Fouilles archéologiques à Saint-Acheul

03 août 1983
03m 26s
Réf. 00604

Notice

Résumé :

Le site archéologique de Saint-Acheul continue à être fouillé. C'est dans ce quartier situé à l'Est d'Amiens que furent découverts au XIXe siècle des silex. Ce site a donné son nom à l'Acheuléen, terme qui désigne une période du Paléolithique inférieur. Des vestiges remontent à 400 000 ans, mais contrairement aux fouilles effectuées dans le sud de la France, en Picardie, les moyens sont rudimentaires, ce que regrette Alain Tuffreau, préhistorien du CNRS spécialiste des gisements acheuléens.

Date de diffusion :
03 août 1983
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Éclairage

Les carrières qui ont fait la célébrité du site paléolithique de Saint-Acheul dans le monde entier couvrent une superficie considérable. L'ensemble du versant de la vallée compris entre le bas de la rue de Cagny et la rue de Boutilleries à l'Est d'Amiens, a été systématiquement excavé puis recomblé à chaque fois qu'il existait des dépôts quaternaires exploitables. L'emplacement de ces carrières est désormais complètement urbanisé à l'exception d'une petite parcelle de 220 m² (à l'emplacement des carrières dites Bultel et Tellier dont l'exploitation a cessé dans les année 1930) qui a été acquise par la ville en 1903 à la demande des sociétés savantes qui en réclamaient la préservation et qui a été classée Monument historique en 1947. 50 ans plus tard, débutaient les travaux du Jardin Archéologique qui a été inauguré officiellement le 20 Septembre 1998. Sa célèbre coupe géologique permet de voir la succession des couches sédimentaires accumulées en 450 000 ans.

Ce site a joué un rôle fondamental dans la genèse de la Préhistoire dès le milieu du XIXe siècle. En 1859, Albert Gaudry de l'Académie des Sciences est le premier a y réaliser des fouilles méthodiques et à dater les outils trouvés en s'appuyant sur la succession des couches géologiques. En 1872, Gabriel de Mortillet propose le terme d'Acheuléen pour désigner ces silex façonnés sur les deux faces (bifaces), obtenus à l'aide de percuteurs en pierre pour la taille grossière et d'os d'animaux pour la finition des tranchants. Par extension, l'Acheuléen représente une civilisation et une période de la Préhistoire. En 1905, Victor Commont, directeur de l'école primaire annexée à l'Ecole Normale d'Instituteurs d'Amiens , découvre dans la carrière Bultel, un important atelier de taille de silex (" Atelier Commont "). Localisé à plus de 8 m de profondeur, à la base des loess anciens, il est daté d'environ 300 000 ans. Persuadé que seule une étude géologique sérieuse permettra de dater les objets trouvés dans les couches, il précise avec une rigueur et une méthode exemplaires, la géologie des dépôts quaternaires et replace des centaines d'artefacts (outils, percuteurs, éclats de silex taillés) dans un cadre stratigraphique précis. L'analyse stratigraphique des coupes géologiques livrées par le front de taille des carrières est reprise après 1918 par l'abbé Breuil.

Les recherches sur le Paléolithique du bassin de la Somme ne reprirent véritablement qu'à partir de 1977 à l'intitiative d' AlainTuffreau qui entreprit un programme de révision des gisements de la Somme et plus particulièrement de la région d'Amiens. En 1985, avec J.-P. Fagnart, il remet au jour l'ancien front de carrière en plusieurs endroits, ce qui a permis de retrouver les unités lithostratigraphiques décrites par Victor Commont et de mieux comprendre leur signification. Ces différentes études ont permis de nous renseigner sur les activités de l'Homme préhistorique et sur son environnement animal et végétal.

Tahar Ben Redjeb

Transcription

Pierre-Yves Morvan
La Picardie a vu la naissance, au début du siècle dernier, et même un petit peu avant, d’une science toute nouvelle qui s’appelait… qui ne s’appelait pas, d’ailleurs, à l’époque, l’archéologie. A Saint-Acheul, près d’Amiens, le site est toujours aussi riche en découvertes. Et cette période d’été, avec les excellentes conditions climatiques que nous avons connues, a permis une fois de plus à faire progresser les investigations sur ce chantier de vestiges dont certains remontent à 400 000 ans avant Jésus Christ. Un reportage de Catherine Matausch et de Jean-Pierre Rey.
Catherine Matausch
Au pays de la préhistoire. La Somme est une véritable faune de vestiges qui remonte jusqu'à 400 000 ans avant Jésus Christ, date limite des recherches actuelles. L’Afrique orientale, l’Angleterre, l’Europe centrale, le Midi de la France, l’homme acheuléen a aussi sillonné la Picardie. Mais une fois de plus, les 2/3 des chercheurs du CNRS laissent libre cours à leur génie dans le sud de la France tandis que le berceau de la préhistoire n’est exploité qu’à l’aide de moyens précaires. On travaille, ici, comme il y a 25 ans dans le Midi.
(Bruit)
Alain Tuffreau
Il y a en France, actuellement, encore un déséquilibre dans la recherche archéologique française. Et toute la moitié nord de la France souffre d’un retard. Car l’archéologie est surtout développée en France dans le Midi. Et il y a encore une tradition archéologique plus développée dans le sud de la France que dans les régions situées au nord de Paris.
Catherine Matausch
Les préhistoriens se heurtent à quels problèmes, à quels obstacles, ici, dans la Somme ?
Alain Tuffreau
L’un des principaux problèmes que nous rencontrons, ici, dans la baie de la Somme sont souvent, d’une part, les conditions météorologiques. Ça, nous n’y pouvons rien. Et aussi le fait que nous sommes dans une région, disons, à proximité de villes, de secteurs industrialisés. Et souvent, les carrières, les gisements préhistoriques disparaissent, soit parce que les carrières sont remblayées, soit parce qu’on construit de nouveaux immeubles.
Catherine Matausch
L’homme acheuléen est un nomade. Ce sont des tribus de 10 à 15 personnes qui vivent à l’ombre de gros herbivores tels que l’éléphant qui parcourait 2 à 3000 kilomètres par an. L’acheuléen est aussi dépendant du temps et ne supporte donc que les périodes tempérées. Dans la Somme, c’est d’abord Boucher de Perthes qui, à la fin du XIXe, payait des ouvriers à la chasse au silex, ce qui a valu de nombreuses copies. Victor Commont prit le relais, mais ses 10 années de recherche furent, de son temps, méprisées par les universitaires. C’est ensuite le dénommé pape dela préhistoire, l’abbé Breuil qui mena sa lutte pour la réhabilitation de ce patrimoine picard. Mais si ce capital historique du nord de la France est en quelque sorte mis au placard, la France, comparées à d’autres pays moins riches en silex, par exemple, ne se donne pas assez à cette discipline qui parle d’hier comme de demain.
(Bruit)
(Musique)
Catherine Matausch
La préhistoire représente pratiquement toute l’aventure humaine. L’histoire débute à minuit moins dix quand on considère que toute l’histoire de l’homme a duré 24 heures. D’autre part, le préhistorien est un peu comme le cinéphile qui serait dans une salle de cinéma, qui regarderait un film qui durerait 2 heures avec un bandeau noir sur les yeux et on lui dévoilerait le film quelques secondes 4 ou 5 fois durant toute la durée du film. Le préhistorien est un peu dans la même situation. Il est obligé de reconstituer différentes étapes de la préhistoire avec des vestiges très ténus, très fragiles.
(Musique)