Le plan polmar à l'Ile d'yeu

22 décembre 1999
02m 37s
Réf. 00503

Notice

Résumé :
Quelques jours après le naufrage de l'Erika, un baliseur installe des barrages flottants sur les côtes de l'Île d'Yeu, pour les protéger de la nappe de pétrole qui n'est qu'à 60 km. Pour les pêcheurs, cette catastrophe représente une perte importante ; ils ont été contraints de relever leurs lignes.
Date de diffusion :
22 décembre 1999
Source :
FR3 (Collection: 19/20 )
Lieux :

Éclairage

Le 8 décembre 1999, affrété par la compagnie française Total, L’Erika quittait le terminal pétrolier de Dunkerque pour se rendre à Milazzo (Sicile). Le 11 décembre, le pétrolier signalait une avarie. Dans l’après-midi, l’équipage constatait des fuites dans les cuves dont le fioul se déversait dans les ballasts, compromettant la stabilité du navire, et l’exposant un peu plus aux chocs d’une mer très agitée. Cependant, le capitaine et son armateur, minimisant les dégâts, ne sollicitèrent aucune aide particulière, ni des navires marchands arrivés sur zone, ni de la Marine, qui assurait la veille.
En fin d’après-midi, le navire mit finalement le cap sur Donges Saint-Nazaire afin, annonçait le commandant, d’y trouver abri. Ce n’est qu’en soirée que l’information relative à des fissures fut enfin dévoilée. Le 12 décembre, la situation s'aggrava. Incapable de faire route sans se disloquer, le navire dérivait, les premières traces de perte de fioul en mer étant constatées. A 6h du matin, le commandant demanda finalement l’évacuation, suite à une déchirure de la coque qui entraînait une voie d'eau. À 8 h, dans les eaux internationales à 30 miles au sud de la pointe de Penmarc'h, L’Erika se brisa en deux : 10 000 t de pétrole se déversèrent alors dans la mer. Les observations effectuées les jours suivants montraient des chapelets de nappes de fioul dérivant parallèlement à la côte, en direction du sud Bretagne et de la Vendée. Le 23 décembre, les premiers échouages furent en effet signalés dans le Finistère. Le 24 décembre, c’était au tour des îles du Morbihan (Groix et Belle-Île-en-Mer) : à la veille de Noël, la côte vendéenne retenait son souffle.
L’île d’Yeu, qui vit essentiellement de la pêche et du tourisme est située au large des côtes vendéennes : petit paradis estival, elle devient l’hiver un rocher battu par la houle. Les moyens dépêchés sur place, quoique importants, furent d’emblée jugés dérisoires, tant par les agents chargés de les mettre en œuvre que par les marins pêcheurs, habitués à évaluer l’état de la mer. Il s’agissait d’une série de barrages flottants dont l’ancrage parmi les rochers en granit de l’île n’était pas facile à réaliser et dont l’efficacité par mer agitée restait très réduite. Seules les criques et l’entrée de la rade de Port-Joinville firent finalement l’objet d’une protection. La marée noire ne pouvait être évitée, accentuée par les tempêtes de fin décembre 1999 en Europe. Quelques pompages de nappes en haute mer furent réalisés, quelques centaines de tonnes contre des milliers de tonnes de fioul, consistant en nappes et en galettes qui vinrent s’échouer un peu partout.
Tandis que la marée noire s'annonçait, les cabinets d'huissiers furent pris d'assaut. Philippe de Villiers, président du conseil général de Vendée, avait le premier initié le mouvement, de manière à faire constater la propreté des plages de sa région. Il s’agissait de prouver, en vue d’exiger de futurs dédommagements, que les plages étaient propres avant la marée noire. La catastrophe écologique a marqué les esprits, notamment avec les images d’oiseaux de mer mazoutés. Le fioul ramassé sur les plages par des cohortes de bénévoles a aussi été dispersé par la mer, avant de disparaître des côtes sans compromettre la saison touristique de l’été 2000. Entamé en février 2007, au terme de longues années d’instruction, le procès des responsables a connu une succession d’appels mais il a débouché sur la condamnation de Total, de l’armateur et de la société Rina, qui avait déclaré le navire bon pour le service. Ce procès exemplaire a validé le principe jurisprudentiel de préjudice écologique.
Thierry Sauzeau

Transcription

Élise Lucet
La marée noire avance de manière inexorable et devrait toucher les côtes samedi en milieu de journée. Principale zone en alerte, l’Île d’Yeu, mais aussi Noirmoutier, ou encore Saint-Jean-de-Monts. L’Île d’Yeu où l’on se prépare à vivre un Noël bien triste, la population commence d’ailleurs à s’inquiéter ; il faut dire qu’elle vit principalement de la pêche et du tourisme. Sur place, le reportage de Christine le Heran et Guy Sabban.
Christine Le Heran
Fébrile, l’Île d’Yeu attend de l’aide. La voici la première, avec le baliseur Charles Babin. Depuis le bord, les équipes ont pu déposer les premiers points d’ancrage pour installer les fameux barrages. Un système efficace uniquement par mer calme. Dès que la menace se précisera, le port sera barré, une infime protection pour cette île.
Jean-Claude Vallon
Vous ne pouvez pas ceinturer toute l’île, hein ! Non, c’est vraiment, tous les barrages, c’est fait pour protéger des sites stratégiques mais pas…
Christine Le Heran
Ça vous fait mal au cœur, vous vous sentez un peu impuissant vis-à-vis de cet énorme secteur à protéger et le peu de… ?
Jean-Claude Vallon
Allez voir Total-Fina là-bas !
Christine Le Heran
À l’opposé, face aux vents, seul outil dérisoire pour faire face à cette marée noire, le marteau-piqueur. Le petit port typique au Sud de la côte est le plus menacé. Tant bien que mal, sur les pentes abruptes, les techniciens installent, eux aussi, des points d’ancrage pour stopper le pétrole.
(Bruit)
Jean-Michel Devineau
Là, ce n’est pas facile, parce que c’est du granite, et puis les mèches ne sont pas, pas très bonnes et, alors ça, ça fatigue, et puis bon, il y a de la pente !
Christine Le Heran
Et le pétrole si redouté, Éric Beneteau le traque aussi, cette pollution qui fait craindre le pire pour cette île extrêmement préservée.
Éric Beneteau
Celui-ci, je l’ai trouvé à l’Anse des Soux, sur la côte Sud de l’Île d’Yeu hier en début d’après-midi. Bon, elle peut venir soit d’un dégazage d’un autre pétrolier, soit c’est des petites nappes égarées qui sont déjà arrivées à la côte.
Christine Le Heran
Bien sûr, sur le port, les pêcheurs résignés n’ont d’autre choix que d’attendre. Une perte pour eux, car ils ont dû relever leurs lignes par crainte de les souiller, l’attente est décidément longue.
Gabriel Bernard
Quand on voit ce qui, ce qu’ils on fait sur le continent et que nous, on n’a rien, c’est dommage, oui. Et moi, je ne sais même pas s’ils pourraient servir à grand-chose puisque à la côte sauvage, là-bas, ils vont peut-être avoir des creux de 5, 6 mètres, et s’ils mettent des barrages dedans, ça passera par-dessus, hein !
Christine Le Heran
Viendra, viendra pas, beaucoup restent optimistes, le courant l’emportera bien après tout au large, vers le Sud. Pour d’autres, ils n’y échapperont pas. La nappe est ce soir à 60 kilomètres de l’Île d’Yeu, prévue pour échouer samedi après-midi, tout le monde retient son souffle en espérant que ce poison de Noël passera son chemin.