L'évolution de la presse écrite
Notice
Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, la région connaît un développement important de la presse écrite. Par la suite certains journaux feront obstacle au pluralisme d'après guerre.
- Rhône-Alpes > Isère > Grenoble
- Rhône-Alpes > Loire > Saint-Etienne
- Rhône-Alpes > Rhône > Lyon
Éclairage
Le reportage retrace l'histoire de la presse quotidienne régionale (dite PQR) depuis la Libération jusqu'à la date de diffusion en décembre 1983. Les images évoquent classiquement les rotatives qui tournent et qui sortent un grand nombre de copies. Dans l'histoire de la presse au XXe siècle, les années 1944-1945 constituent une rupture profonde marquée par les Ordonnances du 26 août du Gouvernement provisoire « sur l'organisation de la presse française » et du 30 septembre 1944 portant sur « la réglementation provisoire de la presse périodique en territoire métropolitain libéré » : les journaux ayant paru sous contrôle allemand sont interdits de reparution, leurs biens saisis et attribués aux journaux issus de la Résistance. En 1940, les journalistes du Progrès ont choisi de défendre la Résistance : c'est le seul quotidien à publier des extraits de l'appel du Général de Gaulle du 18 juin 1940 ; son directeur, Emile Brémond, saborde Le Progrès deux ans plus tard, le 12 novembre 1942, lorsque la zone sud est occupée par l'ennemi. Le Progrès peut donc réapparaître le 8 septembre 1944 avec le même titre qu'avant-guerre. L'ordonnance du 26 août 1944 interdit également les concentrations d'organes de presse. Les titres des journaux qui naissent ou reparaissent alors manifestent une aspiration à la liberté et au renouveau. Plusieurs titres font explicitement référence à la résistance comme Le Patriote ou L'Espoir à Saint-Etienne qui compte alors quatre quotidiens. Il y en a cinq à Lyon et trois à Grenoble. Le premier numéro du Dauphiné Libéré - « le libre journal des hommes libres » - paraît le vendredi 7 septembre 1945 tiré à 100 000 exemplaires ; il atteint 200 000 exemplaires en 1950. Dirigé par Louis Richerot, il est alors le troisième grand journal régional après Ouest France et Le Progrès. C'est à partir de 1946 que Le Progrès a repris sa croissance avec un tirage de 150 000 exemplaires pour dix éditions ; en 1951, c'est 250 000 exemplaires pour 17 éditions, 310 000 exemplaires en 1954 avec 22 éditions, pour atteindre en 1959, 385 000 exemplaires avec 33 éditions. Le numéro du centenaire, celui du 12 décembre 1959 est tiré à 420.770 exemplaires. Mais le monde a changé.
Progressivement des titres disparaissent et un mouvement de concentration se produit dans la presse quotidienne régionale qui se regroupe autour des deux grands quotidiens concurrents, Le Progrès et le Dauphiné libéré. La presse quotidienne régionale, s'appuie sur la publication d'informations locales et rayonne sur des zones géographiques dont elle entend se réserver le monopole (Grenoble et les Alpes pour le Dauphiné libéré, la région lyonnaise et stéphanoise pour Le Progrès. Mais Le Dauphiné, en pleine expansion, lance La Dernière Heure Lyonnaise en 1955. Au début des années 1960, les mouvements de concentration se renforcent. En septembre 1966, Le Dauphiné Libéré et Le Progrès signent un accord afin de rapprocher les deux titres. Ils rassemblent moyens techniques et ressources publicitaires. Le premier groupe de presse régional français est né.
Après celle des hebdomadaires – L'Express, Le Nouvel Observateur - les journaux français subissent de plein fouet une autre concurrence -, celle de la télévision. Dès 1968, 63% des foyers ont la télévision, contre 13% en 1960. Une troisième chaîne, régionale, est créée en 1973. La crise qui devient visible cette même année contraint les quotidiens à revoir leur modèle économique : la diffusion s'effrite, alors que le marché publicitaire se révèle fort instable. Progressivement, après 1970, des hommes d'affaires rachètent des titres et constituent des groupes de presse, peu à peu inclus dans de grands groupes de communication. L'arrivée en 1979 de Jean-Charles Lignel à la tête du Progrès, entraîne la rupture des accords avec Le Dauphiné Libéré qui, en 1983, est racheté par Robert Hersant, patron de la Socpresse ; puis c'est le tour du Progrès en 1986. En 1984, la loi du 23 octobre visait à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse. Elle avait pour cible le groupe Hersant, qui a contourné l'ordonnance de 1944 sur les concentrations. Mais une nouvelle loi, le 27 novembre 1986 (lors de la première cohabitation) limite les effets de la loi de 1984. Hersant rachète ensuite Le Bien Public de Dijon : le groupe Progrès couvre désormais huit départements : l'Ain, la Côte-d'Or, le Jura, la Loire, la Haute-Loire, le Nord Isère, le Rhône, et la Saône-et-Loire. C'est une période de développement du groupe régional par acquisition et fusion de journaux et également d'investissement dans de nouveaux médias : télévision, puis plus tard internet et presse gratuite. Le Progrès est devenu un grand groupe de communication.
Le 22 juin 2004, Serge Dassault est élu président de la Socpresse (qui était jusque là dans l'escarcelle du « groupe Hersant »). Il devient le propriétaire de cet empire de presse qui publie plus de 70 titres de journaux dont Le Figaro, L'Express ou L'Étudiant et Le Dauphiné Libéré tiré en 270 000 exemplaires en semaine. « Après avoir été racheté par un collabo (Hersant) », résume ironiquement un journaliste de Libération, « Le Progrès va passer sous la coupe d'un marchand de canons (Dassault) ». Le sentiment semble partagé, mais il y a peu de réactions à l'intérieur des rédactions sonnées par la concurrence. Depuis le début du XXIe siècle, la presse écrite souffre du développement de journaux gratuits et des sites de journaux en ligne via Internet qui obligent à repenser le modèle sur lequel la PQR avait prospéré jusqu'alors.