Alain Colas

08 juillet 1972
04m 26s
Réf. 00416

Notice

Résumé :

Le navigateur Alain Colas revient sur ses débuts. C'est sur son voilier le Pen Duick IV qu'il a pris le départ de la course en solitaire, la Transat anglaise. Il évoque ses inquiétudes et son désir de remporter cette course.

Date de diffusion :
08 juillet 1972
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )
Personnalité(s) :

Éclairage

A la veille de son départ dans la transat anglaise en 1972, qu'il va par ailleurs remporter, Alain Colas revient sur sa découverte de sa passion pour la voile, son itinéraire pour devenir skipper. Il nous présente son bateau et sa préparation pour une course qu'il rêve de gagner.

Né à Clamecy en Bourgogne le 16 septembre 1943 et fils d'une famille de faïenciers, rien ne prédestine Alain Colas à devenir navigateur. Excellent élève, il poursuit ses études de lettres et d'anglais à la faculté de Dijon, puis à la Sorbonne, avant de partir en Australie en 1965 où il devient maître de conférence en littérature française à la faculté de lettre de Sydney à seulement 22 ans. Ce voyage marquera un tournant décisif dans sa vie. En effet il découvre la voile dans la baie de Sydney et se passionne rapidement pour ce sport. Rapidement la baie de Sydney se révèle trop petite pour lui et l'appel du large est le plus fort. Une rencontre va fortement inaluencer sa carrière de navigateur. En 1967 il fait la connaissance d'Eric Tabarly, qui dispute alors la course Sydney-Hobbart et qui lui propose alors de devenir son cuisinier de bord. Cette situation ne le satisfait pas, mais le convainc de devenir navigateur. Il abandonne définitivement son poste de maître de conférence pour suivre Tabarly à Lorient et disputer, à ses côtés, plusieurs courses de la saison 1968-1969. Il apprend ainsi le métier de navigateur de course au large sur le nouveau bateau de course conçu par Tabarly et l'architecte André Allègre, le Pen-Duick IV, un bateau multicoque révolutionnaire à l'époque. Une fois sa formation achevée, avec l'aide de sa famille et des reportages qu'il écrit dans la presse française et anglo-saxonnes pour raconter ses aventures maritimes, il rachète en 1970 le Pen-Duick IV à Eric Tabarly. Après deux années d'entraînement sur son bateau qui le font passer notamment par Tahiti pour réaliser des reportages sur la Polynésie afin de pouvoir financer ses projets, il revient en 1972 en métropole afin de préparer la quatrième course transatlantique anglaise.

La course, qui prend son départ à Plymouth et arrive à Newport aux Etats-Unis, est la première victoire du skipper qui boucle l'épreuve en un temps record de 20 jours 13 heures et 15 minutes. Il tente ensuite de réaliser le premier tour du monde en solitaire en multicoque avec une seule escale à Sydney, à bord du Pen-Duick IV, rebaptisé entre-temps Manureva ce qui signifie "oiseau du voyage" en Tahitien. Parti de Saint-Malo le 8 septembre 1973, il dépasse le Cap-Horn le 3 février 1974, et arrive à Saint-Malo le 28 mars 1974. Il bat ainsi de 32 jours le record de Sir Francis Chichester, établi en 1967 avec 266 jours, mais en monocoque. Alain Colas devient donc le premier à réussir cet exploit avec un bateau multicoque. Préparant la Transat anglaise de 1976, il lance en 1975 la construction d'un nouveau bateau à la pointe de la technologie, le Club Méditerranée, qui est un gigantesque voilier de 72 mètres. Amoindri par une grave blessure à la cheville, Colas continue de superviser la réalisation du bateau pour participer à la transat. Le bateau est lancé le 15 février 1976 à Toulon, et le 5 juin Alain Colas est au départ de la cinquième Transat anglaise. Le navigateur finit second derrière Eric Tabarly, mais est finalement déclassé pour avoir reçu de l'assistance au cours de la traversée.

