Les premières applications pratiques de l’intelligence artificielle dans le monde du travail

En 1985 se tient dans les Alpes-Maritimes au parc technologique de Nice Sophia-Antipolis une école d’été consacrée à la découverte des applications de l’intelligence artificielle (IA) par une soixantaine de scientifiques, de chefs d’entreprise et de décideurs. Cette manifestation a lieu au Centre d'enseignement et de recherche en informatique, communications et systèmes (CERICS) créé en 1983 pour former des ingénieurs spécialisés en « génie logiciel », c’est-à-dire qui seront chargés de développer des logiciels permettant de tirer le meilleur parti des ordinateurs, qui connaissent alors un développement important auprès du grand public avec l’apparition des Personnal Computer (PC) commercialisés par des sociétés, comme IBM. C’est lors d’une autre université d’été, ayant eu lieu plusieurs décennies auparavant, que l’IA a été constituée comme discipline de recherche à part entière au sein des sciences cognitives. La conférence de Dartmouth, ou Dartmouth Summer Research Project on Artificial Intelligence, s’est déroulée en 1956, aux États-Unis à Hanover dans l’État du New Hampshire à l’initiative de plusieurs scientifiques, dont John Mc Carthy à qui l’on doit le terme même d’« intelligence artificielle ». 

L’IA peut être définie comme tout outil utilisé par un ordinateur pour reproduire des comportements liés aux humains. Au début des années 1980, après une trentaine d’années de recherches sur l’IA, des applications pratiques apparaissent, en particulier les systèmes experts, ayant pour but de reproduire, à l'aide de l’ordinateur, les connaissances et les mécanismes de raisonnement d'experts humains. Comme le rappelle dans le reportage Jean-Michel Truong Ngoc, l’objectif des programmes d’IA n’est pas de remplacer le cerveau humain. Pour mettre au point un système expert, il est toutefois nécessaire d’interroger très précisément plusieurs experts humains pour entrer dans l’intimité de leur raisonnement, afin de modéliser celui-ci et de l’implanter dans un ordinateur. In fine, il s’agit d’aider une personne lambda, n’ayant aucune connaissance particulière dans un domaine donné, à diagnostiquer une panne ou un autre problème et lui permettre d’y apporter rapidement la solution le plus appropriée. Ladite personne pourra même, à cette occasion, apprendre quelque chose de nouveau, ce qui la rendra à l’avenir plus efficace et plus autonome dans son travail quotidien. Cet expert, qui s’exprime face caméra, est l’un des fondateurs et le directeur commercial de la société Cognitech, ayant vu le jour en 1984. Il s’agit d’une PME pionnière en France et en Europe dans le secteur de l’IA. Ces premières start-up sont à l’époque directement issues de la recherche académique. Les deux autres co-fondateurs, Alain Bonnet et Jean-Paul Haton, sont ainsi deux universitaires français parmi les meilleurs spécialistes de l’IA. Les systèmes experts ont plusieurs avantages indéniables qui expliquent le grand intérêt et les espoirs de productivité qu’ils suscitent dans différents secteurs économiques, dont les représentants sont présents, aux côtés des scientifiques, au CERICS de Sophia-Antipolis. Ils sont considérés comme plus fiables que l’expert humain, dans la mesure où, contrairement à ce dernier, ils ne sont aucunement susceptibles d’oublier, au moment fatidique, ce qu’ils ont appris. Ils sont en outre reproductibles à l’infini et participent donc à diffuser très largement une expertise rare auprès du plus grand nombre. Autre avantage majeur des systèmes experts, ils réunissent, en un seul point d’accès sur ordinateur, la totalité de l’expertise, alors qu’en cas d’experts humains il faut parfois faire appel à plusieurs personnes dispersées géographiquement. Malgré une baisse des financements consacrés à l’IA à la fin des années 1980 et au début des années 1990, l’augmentation constante de la puissance des ordinateurs permet de nouveaux et rapides progrès et des applications toujours plus diversifiées de cette technologie de rupture.

Bibliographie

• Jacky Akoka, Isabelle Comyn-Wattiau, L’informatique, Collection Que sais-je, Paris, PUF, 2022. 
• Jacky Akoka, Isabelle Comyn-Wattiau (dir.), Encyclopédie de l’informatique et des systèmes d’information, Paris, Vuibert, 2006.
• Alain Bonnet, Jean-Paul Haton, Jean-Michel Truong, Systèmes-experts : vers la maîtrise technique, Paris, InterÉditions, 1986.