Sur les traces d'Arthur Rimbaud et de Paul Verlaine

Figures emblématiques des Ardennes et de la poésie française de la deuxième moitié du XIXe siècle, Arthur Rimbaud et Paul Verlaine sont deux poètes français indissociables, marqués par leur relation amoureuse tumultueuse entre septembre 1871 et juillet 1873.

Jean Nicolas Arthur Rimbaud naît  le 20 octobre 1854 à Charleville dans les Ardennes, où il étudie jusqu'en 1870. Mineur, il fugue le 29 août 1870 à Paris, quelques jours avant la bataille de Sedan et la défaite des armées françaises face au Prussiens. En août 1871, il rencontre Paul Verlaine, avec lequel commence une relation amoureuse passionnée qui les mènera à Londres puis à Bruxelles, où Verlaine, ivre, tire sur son compagnon, le 10 juillet 1873, ce qui l’envoie en prison pendant 2 ans. Rimbaud abandonne la poésie en 1875 et se lance dans des périples qui le mènent aux Indes néerlandaises, en Scandinavie, en Égypte, à Chypre et au Harar dans l’actuelle Ethiopie, où il exerce le métier de commerçant. Décédé à Marseille en novembre 1891 après l’amputation de sa jambe droite et 6 mois de souffrance, son corps est ramené à Charleville, où il est enterré dans le caveau familial. On retient de lui que l’intégralité de son œuvre fut écrite avant 20 ans, qu’il renouvela la poésie et inspira toute une génération.

Paul Verlaine naît le 30 mars 1844 à Metz, puis vit à Paris où il fait ses études, fréquente les cafés et les salons littéraires et rencontre les Parnassiens (mouvement poétique dont le slogan est « l’art pour l’art » et qui réhabilite le travail minutieux de l’artiste). Il publie alors les Poèmes saturniens qui le font connaître. Marié en 1870, sa rencontre avec Rimbaud bouleverse son confort bourgeois et il vit avec lui une passion avant d’être emprisonné en Belgique pour avoir fait feu sur son compagnon. Après un séjour en Angleterre, il enseigne à Rethel dans le sud des Ardennes. Ses productions littéraires deviennent alimentaires. En 1894, il est surnommé « prince des poètes », mais sa vie de bohème et son alcoolisme l’usent, et il meurt le 8 janvier 1896 à Paris d’une pneumonie.

Ces deux poètes ont marqué leur temps et sont devenus des icônes et des figures du symbolisme, mouvement artistique qui cherche à dépasser la simple représentation réaliste des faits. Des Fêtes galantes de Verlaine en 1869, en passant par Le Bateau ivre de Rimbaud en 1871, leurs œuvres sont au cœur du mouvement.

A Charleville, Arthur Rimbaud devient progressivement une figure indissociable de la ville. Un festival de musique rock, le Cabaret vert, porte le nom d’un de ses poèmes, comme la médiathèque locale nommée Voyelles. De sa tombe dans le cimetière municipal aux statues et aux bustes présents au square de la gare et sur la place J. Félix, de la plaque commémorative de la maison de son enfance aux 18 chaises présentes sur le quai Rimbaud, qui renvoient à 18 fragments de poèmes de l’artiste, la ville arbore fièrement ce natif de Charleville. Plus récemment, depuis 2015, la ville fait réaliser des fresques en street art qui permettent au promeneur de lire directement la poésie de Rimbaud. Et grâce à la donation du collectionneur Henri Matarasso sont créés en 1954 les fonds Arthur Rimbaud qui comptent aujourd’hui 1200 œuvres exposées depuis 1969 dans l’ancien moulin ducal, sur les quais Rimbaud. Ce musée, classé monument historique en 1981, est intégralement consacré aux poètes depuis 1991, date du centenaire de la mort de Rimbaud, et fut entièrement rénové en 2014-2015 pour présenter une scénographie et une  muséographie modernes, tournées vers les scolaires et les visiteurs individuels.

A Juniville, un musée est consacré à Paul Verlaine dans l’ancienne auberge du lion d’or qu'il fréquenta de mars 1880 à janvier 1882. Il ouvre sur l’initiative privée de Marcelle Ponsinet en 1994 pour le 150e anniversaire de la naissance du poète. Repris en 2007 par la commune de Juniville, le bâtiment, lieu de mémoire où a été conservé le mobilier, devient aussi un centre culturel avec animations et expositions d’artistes.

