Maurice Barrès, vie et postérité d’un écrivain lorrain controversé
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Ecrivain reconnu et influent, académicien, homme politique, amoureux de la Lorraine où il est né, Maurice Barrès (1862-1923) a aussi été un homme très controversé pour son nationalisme et son antisémitisme, qui se sont manifestés au moment de la crise boulangiste et de l’affaire Dreyfus. Le reportage, ponctué de deux entretiens, retrace ce parcours.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
05 avr. 2003
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Le parcours de Maurice Barrès (1862-1923), figure du nationalisme sous la IIIe République et personnalité bien connue en Lorraine, permet d’aborder de nombreux aspects de cette période. En tant qu’écrivain qui s’engage en politique, il représente un cas intéressant de la figure de « l’intellectuel » qui apparaît alors avec l’Affaire Dreyfus (1894-1906). Intéressant car il fut lui-même l’un des premiers à utiliser le terme de manière péjorative et ironique pour les défenseurs de Dreyfus (Zola, Gallé). Sa postérité en tant qu’écrivain et la réalité de l’homme qu’il fut ont fait de Barrès un sujet de controverses régulières au niveau national, qui semblent relativement épargner la Lorraine, où le personnage paraît faire consensus. Cet écart significatif entre une mémoire locale centrée sur ses écrits louant la beauté des paysages régionaux et une mémoire nationale plus politisée surprennent ceux qui, arrivant en Lorraine, constatent le nombre de rues et d’écoles qui portent son nom.
Né à Charmes (Vosges) dans une famille relativement aisée, Maurice Barrès passe ses années de formation à Nancy, d’abord comme interne au collège de la Malgrange puis au Lycée (actuel lycée Poincaré) et enfin à la faculté de droit. Etudiant peu sérieux, il se rend ensuite à Paris où ses talents d’écrivain lui ouvrent les pages des revues et publications. Son style et sa désinvolture plaisent, faisant de lui le « prince de la jeunesse » et le succès de sa trilogie Le Culte du Moi, empreint d’égotisme. Flirtant avec le socialisme et l’anarchisme, il s’engage en politique auprès du général Boulanger (1837-1891) qui mène un mouvement antiparlementaire menaçant la jeune IIIe République à la fin des années 1880. En 1889, il est élu député boulangiste de Nancy comme « socialiste révolutionnaire ». Très vite, il cherche à se distinguer des courants d’extrême-gauche et affirme un nationalisme fortement teinté de conservatisme. Son œuvre évolue et reflète ces thématiques. Son roman Les Déracinés (1897, premier volet de sa trilogie Le Roman de l’énergie nationale) commence au lycée de Nancy et suit une génération de jeunes garçons, formés par leur professeur de philosophie venu de Paris qui les pousse à s’éloigner de leurs racines lorraines. Son anti-universalisme s’y exprime fortement. Il affirme qu’on ne fait pas « avec des petits Lorrains, avec des enfants de la tradition, des citoyens de l’univers, des hommes selon la raison pure » (allusion à Kant, qu’il critique).
Avec l’affaire Dreyfus, ce nationalisme devient franchement antisémite. Il prend position contre les « révisionnistes », les « intellectuels » et bien sûr les Juifs. Il préfère la « préservation sociale » à la défense d’une « idée » comme la justice, reflétant ainsi le parcours de nombreux hommes politiques, plutôt à droite.
Poursuivant son engagement politique, il soutient Déroulède (1846-1914), s’engage dans la Ligue de la Patrie française créée en 1898. Devenu une figure du nationalisme, il s’intéresse davantage à sa Lorraine natale après la mort de ses parents, achète une maison à Charmes et consacre une trilogie à la région : Les Bastions de l’Est (1905-1921). Il y exprime son désir d’une revanche contre l’Allemagne, lui qui fut, à 8 ans, profondément marqué par l’invasion prussienne de 1870. En 1906, il est élu à l’Académie française et de nouveau député. Son roman La Colline inspirée (1913) témoigne de sa volonté de « s’enraciner » en Lorraine. Il loue ses « lieux où soufflent l’esprit » en faisant de la colline de Sion, au cœur du Saintois (sud de Nancy), un véritable personnage. Il contribue à en faire un lieu de pèlerinage revanchard aux dimensions régionale et nationale, tourné vers les provinces perdues en 1870.
Au cours de la Grande guerre, son nationalisme trouve naturellement à s’exprimer. L’écrivain Romain Rolland le surnomme « le rossignol des carnages ». Il se rallie à l’Union sacrée, manière de se réconcilier avec cette république parlementaire tant décriée. Son nationalisme s’ouvre alors davantage aux individus qu’il excluait auparavant de la communauté nationale (protestants, Juifs). En 1920, il vient célébrer la victoire sur la colline de Sion, véritable lieu de mémoire régional, en posant dans l’église une inscription consacrant le retour de l’Alsace et de la Moselle (« Ce n’était pas pour toujours »). Après son décès en 1923, l’autre grand personnage local, le Maréchal Lyautey, fait construire en son honneur, sur la colline, une lanterne des morts décorée d’extraits de ses œuvres.
