Henri Queffélec

25 juin 1966
03m 04s
Réf. 00344

Notice

Résumé :

L'écrivain Henri Queffélec parle de son ouvrage "La mer". Il livre ses réflexions sur la nature de la mer, son genre, son âge...

Date de diffusion :
25 juin 1966
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Personnalité(s) :

Éclairage

Henri Queffélec (1910-1992) grand romancier maritime français du XXe siècle, a écrit de nombreux livres inspirés par sa Bretagne natale et par la mer. Dans cet entretien il présente son livre La Mer paru en 1966 et tente de répondre à trois questions qu'il se pose :

La mer est-elle vieille ? C'est une citation d'une phrase du Comte de Lautréamont : " Je te salue vieil Océan ", qui introduit sa réflexion. En dépit des aménagements inesthétiques du rivage, l'océan selon Henri Quéffelec n'est pas vieux, il est pérenne car la haute mer ne vieillit pas. Elle existe dans sa continuité.

La mer est-elle une femme ? Cette question est abordée à partir des langues et des peuples qui caractérisent la mer. L'écrivain est sensible à la féminité que lui attribuent la langue française et la langue grecque. Il exprime en revanche ses réticences envers le peuple latin qui n'a pas de " cellules marines ". Celui-ci a donc fait de la mer un simple objet, un élément neutre en ne lui prêtant pas d'identité masculine ou féminine.

La mer est-elle dieu ? Il répond à cette interrogation en évoquant les grands mystiques qui ont mis en relation la mer et la divinité.

L'ouvrage La Mer dont il est question dans cette entrevue est paru aux éditions Wesmael-Charlier dans la collection " Raison d'aimer ". Il n'est semble-t-il plus disponible en librairie. Toutefois ce documentaire nous rappelle la passion d'Henri Queffélec pour cet élément qui est au centre de la plupart de ses romans. L'un d'eux : Un Royaume sous la mer a été couronné du " Prix du roman de l'Académie " en 1958.

Marie-Cécile Urvoy

Transcription

(Bruits)
Henri Queffélec
Je te salue, vieil océan !, c'est Isidore Ducasse, c'est assez inattendu comme nom mais c'est Isidore Ducasse le plus fameux Comte de Lautréamont qui a dit cela. Pour ma part je n'arrive pas autrement en dehors de ce sens un peu humoristique et tendre, je n'arrive pas à voir ce que serait la vieillesse de la mer, telle que je l'ai trouvée dans mon enfance je la revois à peu près, le profil des côtes a quelque fois changé. En Bretagne, on a procédé assez souvent à ces fameux aménagements du rivage, le terme est assez fâcheux, pour l'esthétique, mais en dehors de ça, la mer elle-même, quand nous allons au large, la haute mer, la haute mer, elle n'est pas vieille, elle est toujours dans sa continuité et est-ce qu'elle est jeune ? Est-ce qu'elle est vieille ? Non, elle n'est pas vieille en soi en tout cas, soit elle est... La mer est-elle femme ? Tout dépend des langues, tout dépend des peuples. Français, moi, je suis toujours habitué à dire la mer et à braquer ma sensibilité là dessus et évidemment pour moi, si j'allais jusqu'au bout de ma pensée, eh ! Bien, il est bien vrai que dans ma sensibilité je mets un peu de féminité dans la mer, ça c'est très sûr ! Et je suis aidé là par la langue grecque parce que les grecs étaient vraiment de grands navigateurs, eh bien le peuple qui a repoussé le fameux cri de Thalassa ! Thalassa !, c'était un peuple pour qui justement la mer était aussi un nom féminin. Et là précisément je suis heureux de constater cela alors que les latins eux, ce peuple qui avait si peu de cellules marines, eh bien, ce peuple-là, lui, a fait de la mer quelque chose de neutre, mare nostrum a-t-il dit fièrement, mais c'était ni masculin ni féminin, c'était un objet, qui montre bien qu'il n'avait pas le sens marin, d'ailleurs, à mon avis. La mer est-elle dieu ? Ce n'est pas pour rien que dans certains textes chrétiens, il y a des formules comme "L'esprit de Dieu se mouvait sur les eaux", des phrases qu'on ne peut pas bien comprendre, mais qui montrent certainement que les premiers théologiens, les premiers grands mystiques ont mis en rapport la mer et la divinité.
Journaliste
La Mer par Henri Queffélec aux éditions Wesmael Charlier, dans la collection "Raison d'aimer".