L'aménagement urbain des Sables-d'Olonne

30 juillet 1985
04m 35s
Réf. 00502

Notice

Résumé :
Les Sables-d'Olonne a vu ses villas de style remplacées à partir de 1960 par des immeubles collectifs. Du fait du manque d'espace, les promoteurs revoient aujourd'hui cet urbanisme, chaque parcelle faisant l'objet d'un réaménagement. Plusieurs témoins évoquent la spéculation immobilière source et de crise démographique et de l'emploi car elle contraint les Sablais à un exode vers l'arrière-pays.
Type de média :
Date de diffusion :
30 juillet 1985
Source :
FR3 (Collection: Urba )

Éclairage

Dans les années 1960, de grandes opérations d’aménagements ont été planifiées sur la côte de Monts, faisant émerger des dunes un front de mer et un mur urbain qui marquaient d’une double empreinte de modernisme l’économie balnéaire. Le contraste était saisissant avec la station historique des Sables-d’Olonne qui alignait sur son remblai ses villas de style balnéaire au charme considéré comme désuet. Les parcelles de ces villas étaient convoitées par les promoteurs immobiliers soucieux de faire sortir de terre ces mêmes barres d’immeubles qui transfiguraient à la même époque, et dans des contextes très variés, La Baule, Royan ou La Grande-Motte. Les prix du foncier étaient tels que les amoureux des vieilles pierres ont vite cédé face à l’appât du gain.
En juillet 1985, le magazine de France 3 « Urba », revenait sur l’épopée balnéaire des Sables-d'Olonne après-guerre, en ouvrant son reportage sur les affiches des années 1920-1930 qui vantaient les atouts de la station balnéaire, en mettant en bonne place son port, sa vieille ville, son remblai le long duquel s’alignaient les villas au style rococo. Les vues de cartes postales anciennes étaient convoquées pour dénoncer des travaux dont le maire Louis Guédon et son adjoint Jean Huguet expliquaient la logique financière, et déploraient les effets, dévastateurs pour un patrimoine et une esthétique dont la spéculation immobilière se souciait finalement bien peu dans les années 1960. Au milieu des années 1980, à l’exemple de Guy Merlin, les promoteurs reconnaissaient, mais un peu tard, avoir contribué à défigurer le front de mer.
Cette reconnaissance tardive de l’action des associations de défense des paysages n’empêchait pas le marché de la résidence de vacances, traquant sans relâche de nouvelles opportunités, de jeter son dévolu sur les friches industrielles laissées derrière elles par les conserveries, dont la fermeture permettait de réaliser de belles opérations immobilières. Autres sources de convoitises, les communes de Château-d’Olonne et Olonne-sur-Mer étaient également prospectées, mais afin de loger les Sablais désormais chassés par les prix du logement. Au milieu des années 1980, Les Sables-d’Olonne expérimentaient les conséquences de deux décennies de développement dominé par le tourisme, avec une spéculation immobilière ravageuse pour les autres activités et facteur d’une crise multiforme : chômage supérieur à la moyenne, exode des Sablais vers l'arrière-pays, vieillissement de la population. Il s’agissait aussi d’une mutation qui a été accompagnée de sorte que la ville a aujourd’hui conforté son image de villégiature agréable et appréciée.
Thierry Sauzeau

