Julie-Victoire Daubié, pionnière du féminisme
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La maison natale de Julie-Victoire Daubié, première bachelière de France en 1861, se trouve à Bains-les-Bains, sur le site de l’ancienne manufacture royale de ferblanterie qui connut son apogée avec la révolution industrielle. Cette époque de mutations vit le combat féministe s’affirmer. J.-V. Daubié, universitaire, sociologue, économiste et pacifiste, incarna parfaitement cet engagement.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
03 janv. 2018
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Julie Victoire Daubié fut une actrice majeure du féminisme. Quoique moins présente dans les livres d‘histoire qu’Olympe de Gouges, sa vie reflète l’affirmation des femmes dans la société du XIXe siècle. Elle naquit en 1824 à Bains-les-Bains et vécut d’intenses mutations de la Restauration à la IIIe République.
Elle vit le jour dans la maison des contremaîtres de la Manufacture Royale de ferblanterie où son père était commis-caissier. La révolution industrielle était alors encouragée par une politique volontariste (le PIB a presque doublé de 1850 à 1869). L’entreprise d’ustensiles ménagers et d’outils était installée sur le Côney qui produisait l’énergie hydraulique. Les forêts fournissaient le bois et le charbon pour les forges. La majorité des bâtiments dataient du XVIIIe siècle (château, chapelle, logements ouvriers, halle au charbon). 500 ouvriers y travaillaient.
Mais à vingt mois, la mort de son père força sa famille à rejoindre sa famille paternelle à Fontenoy. Il s’agissait d’un milieu bourgeois : ses grands-pères étant rentier et directeur de forges. Cela lui permit d’accéder à la connaissance contrairement à la plupart des jeunes filles de son époque. Les plus fortunées fréquentaient les écoles de filles des congrégations religieuses qui les formaient à leur destinée d’épouses ou de mères. Quelques progrès eurent cependant lieu : la loi de 1834 autorisa les premières institutrices et la loi Falloux de 1850 créa de rares écoles de filles laïques. Il faudra attendre la loi Duruy de 1867 pour voir l’Etat organiser des écoles de filles et 1880 pour les premiers lycées de jeunes filles. C’est dans ce contexte que J.V. Daubié s’inscrivait lorsqu’elle obtint un certificat de capacité d'enseignante en 1844, obligatoire pour les écoles de filles laïques. C’est donc son milieu privilégié qui lui permit l’accès à l’Education. Son essai La Femme pauvre au XIXe siècle (1859) lui ouvrit des relations dans les milieux académiques et à la cour impériale, dont l’influent économiste Arlès-Dufour, qui soutint son inscription à la faculté de Lyon. Etudiant les langues antiques avec son frère prêtre et la zoologie au Muséum d’Histoire Naturelle, elle passa son baccalauréat à 37 ans. Le 17 août 1861, elle fut la première bachelière de France. Elle s’engagea alors dans une licence de lettres à la Sorbonne, même si les cours n’étaient pas ouverts aux femmes. Elle devint la première licenciée en lettres en 1871 et reçut son diplôme signé du ministre républicain Jules Simon (ajoutant de sa main Mademoiselle qui n’existait pas sur les diplômes). Elle incarnait en partie le projet républicain et les valeurs de 1789. Elle se lança alors dans sa thèse inachevée de doctorat sur la condition de la femme dans la société romaine.
Son ascension ne se fit pas sans résistances conservatrices. L'Université de Paris lui aurait refusé l’autorisation de passer le baccalauréat. Le ministre Gustave Rouland n’accepta de signer son diplôme qu’après une intervention de l'Impératrice et une campagne de presse. Le maire de Paris rejeta son inscription sur les listes électorales en 1871. Enfin, en 1873, 3 ouvrages de son association "L'émancipation progressive de la femme" furent interdits de colportage.
Cette femme de science produisit une œuvre remarquable et reconnue sur les questions sociales : La Femme pauvre au XIXe siècle fut publiée et récompensée à l'exposition universelle de Paris de 1867. Elle devint préceptrice et journaliste pour L'Économiste français à Paris. En 1862, son article "Du progrès dans l'enseignement primaire" fut publié. Sollicitée pour des conférences jusqu’en Allemagne, correspondant avec de nombreux intellectuels jusque dans les pays anglo-saxons, son engagement pour les femmes fut largement admiré. En 1871, le mot bachelière apparut dans le dictionnaire. Elle ne saura jamais que 10 bachelières obtinrent leur diplôme en 1882.
