouest atlantique. Plantée en zone littorale ou accessible par les nombreuses voies d’eau de l’arrière pays, la vigne du sud Vendée fournissait dès le XIIIe siècle son fret au commerce maritime (La Rochelle, Nantes) et à partir du XVIe siècle une partie de son ravitaillement à la grande pêche de la morue (Les Sables, Saint-Gilles, Pornic). Quoique le phylloxera ait balayé ces paysages viticoles anciens à la fin du XIXe siècle, ils sont parvenus à subsister, d’abord grâce à la qualité de leurs sols (du côté de Brem, le sable indispose le puceron vecteur de la maladie) et ensuite grâce à l’opiniâtreté de leurs vignerons.
Dès 1953, la vigne sud vendéenne connut un premier saut qualitatif avec l’abandon des hybrides (dont la production était destinée à la distillation) au profit de cépages nobles : cabernet, pinot noir, gamay, sauvignon. En 1963, il fut question de nommer ce vignoble du sud Vendée, c’est alors le souvenir du Cardinal de Richelieu, évêque de Luçon, qui fut mis à l’honneur avec l’appellation « Anciens Fiefs du Cardinal ». Reconnu vin de qualité supérieure (VDQS) en 1984, sous l’appellation « Fiefs vendéens », le vignoble s’appuie sur un terroir au fort potentiel, étendu sur 2.800 ha. mais dont seuls 420 ha. sont cultivés en 1994. Les acteurs cherchent alors à améliorer la qualité de leurs produits jusqu’à proposer des vins de garde. Comme chez les Michon, à Ile d’Olonne (pays de Brem), la cave de ces nouveaux entrepreneurs recèle une gamme complète de futaille (foudre, demi-muid, barriques) et le parcellaire étendu sur 30 ha a fait l’objet d’opérations de rassemblement foncier par échange ou par achat pour constituer des parcelles de 2 à 3 ha. permettant de passer à la mécanisation. Si leur production reste modeste, l’accent est mis sur la qualité du vin, grâce au renfort d’une jeune génération formée à l’agronomie au lycée.
Appelé de leurs vœux par les propriétaires exploitants et pronostiqué par Jean Huguet, érudit local, le classement des Fiefs Vendéens en Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) est finalement survenu en 2011, incluant désormais 20 communes et un cinquième fief, Chantonnay. L’effort réalisé entre les années 1990 et 2010 a été soutenu par la modernisation du territoire, son intégration à des réseaux d’échange et la promotion de l’identité vendéenne. La renommée de l’AOC a aussi bénéficié de l’importante fréquentation touristique du littoral et de son proche arrière-pays. En 2012, la production étendue sur 500 ha. environ a atteint 30.000 hl.
Thierry Sauzeau

Transcription

Présentateur
Oui, bien, j’y songe, voilà un système pratique aussi pour maintenir les caves à bonne température. Si je vous parle de caves, c’est que nous sommes dans le vignoble vendéen. Eh oui, si vous ne connaissez les vins de Vendée, les fiefs de Vendée, et bien vous avez tort. On a pu dire, que c’était des petits vins de pays jadis, mais maintenant on aurait tort de le penser. Car si les vins de Vendée ne font pas la gloire encore des tables parisiennes, ça va bientôt venir. Et je vais demander à Jean Huget, l’historien bien connu de la Vendée, nous l’avons déjà rencontré dans plusieurs émissions ; l’historien qui a consacré un livre entier Vignes et vignerons de Vendée. Pourquoi on appelait ces fiefs, je vais les énumérer, Mareuil, Vix, Pissotte et Brem, où nous sommes aujourd’hui. Pourquoi on les a appelés les fiefs du cardinal ?
Jean Huget
Fiefs d’abord, c’était les territoires qui étaient concédés par les Seigneurs, princes, comtes, barons à des autorités souvent religieuses pour les aménager et les faire produire.
Journaliste
Oui, vin de messe, non ?
Jean Huget
Oui, bien sûr, de toute manière, le charisme du vin a toujours été présent dans toute l’histoire. Mais il est vrai qu’en 1953, on leur a demandé de nommer ces vignobles, les grands, les bons, les nobles et on a trouvé heureusement cette appellation « Anciens Fiefs du Cardinal». Le Cardinal étant Richelieu bien entendu. Tout le monde l’a compris…
Journaliste
Parce qu’en fait, on lui doit la renaissance des vignes à un moment donné de l’histoire.
Jean Huget
C’est ça, en vérité il y a eu toujours de bons vignerons, de beaux vignerons dans les fiefs justement, mais il est bien évident aussi qu’il y a eu des modifications immenses. Les gens qui connaissent mal l’histoire du vin ne se rendent pas compte que si nous n’étions pas le siècle de l’atome, le XXème siècle serait le siècle du vin. Car c’est à ce moment-là seulement que l’on a réellement goûté le vin, qu’on a pu savoir faire le vin.
Journaliste
C’est vrai, il y a des vinificateurs extraordinaires.
Jean Huget
Tout à fait, nous savons exactement ce qu’est un vin, nous connaissons ces 450 composants et nous pouvons les travailler. Alors on entend dire, mais ce n’est plus du vin naturel, c’est du vin artificiel, faux, c’était avant qu’il y avait les surprises du temps, les surprises de l’année… et que finalement il y avait….
Journaliste
Et le sucre.
Jean Huget
Et que finalement, il y avait le sucre. Mais cela dit, il y avait en effet un grand vin, un bon vin, c’était jusqu’au XXème siècle, une divine surprise.