Transcription

(Musique)
Dominique Baillaud
Ça y est, ils sont là. Qui ça ? Eh bien, les estivants, ces envahisseurs qui font passer les Sables-d’Olonne, modeste sous-préfecture de Vendée de 16000 à plus de 150000 habitants. Un décuplement qui dure à peine deux mois, mais qui fait vivre la ville toute l’année.
Louis Guédon
Les Sables-d’Olonne est une station très vieille. D’abord, parce que c’est historiquement un port de pêche, le cinquième port de pêche de France, c’est un port qui est chargé d’histoire, et nous avons une vieille ville avec des monuments anciens que nous tenons à préserver. Et alors, au XIXe siècle est venue se greffer la station balnéaire.
Dominique Baillaud
Ces deux stations balnéaires, c’est bien sûr, d’abord le front de mer, ce qu’on appelle ici le Remblai. Le tourisme façonne une première fois la ville avec édifications de villas rococo dont il reste encore quelques vestiges. C’est ce qui échappe à la fièvre spéculative qui submerge tout le littoral français.
Jean Huguet
Dans les années 60, le grand rush immobilier s’est manifesté aux Sables, et il s’est manifesté dans le cadre de la saison, puisque le tourisme appelait automatiquement une certaine spéculation immobilière. Et on a démoli systématiquement toutes les villas qui avaient fait la gloire de la station sablaise pour les remplacer par des collectifs considérables qui rentabilisaient un terrain, évidemment, très coûteux.
Dominique Baillaud
En 20 ans de temps s’édifie ce que certains appellent un deuxième mur de l’Atlantique. Le prix des terrains grimpant sans cesse, les immeubles font de même. Le nombre des résidences secondaires rattrape celui des résidences principales et c’est vraiment un miracle si les projets de tours de 20 étages ont été stoppés après l’achèvement d’un premier exemplaire.
Louis Guédon
On a vu fleurir aux Sables-d’Olonne la même architecture dite moderne ou contemporaine qu’on a vu fleurir sur le littoral et également dans les grandes cités françaises. Et maintenant, on s’aperçoit que les architectes repensent l’architecture sur d’autres données.
Dominique Baillaud
Oui, aujourd’hui, tout le monde bat sa coulpe, même les promoteurs reconnaissent avoir trop bétonné le littoral.
Guy Merlin
Heureusement qu’il y a eu des comités de défense, qu’il y a eu tout, qu’on a pu étudier avec eux, avec les écologistes et tout, et maintenant, on se rend compte qu’il faut arrêter ce gâchis.
(Musique)
Guy Merlin
Il y a des immeubles, des immeubles, alors, il faut terminer ce, pour moi, il faut terminer.
Dominique Baillaud
Des paroles faciles à tenir, car de toute façon, on ne peut pratiquement plus construire sur le front de mer, il n’y a plus de terrain disponible. Mais des terrains, il y en a ailleurs, alors, on continue de construire. Bien sûr, on prend des précautions pour moins défigurer, mais le péril est peut-être plus grand. Autour du nouveau port de plaisance, par exemple, les dernières conserveries de la ville disparaissent les unes après les autres pour laisser la place à des marinas.
(Bruit)
Jean Huguet
Pourquoi ces entreprises auraient-elles maintenu sur un terrain aussi coûteux des usines qu’elles pouvaient rentabiliser par des opérations immobilières ? Donc, nous avons perdu des emplois, considérablement, sans en regagner par la saison autant qu’il eût fallu.
Dominique Baillaud
Un peu plus loin, l’arrière-pays des Sables subit, lui aussi, les contrecoups du bétonnage de la côte. Les communes riveraines reçoivent leur part de touristes, mais aussi, plusieurs milliers de Sablais chassés par la spéculation immobilière.
Claude Guarando
Depuis 1960, une partie de la population sablaise, ne pouvant se procurer des terrains sur les Sables-d’Olonne, est partie s’installer sur les deux communes périphériques, le Château-d’Olonne et Olonne-sur-Mer. Il y a une certaine spéculation qui nuit, d’une part, à la survie d’un certain nombre de tenures maraîchères, et une spéculation qui nuit aussi à l’investissement industriel.
Dominique Baillaud
Qu’ils le veuillent ou non, tout le Pays d’Olonne est désormais régi uniquement par la loi du tourisme. Une loi d’airain, car si le tourisme assure la prospérité, il entraîne aussi un certain déclin. Le taux de chômage est plus élevé que dans le reste du département, et la démographie des Sables-d’Olonne est plus qu’alarmante. Alors qu’on a construit à tour de bras, la population a diminué de 10 % en 15 ans. Une population composée pour plus du tiers par des personnes âgées, comme à Cannes ou à Menton. Le tourisme qui a fait la renommée de la ville des Sables-d’Olonne sera-t-il aussi un jour son fossoyeur ?