A l’initiative du conseil général des Ardennes et du comité départemental du tourisme, la Route Rimbaud-Verlaine véritable pèlerinage poétique en 8 étapes et 300 km est mise en place  et permet une valorisation identitaire des Ardennes mais est aussi une opération de marketing territorial. De nombreuses retombées sont attendues par le département, tant d’un point de vue économique grâce aux recettes touristiques, que sous l’angle de la notoriété accrue du territoire ardennais. Cette opération s’inscrit dans un processus commencé dès les années 1950 avec la route des vins d’Alsace en 1953 et qui vise à faire découvrir au travers d’une route touristique un territoire, et qui participe à sa valorisation.

Consacré à la route Rimbaud-Verlaine, le reportage du journal télévisé du soir de France 3 Lorraine est lancé par le journaliste Etienne Guillet le 18 juillet 2016. Il vise à montrer l'importance des sites à découvrir et à légitimer leur importance dans une logique de patrimonialisation qui a pour objectif une appropriation collective et une valorisation touristique.

Le reportage fait partie d’une série d’été appelée « un été dans l’est », diffusée en juillet et en août, qui accompagne le téléspectateur dans la découverte de la région. Le choix du sujet très local et culturel est à envisager dans l’optique du tourisme local et de la valorisation identitaire de la région.

Sur fond sonore de grillons, pour suggérer une ambiance estivale, défilent des images d’un dessin et d’un buste de Rimbaud, d’une inscription en lettres dorées « le bateau ivre » qui renvoie au célèbre poème de l’artiste, afin d’introduire le journaliste Ali Benbournane au pied du musée Rimbaud à Charleville. Celui-ci marche et lance une invitation à suivre le reportage.

Une séquence démarre alors sur le musée Rimbaud de Charleville à travers quelques prises de vue du lieu et d’œuvres originales. L’interview de Lucile Pennel directrice du musée, montre que les deux années de travaux ont permis un renouvellement muséographique portant sur l’œuvre et l’artiste. D’une fonction de moulin, la bâtiment est devenu musée municipal en 1969 puis musée Arthur Rimbaud en 1991. Il nous permet de prendre conscience de la muséification de ce lieu transformé en lieu de conservation et de valorisation touristique.

Une focale sur deux cygnes sur la Meuse, écho aux deux poètes, ouvre une nouvelle séquence à Juniville dans l’auberge du lion d’or, devenu musée Verlaine en 1994. L’interview du guide Marc Gaillot dans le musée, assis sur une table, permet au journaliste de parler de ce meuble sur lequel fut composé le poème Sagesses. Le regard est ensuite porté sur deux photographies de Verlaine jeune, avant et après la rencontre avec Rimbaud, pour montrer le lien entre les deux hommes. L’interview se poursuit en cheminant à l’intérieur du musée, ce qui permet de découvrir les lieux et donne au journaliste la possibilité de demander les horaires d’ouverture... susceptibles d’intéresser le téléspectateur. Le regard porté sur l’extérieur fait entrevoir des œuvres artistiques dans le jardin, ce qui facilite la transition avec les propos du guide qui explique que les lieux sont l’objet d’expositions d’artistes, conformément à la vocation de centre culturel du bâtiment depuis 2007. Labellisé « Maisons des Illustres » par le Ministère de la Culture en 2012 - comme la maison de Rimbaud à Charleville en 2011-, ce lieu a vocation à transmettre la mémoire de Verlaine et bénéficie par ce label d'une reconnaissance officielle.

Le panneau signalétique de la route Rimbaud Verlaine invite le téléspectateur à rejoindre le village de Chuffilly-Roche (dont on notera au passage la mauvaise orthographe), village dont est originaire la famille maternelle (les Cuifs) d’Arthur Rimbaud. L’interview du peintre Hubert Pauget et la présentation de quelques toiles tendent à montrer que Rimbaud et Verlaine sont encore source d’inspiration. L’évocation de Rimbaud, icône de l’adolescence, et de Verlaine, celle de la maturité, renforce l’idée d’un lien puissant entre les deux.

La fin du reportage débute par une vue du musée Rimbaud à Charleville prise de la Place Ducale. S’ensuivent des prises de vues évoquant l’importance de Rimbaud à Charleville avec une plaque commémorative de son lieu de vie rue Pierre Bérégovoy et une des 18 chaises où l’on peut lire 18 fragments des poèmes de l’artiste. Le journaliste conclut avec en arrière-plan une image de péniches sur la Meuse, soulignant le caractère agréable du site, comme une invitation à la rêverie et à la flânerie inspirée par les vers de Rimbaud et Verlaine. C'est une découverte d’une Ardenne poétique, berceau de la rencontre de deux génies de la littérature, enfants du pays : Verlaine, le poète de la forme et Rimbaud, le génie précoce et aventurier.