Son œuvre littéraire a eu une grande influence au XXe siècle (Drieu la Rochelle, Mauriac, Aragon s’en réclament) mais n’est plus vraiment étudiée. Les travaux historiques, depuis Zeev Sternhell qui voyait en lui un précurseur du fascisme (Maurice Barrès et le nationalisme français, 1972), insistent davantage sur son antisémitisme et son nationalisme.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire au Lycée international Jeanne-d’Arc, Nancy
Le reportage, réalisé en 2003, fait partie d’une série sur les personnages connus et méconnus en Lorraine. Il retrace la vie de Maurice Barrès sans cacher certains aspects controversés. A propos de la présentation en plateau du reportage, il convient de rappeler que l’antisémitisme n’est pas une « opinion » mais constitue bel et bien un délit. Par les choix d’images, les entretiens et le commentaire, le reportage permet d’envisager les différents aspects de la vie et de l’œuvre de Maurice Barrès tout en abordant la pluralité des perceptions à différentes échelles, locale et nationale. Le commentaire, plutôt bien informé, mêle des jugements assez tranchés et sans concession sur le personnage, jugé « abject », mais reprend parfois, sans doute de manière inconsciente et sans distance, les termes mêmes de Barrès : « Le Lorrain enraciné qu’il était ». Ce thème des « racines » lorraines est développé par Guy Koch, président de l’association « Connaissance de Barrès », qui œuvre à faire connaître ses écrits. Celui-ci parle d’un « enracinement dans le sol », d’une « façon sentimentale ». En contrepoint, l’historien Jérôme Pozzi rappelle que « son antisémitisme se met en place vers 1894, au début de l’Affaire Dreyfus ». Le nationalisme (on l’aperçoit conversant avec le poète nationaliste italien D’Annunzio), l’antisémitisme et la xénophobie de Barrès sont donc abordés par le biais de son action politique en tant que député plus que par son œuvre dont Guy Koch vante les mérites littéraires et l’ancrage dans la terre de Lorraine.
Le reportage offre une introduction à la vie de Barrès en retraçant son parcours. Il rappelle le traumatisme qu’ont constitués la guerre de 1870 et « l’invasion prussienne » alors qu’il n’avait que 8 ans : « De là naîtra son esprit nationaliste et revanchard ». Puis ses études de droit à Nancy sont illustrées par des images de la place Stanislas et de l’université (Place Carnot). Montrant la vieille-ville, le reportage nous rappelle que Barrès ne fut pas un étudiant très sérieux, « noceur, noctambule et habitué des bordels de la vieille-ville ». Sa « montée à Paris » est très brièvement abordée pour parler plus longuement de son retour en Lorraine, justifié par Guy Koch comme un tournant causé par la mort de ses parents, alors qu’il a environ 40 ans.
Toute une partie du reportage est consacrée à la « campagne lorraine » et à des lieux évoqués dans l’œuvre de Barrès (Bayon, Saint-Germain, Borville, Gripport, Haroué), dans le département de Meurthe-et-Moselle, entre Charmes et Nancy. Mais le lieu le plus propice au souvenir de Barrès est bien entendu la colline de Sion, objet d’un roman de 1913 retraçant de manière fictive un épisode bien réel de l’histoire de la colline : le mouvement mystique développé par les frères Baillard au milieu du XIXe siècle. Le titre du livre, La Colline inspirée, sert encore aujourd’hui à désigner la colline dans la région.
La conclusion du reportage évoque la « discrétion » de ceux qui veulent faire connaître Barrès et la sobriété de la stèle qui lui est dédiée à Charmes. Pourtant, dans toute la Lorraine et en particulier dans les lieux où il a vécu et sur lesquels il a écrit, de nombreuses rues (Nancy, Vézelise, Frouard, Custines, Malzeville, Dombasle, Charmes, Metz…), et des établissements scolaires (Charmes, Saulxures, Richardménil, Metz) portent son nom. Rue de la Ravinelle à Nancy, une plaque apposée sur une maison rappelle encore qu’il y vécut pendant ces études de droit. A Paris, une place lui est dédiée depuis 1924 (Ier arr.), ainsi qu’un boulevard à Neuilly-sur-Seine où il est décédé. Les monuments qui lui sont dédiés à Charmes et sur la colline de Sion portent des citations faisant référence à son amour pour la terre de Lorraine et ses morts. La stèle de Charmes a été inaugurée le jour de la fête des morts 1952 et reproduit cette citation : " De la campagne, en toutes saisons, s'élève le chant des morts. Le vent l'emporte et le disperse comme une senteur. Que son appel nous oriente ! ". Une cérémonie officielle annuelle se déroule au pied de la stèle, organisée par la mairie de la ville où est né et enterré Maurice Barrès.
Transcription
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