Journaliste
Alors maintenant, je disais, tout est en train de changer et on peut parier avec vous que ce vin, qui est devenu VDQS, vin délimité de qualité supérieure peut bientôt avoir une appellation d’origine, c’est-à-dire s’élever dans la noblesse des vins.
Jean Huget
La plus haute marche du podium.
Journaliste
Possible ?
Jean Huget
Ah, tout à fait. Les fiefs, les quatre fiefs qui représentent à l’heure actuelle, 420 hectares exploités, mais qui sont constitués de 2 800 hectares classés, peuvent demain devenir un grand vignoble annexe du Val de Loire.
Journaliste
Alors, si vous vous voulez bien Jean Huget, je vais aller chez un vigneron que m’avez recommandé, Monsieur Michon et ses fils qui ont fait des études, qui savent vinifier le vin. Et nous allons les voir à Ile d’Olonne dans le pays de Brem et on va voir comment et bien une petite exploitation commence à avoir ses titres de noblesse.
bruit
(bruit)
Journaliste
Des fûts de chêne dans une cave, ça, ça ne se voit pas tous les jours. Il y a très peu de gens Patrice Michon qui ont encore des fûts de chêne chez eux.
Patrice Michon
Ben, des foudres, pas beaucoup, des barriques, un petit peu, des demi muids mais autrement non pas beaucoup.
Journaliste
Alors Patrice Michon, vous êtes un des viticulteurs des fiefs de Vendée et dans le pays de Brem. Et vous, vous avez, il faut bien le dire, remonté une vigne de combien d’hectares ?
Patrice Michon
Ben, j’ai racheté, c’est-à-dire que chez nous c’était difficile de s’agrandir puisque tout était morcelé. Et j’ai commencé à racheter sur l’île d’Olonne, il y a à peu près 25 ans et j’ai commencé à acheter les premières vignes. Et après, on a tout regroupé et on a fait des parcelles de 2, 3, 4, 5 hectares.
Journaliste
Vous y croyez à ce vin ?
Patrice Michon
J’y crois beaucoup, j’y crois beaucoup beaucoup.
Journaliste
Expliquez-moi pourquoi vous y croyez.
Patrice Michon
Ben, parce que c’est l’avenir de notre région, puis le vin c’est quelque chose de formidable pour moi.
Journaliste
Exploitation de combien d’hectares ?
Patrice Michon
A l’heure actuelle, nous avons 30 hectares de vigne, dont à peu près 27 en production.
Journaliste
Oui, et ça sort combien d’hectolitres ?
Patrice Michon
L’an dernier, on a dû tourner aux alentours de 1850 hectolitres.
Journaliste
C’est une petite production, donc.
Patrice Michon
C’est une petite production, mais qui fait vivre son monde.
Journaliste
Et notamment l’un de vos fils, Thierry.
Patrice Michon
Alors, c’est mon fils, Thierry.
Journaliste
Qui lui, sort des grandes écoles du vin, on peut dire ça, non ?
Thierry
Des grandes écoles, c’est un bien grand mot, je crois, mais bon, l’école de viticulture…
Journaliste
Oui, parce que vous, vous n’avez pas été à l’école, mais lui il a été à l’école.
Patrice Michon
Ah non, j’étais à l’école jusqu’à 13 ans.
Thierry
Je suis allé à l’école, mon frère est allé à l’école également de viticulture. On apprend quand même beaucoup de choses à l’école, mais on apprend beaucoup beaucoup sur le terrain, je crois. C’est la vie, on apprend tout en pratiquant. Il n’y a pas de…
Journaliste
On déguste quoi là ?
Thierry
Alors là, on va déguster quelques bouteilles qui nous restent de nos millésimes plus anciens ; parce qu’on a des vins qui sont régulièrement vendus tôt, mais on a quand même quelques bouteilles qui arrivent à se conserver.
Journaliste
Vous cherchez à faire des vins un peu de garde ?
Thierry
Voilà, un peu de garde. Ce n’est pas des vins de grande garde comme on peut avoir dans les grandes régions viticoles de 15, 20 ou 30 ans. Là on est sur des vins de garde entre 2, 3, 5 ans et voire plus sur les meilleurs millésimes et les bonnes cuvées. On ne peut pas garder des grands vins sur des petits millésimes. Voila, donc je vais vous faire déguster un petit peu ce qu’on fait dans notre cave, mais surtout avec nos vignes.
Journaliste
Et dans un verre à dégustation. Vous pouvez me dire, vous, décrivez-le-moi parce que moi, je ne vais pas savoir.
Thierry
C’est vrai ?
Journaliste
Je vais vous trouver quoi, de la framboise ? Quel tanin, il a un parfum absolument délicieux oui.
Thierry
Bon ben, disons, les arômes ce font actuellement…
Journaliste
C’est un contrôle permanent qui s’exerce sur vos produits. Vous ne pouvez pas tricher ?
Thierry
Non, on ne peut pas. C’est logique dans un sens. Pour arriver à un produit de qualité, si on n’a pas des contrôles ponctuels pour nous mettre toujours dans la bonne marche, c’est sûr qu’on pourrait dévier.
Journaliste
Mais vous n’y tenez pas… Je crois que vous croyez à la qualité de votre vin.
Thierry
Moi, je crois beaucoup à la qualité de mon vin, mais je crois énormément au terroir qu’on a ici et qui est un terroir à vin, c’est ce qu’il y a de primordial.
Journaliste
Voilà, ben ça, on ne le savait pas, les fiefs de Vendée, c’est un terroir à vin. A votre santé !
Thierry
A la vôtre.
Journaliste
A votre santé Monsieur.