En 1978, le navigateur décide de participer à la Route du Rhum, qui sera sa dernière course. A bord du Manureva repeint et équipé d'un gréement neuf pour l'occasion, il prend le départ le 5 novembre. Alors qu'il était dans les premiers de la course, au large des Açores, il envoie son dernier message radio le 16 novembre : "dans la nuit de mercredi à jeudi, j'ai dépassé la mi-course". Une tempête qui se déclenchera le jour suivant causera la disparition du marin, seulement âgé de trente-cinq ans. Le bateau qui n'était pas constitué de matériaux insubmersibles n'a pas pu flotter et dériver. A ce jour aucun débris n'a encore été retrouvé, ce qui permet d'animer de nombreuses légendes autour d'Alain Colas. Parfois peu apprécié dans le milieu de la voile à cause de son parcours qui lui valait parfois le surnom de "parisien", Alain Colas ne jouissait pas moins d'une grande popularité auprès du public de par son parcours atypique, son ascension fulgurante, mais aussi sa brutale disparition. Son apport au monde de la navigation aura aussi été important en attirant l'attention des médias et des sponsors sur un sport parfois méconnu et qui manquait de financement. Son bateau le Club Méditerranée, intégrant pour la première fois des instruments devenus par la suite indispensable dans la pratique de la course au large, fut également une vitrine de l'évolution technologique de ce sport.

Frédéric Martin

Transcription

(Musique)
Alain Colas
C'est un engin qui marche à la voile, il marche très, très vite. Un engin de performance conçu autour des idées de base : traverser l'Atlantique le plus vite possible à la voile, un bonhomme tout seul à bord. Celui-ci est très grand. Et plus le bateau est grand, et plus il va vite. C'est valable pour toutes les formules de voilure. En plus de cela, il est très puissant, il est très homogène et très rigide. Et il a été, pour son plan de pont, conçu par un, par un grand spécialiste, Eric Tabarly, il abaisse pas le terrain quand il dessine le plan de pont d'un bateau.
(Silence)
Alain Colas
J'ai tout fait à Paris. J'étais étudiant en Lettres et puis, un beau jour j'ai vu passer une annonce dans un canard, on demandait un maître de conférences à la faculté des lettres de Sydney. Je suis parti. Et là-bas, en Australie et surtout à Sydney le, la voile s'impose, la baie est extraordinaire, elle est sillonnée de voiliers, c'était tout de suite l'appel. Mes collègues pratiquaient la voile. Ils m'ont fait découvrir ce monde, cette vie et j'ai accroché immédiatement, j'ai navigué comme ça un an avec eux en baie de Sydney et puis un jour, j'ai voulu aller au large. Alors je me suis fait engager comme, comme french cook, comme cuisinier, sur les voiliers de course-croisière et les bateaux de haute mer et j'ai ainsi découvert le large.
(Silence)
Alain Colas
Quand je suis fatigué, c'est là que je viens un peu me reposer, je suis bien assis, je suis bien calé, même quand le bateau danse, quand il y a de la, des coups de mer, des coups de vent, ici, je suis bien. Ce que je crains le plus, c'est la collision avec un cargo et c'est ce qui m'a amené à ne plus dormir que par, que par tranches. Je prends des petites tranches de sommeil. J'essaie de dormir le moins possible la nuit, je prends des tranches de sommeil échelonnées sur 24 heures, d'une demi-heure, d'une heure. Des fois quand c'est le luxe, je m'offre une heure et demie ou même de jour. J'arrive le matin à prendre une tranche de 2 bonnes heures de sommeil et ça, ça retape bien. Et ce que je crains aussi bien sûr, c'est, c'est comme tous les solitaires, le risque de passer par-dessus bord et d'avoir personne pour vous repêcher. Passer par-dessus bord et voir le bateau qui s'éloigne, ça c'est, c'est la hantise de tous les solitaires. On fait tous ce cauchemar là, un jour ou l'autre, la nuit. Mon but c'est de gagner pour l'instant parce que cette course, ça fait plus de 4 ans bientôt que j'en rêve. 4 ans que je me prépare, que je mets, que j'ai tout sacrifié sur le plan du travail, sur le plan financier et tout, et même sur le plan physique, je me suis obligé à avoir froid, je me suis obligé à ne pas dormir. Il y a des fois où, je ne vais pas pouvoir manger à mon aise dans certains cas et tout. Des fois où j'en ai bavé physiquement, parfois aussi moralement, parce que ce n'est pas toujours facile de conduire un grand bateau et de réunir les sous pour pouvoir à continuer à le maintenir à son niveau de forme.
(Bruits)