Fouilles archéologiques au large de Villeneuve-lès-Maguelone
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C’est en 1755 que la Jeanne-Elisabeth, navire de commerce suédois, s’est échouée au large de Villeneuve-lès-Maguelone. Pillée en 2008, l’épave fait l’objet en 2016 d’une quatrième campagne de fouilles menée par l’équipe du DRASSM. Les archéologues tentent de comprendre la méthode de construction du bateau.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
17 juil. 2016
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Contexte historique
ParIngénieure d’études au Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (ministère chargé de la Culture), rattachée au CNRS, UMR 5140, Université Paul Valéry Montpellier 3
Dans la soirée du 14 novembre 1755, un brick gréé en senau et portant pavillon suédois s’échoue sur les redoutables bancs de sable du golfe du Lion, à quelques encablures de la plage de Maguelone. Comme la goélette, le brick est un grand voilier de commerce. La différence entre ces deux types de navires, auxquels on peut ajouter les brick-goélettes, brigantins et quelques autres, réside dans leur gréement. Si la goélette porte des voiles à corne [1] sur ses deux mâts, le brick est exclusivement gréé en voiles carrées. Le brick-goélette mêle un gréement carré sur le mât de misaine à l’avant et une grande voile aurique [2] sur le mât principal. Enfin, on appelle brick-senau un brick dont le grand mât est double dans sa partie inférieure, afin de pouvoir porter une voile aurique en plus de ses voiles carrées en élévation. Les archives de la ville de Stockholm ont livré nombre d’informations (noms des propriétaires, lieu de construction, certificat de tonnage, rôle d’équipage et type de gréement) sur la Johana Elisabeth – la Jeanne-Elisabeth dont le naufrage nous est connu par des documents conservés aux Archives départementales de l’Hérault.
L’épave, couchée sur son flanc tribord, a été conservée jusqu’au deuxième pont grâce à un enfouissement rapide sous plusieurs mètres de sable, dans un milieu anaérobie (sans apport d’oxygène) ce qui a limité l’action des xylophages marins et permis aux archéologues d’apporter de nouvelles connaissances sur la construction navale au milieu du XVIIIe siècle. Des « signatures architecturales », ensembles de particularités techniques propres à des zones géographiques données, ont notamment été mises en évidence. C’est ainsi que des influences anglaises et françaises ont été décelées dans le chantier suédois de Wolgast où le navire a été construit en 1754, un an avant son naufrage. L’influence française se manifeste notamment par la présence d’une longue pièce courbe de jonction entre la quille et l’étrave, appelée « brion ». La tradition navale britannique transparaît à travers l’absence d’assemblage de plusieurs membrures (pièces composant l’ossature transversale du bateau) à la quille.
En 2012, Marine Jaouen et Andréa Poletto, avec le support logistique de l’André Malraux (bâtiment de recherches archéologiques appartenant au ministère de la Culture), reprennent les fouilles commencées en 2008 après un important pillage du site pendant plus d’un an. Un article paru en juillet 2004, dans le numéro 281 de la revue Ça m’intéresse, relate le naufrage, sur la côte languedocienne, d’un navire transportant plusieurs milliers de pièces en argent. En 2006, profitant de la mobilité des bancs de sable sur cette côte, un groupe de plongeurs indélicats découvre l’épave en s’immisçant dans une équipe de recherche bénévole à qui le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marine avait délivré des autorisations de fouilles. Leur présence insolite dans l’équipe attire immédiatement l’attention du directeur du DRASSM qui déclenche une enquête judiciaire. Celle-ci va conduire à leur arrestation et, à l’issue du procès qui a lieu en 2015 et 2016, de lourdes peines sont prononcées : de la prison ferme pour le principal protagoniste, de la prison avec sursis pour trois de ses complices et une amende de plus d’un million d’euros à payer solidairement.
Une expertise du site est entreprise dès 2008. Celle-ci permet de constater l’excellent état de conservation de l’épave et de sa cargaison et débouche sur plusieurs campagnes de fouilles pilotées par l’archéologue Patrick Grandjean jusqu’à sa retraite en 2011. Une étude approfondie menée aux Archives départementales de l’Hérault a permis d’évaluer le montant du « trésor monétaire » transporté dans les cales de la Jeanne-Elisabeth et protégé par le pavillon suédois du navire : il s’agissait non pas de 18 000 pièces[3] mais de 24 360 piastres (pièces de 8 réaux, pesant chacune 27,07 gr d’argent à 900 millièmes) et demi-piastres (pièces de 4 réaux) en argent fabriquées au Pérou et au Mexique (colonies espagnoles) qui étaient transportées dans les cales de la Jeanne-Elisabeth, protégées par le pavillon suédois du navire et dissimulées parmi 50 m3 de blé.
[1] Voile aurique située en arrière du mât autour duquel elle peut pivoter ce qui simplifie les virements de bord.
[2] Voile de forme trapézoïdale et non pas symétrique à la différence de la voile carrée.
[3] Écoulées sur le marché clandestin pour une somme avoisinant les 300 000 €.
Bibliographie
- Marine Jaouen, Éric Rieth, Sébastien Berthaut-Clarac, Gaëlle Dieulefet, Jérôme Jambu, Andrea Poletto, Marine Sadania, Laurence Serra,« L’épave de la Jeanne-Elisabeth, 1755 (Villeneuve-lès-Maguelone, Hérault). 2008-2016, bilan de huit campagnes de fouilles ». Archaeonautica 19, 2017, p. 41-88.
Transcription
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