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Ce reportage relativement récent (2018) fait découvrir le Grand Est à travers des sites culturels. Le choix judicieux de la maison natale de J.-V. Daubié a de multiples intérêts.
Il met en relief la patrimonialisation de cet héritage. Les vues du site industriel de Bains-les-Bains (17 ha) nous montrent la chapelle ou la maison des contremaîtres dans laquelle J.-V. Daubié naquit. Il a été popularisé par le film à succès Indigènes (2006), en partie tourné dans le château et devant la chapelle. Ce site fut un modèle de paternalisme, comprenant des bâtiments comme l’atelier et la halle au charbon mais aussi des logements ouvriers, dominés par le château du maître de forge. Sa reconversion grâce au tourisme permet sa valorisation. Des évènements culturels sont coordonnés par l’association Les Amis de la Manufacture Royale de Bains pour le sauvegarder, à l’image des vitraux de la chapelle labellisée "Fondation du Patrimoine". La manufacture compte aussi un gîte, permettant aux touristes de profiter d’un site unique.
Le focus sur J.-V. Daubié insiste surtout sur son parcours de première bachelière. La visite de sa maison brosse son portrait par l’exposition de ses diplômes et de ses ouvrages, révélant l’influence intellectuelle remarquable qu’elle eut sur son temps. Sociologue et économiste inspirée par le modernisme et le saint-simonisme, elle s’engagea dans la vie publique sur les questions sociales. Cet intérêt serait né, selon le reportage, du travail harassant de sa mère brodeuse, information étonnante au vu de son milieu social. Sa prise de conscience semble davantage reposer sur son bénévolat au bureau de bienfaisance de Fontenoy où elle côtoya la misère ouvrière et les mères célibataires exploitées. Cela explique son combat pour l’accès des femmes à l'éducation et à une formation professionnelle efficace. Dans La femme pauvre, elle dénonça l’exploitation et démontra que les compétences des 200 000 ouvrières de la broderie permettaient des salaires élevés. En octobre 1870, elle intégra une commission sur l’enseignement primaire de la Mairie de Paris, signe de son engagement.
L’indépendance économique des femmes était aussi un moyen d’améliorer leur place dans la société. J.V. Daubié montra l’exemple : elle installa une entreprise de broderie à Fontenoy, comme sa sœur en 1852. Sa gestion fut confiée à sa nièce Mathilde. Sa réussite financière fut incontestable : deux maisons, des titres, des actions.
Elle devint une militante politique tenace, le projet républicain négligeant le droit des femmes. En 1848, le Gouvernement Provisoire de la République déçut les militantes en instaurant un suffrage universel masculin. Malgré la répression, la lutte devait continuer. La voix des femmes d’Eugénie Niboyet encouragea George Sand à se présenter aux législatives (elle refusa) et la candidature de Jeanne Deroin (1849) fut refusée et ridiculisée par la presse. Pauline Roland fut déportée en Algérie pour socialisme et féminisme (1852). Un manifeste de 1868 paru dans l'Opinion nationale réaffirma cependant le droit des femmes (signé par une vingtaine de femmes). J.-V. Daubié contribua à ce mouvement en écrivant dans l'hebdomadaire Le Droit des femmes. Elle créa l’Association pour le suffrage des femmes en 1871.
La portée de son action laisse donc un patrimoine intellectuel considérable. Son travail de journaliste engagée lui valut une forte notoriété en Europe et aux États-Unis. Elle inspira la féministe anglaise Butler et en 1869, l’Américaine Willard, première doyenne d’université, voulut la rencontrer. De nos jours, 21 établissements scolaires se nomment Julie-Daubié (ironie du sort elle se faisait appeler Victoire) mais aussi la faculté de Lyon II, de nombreuses rues et places. J-V. Daubié laissa une réflexion et une action inspirantes pour ses contemporaines, même si elle ne vit pas (elle mourut à 50 ans de la tuberculose en 1874) Hubertine Auclert fonder le groupe suffragiste français "Le droit des femmes", en 1876.
Transcription
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