Manifestation pour la liberté de l'avortement
Notice
Une manifestation s'est tenue à Grenoble pour la liberté de l'avortement et de la contraception. C'est à l'initiative de l'association Choisir, soutenue par les partis et mouvements de Gauche, que s'est déroulé ce mouvement.
- Rhône-Alpes > Isère > Grenoble
Éclairage
Plus d'une décennie après l'ouverture du premier centre de Planning familial (juin 1961), le scandale vient encore de Grenoble. Le terrain s'est déplacé du contrôle des naissances à l'avortement. Le 8 mai 1973, une anesthésiste de l'hôpital - membre d'un collectif grenoblois qui s'est créé en 1972 pour obtenir l'abrogation de textes répressifs sur l'avortement (loi de 1923) et s'est affilié à l'association Choisir - est inculpée pour avoir pratiqué, à la demande de la mère, un avortement sur une jeune fille de 17 ans. La doctoresse Annie Ferrey-Martin revendique son acte militant et bénévole. Le responsable de l'association, le Docteur Manent, a signé en février 1973 le manifeste des 331 médecins qui déclarent avoir pratiqué des avortements. A Grenoble, puis à Paris et à Lyon, la réaction est immédiate après l'arrestation de l'anesthésiste : meetings, manifestations et prises de positions se succèdent. Le conseil de l'Ordre des médecins de l'Isère se déclare favorable à une réforme de la loi de 1920, mais hostile à la liberté de l'avortement. Le maire de Grenoble, Hubert Dubedout, se dit à titre personnel, peu favorable à l'avortement, mais adopte un point de vue moraliste en dénonçant le séducteur de la jeune fille, un homme d'âge mûr, marié, qui lui n'est pas inquiété. De nouveau, l'action illégale active le débat public, en particulier à l'Assemblée nationale ; ces coups de boutoir accentuent la mise en cause des lois de 1920 qui réprime la propagande anticonceptionnelle et celle de 1923 qui sanctionne plus lourdement l'avortement.
A la suite des manifestations publiques déclenchées par l'inculpation du docteur Ferrey Martin – le reportage montre celle de Grenoble le 12 mai 1973 classiquement ouverte par une banderole, la doctoresse inculpée étant en première ligne avec sa famille - la demande d'avortements s'est développée dans l'Isère.
Dans la région Rhône-Alpes, 2500 interruptions de grossesse auraient été pratiquées depuis 1972 : le chiffre est donné lors d'une conférence de presse le 13 septembre 1973 et déclenche l'ouverture d'une information judiciaire. En décembre 1973, Huguette Bouchardeau, alors professeur de philosophie à Saint-Étienne et responsable du GLACS (Groupe pour la liberté de l'avortement et de la contraception), fait le bilan de son action : mille avortements dans la Loire sur des femmes dont l'âge, la profession et le statut matrimonial sont divers. La loi est donc ouvertement bafouée. L'illégalité est devenue légitime et publique. Le film interdit de Marielle Issartel et Charles Belmont, Histoires d'A., qui donne à voir un avortement effectué par la méthode Karman, a aussi contribué à diffuser l'information. Un an plus tard, le Planning familial grenoblois ouvre publiquement, le 4 avril 1974, un centre d'orthogénie afin d'instaurer une situation de fait, sans aucune réaction des autorités judiciaires. Le centre fonctionne avec des bénévoles et pratique le conseil conjugal, la contraception, la prévention et l'interruption de grossesse.
La multiplication des groupes locaux, l'implication de personnes de statut différent - militantes, avocates, médecins - ont déplacé la question de la loi et de l'avortement en dehors de cercles parisiens restreints : le problème est devenu national.