Le procès de Klaus Barbie
Notice
Le 11 mai 1987, le procès de Klaus Barbie commence. Il est accusé de crime contre l'humanité. Ce procès, qui a lieu à Lyon, réveille les passions devant l'absence de repentir du criminel. La communauté juive de Lyon n'oublie pas ce qu'il s'est passé.
- Rhône-Alpes > Rhône > Lyon
Éclairage
L'ouverture, le 11 mai 1987, du procès Barbie à Lyon devant la cour d'assises du Rhône est un véritable événement. Condamné à mort par contumace en 1952, puis 1954, l'officier SS, commandant de la section IV de l'Einsatzkommando de Lyon, a échappé à la justice avec le concours des services secrets américains. Réfugié en Bolivie sous une fausse identité, il en a été expulsé en février 1983 et s'est retrouvé entre les mains des autorités françaises. Après quatre ans d'instruction et de procédures, c'est peu dire que le procès est très attendu. A dire vrai, il sort de l'ordinaire : Barbie est le premier accusé en France à répondre de crimes contre l'humanité et non de crimes de guerre, ces derniers étant prescrits à la date où il a été remis à la justice française. Il en découle que l'homme qui doit essentiellement sa triste notoriété à l'arrestation, puis à la torture, jusqu'à ce que mort s'en soit suivie, de Jean Moulin, ne sera pas jugé pour cette raison-là que tout le monde pourtant a bien en tête, non plus que pour quantité de violences extrêmes et connues perpétrées contre des résistants. Il sera jugé exclusivement pour des faits relevant du crime contre l‘humanité : la rafle opérée le 9 février 1943 au siège de l'Union générale des israélites de France, 12, rue Sainte-Catherine à Lyon ; l'expédition montée le 6 avril 1944 à la Maison d'Izieu dans l'Ain où furent enlevés sept membres du personnel et quarante-quatre enfants dont le plus jeune n'avait pas cinq ans et dont le plus âgé venait d'avoir dix-sept ans ; la déportation de quelque 650 personnes embarquées le 11 août 1944 dans le dernier convoi qui quitta Lyon à destination des camps d'extermination ; la mort, précédée de tortures, du professeur Marcel Gompel ; la déportation, suivie de la mort, de Georges Lesèvre et de son fils Jean-Pierre, ainsi que l'envoi en déportation de Mme Lise Lesèvre, leur épouse et mère, qui avait échappé à la mort.
La présence de Barbie dans l'enceinte de la cour d'assises doit tout à la ténacité déployée par Serge et Beate Klarsfeld pour faire en sorte qu'il soit retrouvé, extradé et jugé. Quand, dans cet extrait, Beate Klarsfeld déclare : « On ne peut s'empêcher d'être content et satisfait que cet homme-là se trouve aujourd'hui dans le box des accusés à Lyon », elle parle d'or.
La ligne de conduite de Barbie et de son avocat est constante. L'accusé, qui décline d'entrée son identité sous le nom de Klaus Altmann, qu'il a endossée en Bolivie, refuse à partir de la troisième journée de son procès de comparaître plus avant devant la cour. Arguant de l'illégalité de son extradition, il affirme surtout, avant de s'éclipser, que, loin d'avoir agi au nom d'une conception affirmée du monde nazi, il n'a fait que son travail sous les ordres de ses supérieurs. Point de demande de pardon, même limitée, point de remords, même mesurés : une tranquille assurance, un détachement hautain, le sentiment, en somme, de ne pas être à sa place dans un procès que rien, à ses yeux, ne justifie. C'était sans compter avec la précision des faits rappelés pendant le procès, à commencer par la traque des enfants jusqu'à Izieu qui apparut pour ce qu'elle était : une action préméditée mue par une volonté idéologique de tuer. C'était sans compter également avec l'intensité de la parole des témoins : c'est une chose de savoir que des événements tragiques sont survenus, c'en est une autre d'entendre leur récit de la bouche des femmes et des hommes qu'ils ont broyés. Simone Lagrange, Lise Lesèvre, qui prennent la parole dans cet extrait, d'autres aussi, firent entendre une parole contre laquelle les artifices de Barbie ne pouvaient rien.
Condamné à la prison à perpétuité pour crimes contre l'humanité, Klaus Barbie mourut en prison à Lyon en 1991.
Bibliographie :
- Pierre Truche (sous la direction de), Juger les crimes contre l'humanité. 20 ans après le procès Barbie, Lyon, ENS éditions, 2009.
Voir aussi « Le procès Barbie », réalisation et direction artistique de Philippe Truffault, direction éditoriale et historique de Dominique Missika. 6 DVD Arte-Ina, 2011.