Football : l'Olympique Lyonnais contre l'ASSE
Notice
Hier, le stade Gerland accueillait le match entre l'Olympique Lyonnais et l'ASSE pour le championnat de France. Malgré les efforts de Saint-Etienne, l'OL a remporté le derby 2 à 0.
- Rhône-Alpes > Loire > Saint-Etienne
- Rhône-Alpes > Rhône > Lyon
Éclairage
Le 4 septembre 1982, FR3 Rhône-Alpes diffuse un reportage sur le derby de la veille entre l'Olympique Lyonnais (OL) et l'Association Sportive de Saint-Etienne (ASSE). Le match, remporté 2 à 1 par l'OL, se joue au stade de Gerland où, en arrière-fond des commentaires, plus de 30 000 spectateurs manifestent bruyamment leur sympathie pour l'une ou l'autre des deux équipes. La caméra s'attarde quelques instants sur l'ex-président de l'ASSE, Roger Rocher, démissionnaire quatre mois plus tôt en raison de la découverte d'une « caisse noire » de plus de 20 millions de francs pour laquelle il sera ultérieurement reconnu coupable par la justice. Le reportage est par ailleurs entrecoupé par deux interviews, celui du gardien yougoslave de l'OL, Slobodan Topalovic, et celui de l'entraîneur des Verts depuis 1972, Robert Herbin : surnommé le Sphinx en raison de son mutisme général face aux médias, il accepte ici de répondre à quelques questions pour minimiser la défaite de son club en s'attachant à la manière plus qu'au résultat. Sait-il déjà que, dans quelques mois, il quittera l'ASSE en raison de son conflit avec Roger Rocher, pour rejoindre l'ennemi local, l'Olympique lyonnais ?
Dans un match finalement assez équilibré, le résultat favorable aux Lyonnais peut surprendre, tant l'écart entre les deux équipes est patent. En 1980, l'OL a échappé de justesse à la relégation en seconde division et ne pourra d'ailleurs empêcher sa descente en 1983. Saint-Etienne, au contraire, est l'une des meilleures équipes du pays ; elle s'empare du titre en 1981 et finit à la seconde place en 1982. Le renversement des hiérarchies entre les deux clubs n'interviendra que dix ans plus tard. Mais le match offre les ingrédients d'un spectacle réussi. Les Lyonnais, en rouge, et les Stéphanois, dans leur maillot vert historique aux couleurs de la société Casino, dominent chacun une mi-temps, les gardiens sont sollicités à de nombreuses reprises et un pénalty doit même être retiré pour une position de hors-jeu d'un défenseur de l'OL. L'intérêt de la rencontre est cependant ailleurs. Ce derby oppose en effet deux métropoles distantes d'une soixantaine de kilomètres seulement, dont l'opposition sur le terrain depuis le premier match du 28 octobre 1951 reflète et prolonge des rivalités dans d'autres domaines. Dans les imaginaires collectifs stéphanois, Lyon est perçue comme une ville bourgeoise, intellectuelle, individualiste et superficielle, qui s'oppose aux vertus ouvrières, laborieuses, collectives et populaires de Saint-Etienne. Inversement, les « gones » Lyonnais réduisent les « gagas » Stéphanois à des mineurs de fond. Cette opposition sociale, largement inventée quand on compare la réalité sociologique des tribunes de Gerland et de Geoffroy Guichard, favorise chez les spectateurs l'expression de stéréotypes et contribue à attiser ponctuellement des formes d'identités locales. Elle conduit aussi, lors des derbies, à une multiplication des violences physiques et symboliques à l'encontre de « l'autre », par exemple dans des slogans anti-stéphanois visibles à Gerland et inversement, mais que la caméra, ici, ne montre pas.
Entre les deux clubs dont l'un a alors un palmarès et l'autre non, dont l'un possède une aura nationale depuis son épopée en coupe d'Europe quand l'autre ne peut compter que sur un soutien local, l'opposition tient aussi aux stades eux-mêmes. Gerland a été conçu par Tony Garnier sur un modèle latin, avec des formes rondes et ouvertes, alors que le « chaudron » stéphanois repose sur une architecture britannique, très verticale et cloisonnée, avec une grande proximité entre spectateurs et joueurs. Ce système de différences, largement relayé dans la presse locale, devient une force d'attraction lors des derbies. Au début des années 1980, les matches Lyon-Saint-Etienne sont ceux qui, en championnat, attirent ainsi le plus grand nombre de spectateurs du pays.