Mai 68 dans le Gers
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En mai 68, les agriculteurs du Gers se sont rapprochés du mouvement ouvrier pour contester eux aussi les conditions de vie difficiles auxquelles ils devaient faire face. Plusieurs spécialistes du sujet reviennent sur leur rôle, trop souvent oublié, dans le mouvement de contestation sociale.
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03 mai 2018
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Contexte historique
ParInstituteur retraité et historien local
Comme une traînée de poudre, les révoltes de l’année 1968 vont traverser bien des pays avec en fer de lance la jeunesse. Pour la France, l’évacuation de La Sorbonne au début du mois de mai va susciter des émeutes culminant, le 7 mai, en une immense manifestation. Les syndicats décident alors d’une grève générale pour le 13 mai, date majeure pour le Gers.
Le Gers n’a pas de cité universitaire ni d’immense lycée. En conséquence, les manifestations vont tarder un peu. L’appel pour la manifestation du 13 mai sera fortement relayé dans la presse les 11, 12 et 13 mai avec des textes des Jeunesses communistes, du Parti socialiste et du Parti communiste français. Cependant, la grève dite générale d’un jour fut peu suivie, surtout dans le privé. Ce sont donc les travailleurs du secteur public qui feront le gros des troupes de la manifestation avec ces pancartes : « De Gaulle, démission », « Debré, du boulot », « Fouchet assassin » ou Rénovation de l’enseignement
.
Le 13 mai, le Gers se distingue par la présence à la tribune du responsable de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) qui déclare l’organisation solidaire des étudiants et des enseignants victimes de la répression policière sauvage et injustifiée. À cette période, la FNSEA est l’organisation quasi unique du monde paysan, contestée seulement par la naissance de quelques groupes du Mouvement de défense des exploitations familiales (MODEF), animés par des communistes et des socialistes depuis 1959, mais très peu présents.
Toutefois, les dirigeants agricoles (proches du général de Gaulle) ne souhaitent nullement cautionner l’évolution du mouvement en cours, ce qui fait dire aux Renseignements généraux que la manifestation de vendredi 24 mai devrait se dérouler dans le calme, car la grande masse des paysans veut se tenir en dehors des mouvements en cours, et n’approuve pas la tournure politique prise par les événements
. Or, dans le Gers, comme dans le Lot, où de nombreux barrages sont dressés ce jour-là, la mobilisation a été précédée d’une rencontre entre des dirigeants syndicaux et Bernard Lambert, secrétaire de la FRSEA de l’Ouest, qui a lancé un appel pour une action concertée des paysans, ouvriers, enseignants et étudiants des régions européennes qui refusent de mourir sans avoir combattu pour leur survie
. Or les luttes des paysans du Gers ne doivent ni disparaître devant les autres luttes sociales, ni devant les autres luttes paysannes.
Comme pour les lycéens, l’action des paysans du Gers sera beaucoup plus vigoureuse que dans le Tarn-et-Garonne voisin, avec pourtant des intérêts identiques : dix barrages paysans seront installés sur les routes nationales. Toute une page de La Dépêche du Midi rendra compte de ce moment crucial avec beaucoup de photographies à l’appui montrant les pneus qui barrent les routes. Ce moyen d’action n’est pas nouveau localement mais il prend un sens nouveau car les paysans n’hésitent pas à ajouter à la « chienlit
», ce que les dirigeants nationaux refusent. De tels événements restent globalement oubliés. Et il ne faut pas les couper des autres y compris dans le Gers.
C’est seulement le 21 mai que les lycéens d’Auch entreront dans l’action : ils demandent l’accélération de la construction du nouveau lycée avec tous les équipements socioculturels requis et promis depuis longtemps.
Après le 21 mai, on assiste à l’appel à la grève des agents Force ouvrière de l’hôpital psychiatrique d’Auch, des hospitaliers en général, de la section CGT de la préfecture, du Lycée agricole de Beaulieu.
Le 27 mai, ce sont les accords de Grenelle dont les paysans sont absents, la FDSEA refusant de s’associer aux autres syndicats ce qui relancera la nécessité d’un autre syndicalisme agricole.
Le 30 mai sera le point culminant de la révolte. Pour le Gers, La Dépêche titre : 5000 républicains gersois ont manifesté leur volonté d’en finir avec le pouvoir personnel
. Par rapport aux mille manifestants du départ, il est facile de constater l’ampleur du mouvement. La photographie de la manifestation montre que la mobilisation a changé de nature avec les banderoles suivantes : Programme commun
, Gouvernement populaire
». Mais les travailleurs du bâtiment en restent à leur revendication-clef : Augmentation des salaires
. Ce même jour de Gaulle prend la décision bien connue de dissoudre l’Assemblée nationale.
Bibliographie
Ouvrage collectif, Histoire de la France contemporaine, tome VII : 1947-1968, Éditions sociales, 1981, 494 p.
Jean-Paul Damaggio, Les luttes des salariés du Tarn-et-Garonne et du Gers en 68, Éditions La Brochure, 56 p.
Jean-Paul Damaggio, Mai-juin 68 : le projecteur sur les législatives de Montauban à Auch, Éditions La Brochure, 2018, 270 p.
Jean-Pierre Le Goff, Mai 68, l’héritage impossible, La Découverte, 1998, 188 p.
Centre d’archives contemporaines, 19820599, art. 40, Renseignements généraux, actualité sociale, Bulletin quotidien du 6 mai 1968.
Transcription
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