Le Tro Breizh
Notice
Une vieille légende bretonne voulait que l'on fasse le tour de Bretagne, le Tro Breizh, pour sauver son âme. Alain Gugny a parcouru ce chemin à pied. Aux Landes de Lanvaux, il évoque son voyage et ses rencontres.
Éclairage
La "tradition" rapporte qu'au Moyen Age l'usage exigeait que chaque Breton effectue son Tro Breizh ou tour de Bretagne, sous peine de devoir l'effectuer après sa mort en avançant tous les sept ans de la longueur de son cercueil. Parti seul ou en groupe, le pèlerin aurait mis trente jours pour rejoindre les sept sièges épiscopaux des saints fondateurs de la chrétienté bretonne. Pèlerinage de masse mobilisant chaque année des milliers, voire des dizaines de milliers de pieux marcheurs, le Tro Breizh aurait laissé son empreinte à travers le duché, et pas seulement dans les grandes églises, cathédrales : outre quelques chapelles et fontaines placées sous l'invocation des Sept saints de Bretagne, les voies du Tro Breizh seraient toujours présentes dans le paysage sous la forme de chemins creux.
Les premiers historiens ne s'accordent guère pour dater l'apparition de cette dévotion. Certains la situent sous le règne unificateur de Nominoë, d'autres vers l'An Mil après les incursions scandinaves, les plus circonspects au XIIe siècle seulement, quand le duché s'organise. Mais tous s'accordent à estimer que sa disparition fut progressive, les mentions écrites la concernant devenant rares et confuses aux XIVe – XVe siècles, et nulles après les guerres de la Ligue. Après un réexamen des sources, il apparaît cependant que le Tro Breizh n'est pas attesté en tant que pèlerinage de masse. Les érudits de la fin du XIXe siècle ont créé le mythe moderne en proposant de savantes études sur les itinéraires supposés du Tro Breizh.
Aujourd'hui le Tro Breizh est pourtant en passe de devenir une réalité sociologique depuis sa "relance" en 1994, au conaluent de préoccupations diverses qui assurent son succès. Il rassemble désormais de modernes "marcheurs de Dieu", des marcheurs que l'on peut sommairement qualifier de nationalistes, d'autres d'écologistes, mais aussi des randonneurs passionnés ou de simples curieux en quête d'une Bretagne rurale mal connue des citadins. Les marcheurs, partis de Quimper en 1994 à raison d'une étape hebdomadaire chaque été, ont donc rejoint successivement les cathédrales de Saint-Pol-de-Léon, Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Dol-de-Bretagne et Vannes, avant de boucler la boucle en 2000 après plus de 600 km de marche. Leur nombre est allé croissant à mesure que les années ont passé : ils étaient 600 au départ et 2500 à l'arrivée. Et ce, malgré les oppositions parfois constatées entre les organisateurs du Tro Breizh et les maires laïques des villes devant l'accueillir, ou encore les tensions internes au catholicisme breton dont le pèlerinage a été le creuset.
Bibliographie :
- Jean-Christophe Cassard, "Tro Breizh" dans Alain Croix, Jean-Yves Veillard, Dictionnaire du patrimoine breton, Rennes, éditions Apogée, 2000.