Verdict du procès de Paul Touvier
Notice
Après 23 ans de procédure judiciaire, la justice reconnaît Paul Touvier coupable de crime contre l'humanité. La cour d'assises de Versailles l'a condamné aujourd'hui à la réclusion criminelle à perpétuité.
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Éclairage
Le 19 avril 1994, au terme de 23 journées d'audience devant la cour d'assises des Yvelines, Paul Touvier, reconnu coupable de crime contre l'humanité, est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. C'est l'épilogue d'une longue traque consécutive à des crimes qu'on ne peut cerner qu'en remontant dans le temps.
Employé subalterne à la SNCF, Paul Touvier a vingt-huit ans lorsqu'il entre, en janvier 1943, dans la Milice tout nouvellement créée. Cette police supplétive qui dépend du plus haut niveau de l'Etat français sis à Vichy a carte blanche pour pourchasser tous ceux que le régime tient pour ses ennemis et ne recule devant aucun moyen (arrestations arbitraires, séquestrations, tortures, vols) pour parvenir à ses fins. Elle ne tarde pas à faire peur à la population en raison de son manque de discernement et des méthodes expéditives et sanguinaires qu'elle utilise jour après jour.
Paul Touvier fait rapidement son chemin dans la hiérarchie de la Milice. En avril 1943, il est déjà chef du Deuxième Service pour le département de la Savoie avant d'occuper le même poste dans le Rhône. En janvier 1944, il est promu chef régional du Deuxième Service et inspecteur national. Son activité de cadre et les crimes dont il est responsable lui valent d'être condamné à mort par contumace pour intelligence avec l'ennemi en 1946 et 1947. En cavale, il bénéficie de l'aide de certains milieux catholiques, notamment du clergé régulier qui le cache à différentes reprises. C'est ce qui explique que le fils d'une des victimes puisse, dans cet extrait, s'étonner des façons d'agir et d'affronter le passé de cet homme « soi-disant religieux ».
C'est son acharnement à obtenir, à partir de 1967, la remise des peines accessoires dont il est toujours frappé – une interdiction de séjour et la confiscation de ses biens – qui attire l'attention sur lui.
Le 23 novembre 1971, le président Georges Pompidou gracie Paul Touvier de ses peines accessoires. Le 5 juin 1972, L'Express révèle la grâce en retraçant le parcours sanglant de l'ancien milicien aux heures noires de l'Occupation. L'affaire Touvier est née. Interrogé le 21 septembre 1972 sur cette résurgence d'un passé encombrant, Pompidou persiste et signe : « Le moment n'est-il pas venu de jeter le voile, d'oublier ces temps où les Français ne s'aimaient pas, s'entre-déchiraient et même s'entre-tuaient ? » La polémique croît cependant de plus belle. Plainte est déposée contre Touvier pour crime contre l'humanité. Toujours en fuite et apparemment introuvable, il n'est inculpé qu'en 1981. Le 24 mai 1989, la gendarmerie met un terme à une cavale de quarante-cinq ans en l'arrêtant au prieuré intégriste Saint-François à Nice.
Son procès montre un homme qui ne renie pas un pouce de ses convictions et qui rejette la responsabilité des faits pour lesquels il comparaît. Jugé pour crimes contre l'humanité, il doit répondre d'actes qui, relevant de cette catégorie juridique, sont imprescriptibles, notamment l'assassinat de Victor et d'Hélène Basch le 10 janvier 1944 et l'exécution de sept Juifs à Rillieux-la-Pape le 29 juin de la même année.
Que le reportage télévisé ait pour cadre le Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation, inauguré à Lyon en octobre 1992, souligne le fait que, dans la France de la fin du XXème siècle, les crimes imputables au régime de Vichy refont surface et sont devenus un enjeu mémoriel de première importance. Les cris lancés à l'extérieur de la Cour d'assises pour demander le jugement de Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de la Gironde de 1942 à 1944, démontrent que le processus est encore en marche. Papon sera d'ailleurs condamné en 1998 à Bordeaux à une peine de dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l'humanité. Entre temps, Paul Touvier est mort, le 17 juillet 1996, à la prison de Fresnes.
Bibliographie :
- Laurent Douzou, « Touvier (affaire) », Jacques Julliard, Michel Winock (sous la direction de), Dictionnaire des intellectuels français, Seuil, 1996, pp. 1119-1121.
- Laurent Greilsalmer, Un certain Monsieur Paul : L'affaire Touvier, Fayard, 1994.
- René Rémond, Paul Touvier et l'Eglise, Fayard, 1992.