François Hollande visite le camp des Milles à Aix-en-Provence
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C'est la première fois en 70 ans qu'un président de la République se rend officiellement dans un camp d'internement et de déportation français. Après avoir rencontré des élèves d'un lycée professionnel de l'Estaque à Marseille, le président a fait un discours au camp mémorial des Milles orienté vers la jeunesse et la mémoire. Il y condamne notamment les propos récents tenus sur la différenciation raciale.
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08 oct. 2015
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ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université
Le 8 octobre 2015, le président de la République François Hollande consacre un déplacement en région Provence-Alpes-Côte d’Azur à la jeunesse et à la mémoire. Le matin, il rencontre les élèves et les enseignants du lycée professionnel et technologique de l’Estaque à Marseille et se rend l’après-midi près d’Aix-en-Provence dans une ancienne tuilerie devenue Mémorial du camp des Milles, accompagné de plusieurs ministres, dont Najat Vallaud-Belkacem en charge de l’Éducation nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. A l’occasion de cette première visite d’un président en exercice dans un camp français d’internement et de déportation, François Hollande prononce un discours mémoriel tourné vers la jeunesse et souligne l’importance « de pouvoir transmettre, de pouvoir faire connaître, et de pouvoir donner aux générations qui viennent, à la fois les outils de la vigilance, pour que rien ne se reproduise, et la capacité de comprendre ce qui est le bien le plus précieux ».
Inauguré le 10 septembre 2012, en présence du premier ministre Jean-Marc Ayrault, ce « Vel d’Hiv du Sud », selon les mots de son initiateur Alain Chouraqui, directeur de recherches au CNRS, n’est pas seulement un simple musée. Il est aussi un lieu de mémoire encore intact grâce à la ténacité, dès le début de la décennie 1980, d’anciens déportés et résistants soutenus par Serge Klarsfeld et le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIJ). La reprise de l’activité industrielle de la tuilerie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et son maintien jusqu’en 2006 a contribué à la préservation des lieux, alors que commençait le travail de sauvegarde de la mémoire du camp.
Le Mémorial du camp des Milles se veut un lieu d’éducation. La raison principale de la venue de François Hollande et de la directrice générale de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture est d’ailleurs l’inauguration de la chaire UNESCO « Éducation à la citoyenneté, sciences de l’homme et convergence des mémoires » attribuée conjointement à Aix-Marseille Université et à la Fondation du camp des Milles Mémoire et Éducation. Sous la responsabilité scientifique d’Alain Chouraqui et avec le concours de collègues universitaires venus de différents continents, cette chaire se donne pour mission, par l’enseignement et la transmission, de ne jamais laisser tomber dans l’oubli (malgré la disparition progressive des témoins directs) l’histoire de la Shoah, ce génocide ayant conduit à l’extermination des juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit de « comprendre, d'une part, comment la Shoah s'est produite et comment des mécanismes humains similaires peuvent conduire au pire, et, d'autre part, comment il est possible de résister à de telles spirales dangereuses ». D'autres grands crimes génocidaires, que ce soit contre les Arméniens, les Tziganes ou encore les Tutsis au Rwanda, sont évoqués dans la partie réflexive du parcours proposé aux visiteurs. Ce devoir de mémoire constitue aussi un moyen de lutter contre la résurgence de l’antisémitisme, du racisme et des autres formes d’extrémisme dans la France du XXIe siècle.
Du point de vue pédagogique, le Mémorial du camp des Milles a l’avantage de présenter une approche historique globale de la politique d’internement et de souligner la continuité en la matière entre la IIIe République et le régime de Vichy. Dès le décret-loi du 12 novembre 1938, le gouvernement conduit par le radical-socialiste Edouard Daladier décide de procéder à l’internement des étrangers « indésirables » que l’on ne peut renvoyer dans leur pays. En septembre 1939, ce même gouvernement de la République réquisitionne la tuilerie des Milles pour y mettre à l’écart les ressortissants des pays en guerre contre la France. Cet internement administratif (sans intervention d’un juge) de civils ennemis allemands et autrichiens a déjà été pratiqué durant la Première Guerre mondiale, mais à présent il s’agit majoritairement d’opposants au nazisme réfugiés en France. Certains de ces artistes et intellectuels, à l’instar du peintre Max Ernst, font postérieurement partie des plusieurs milliers de juifs évacués vers les États-Unis par le journaliste Varian Fry qui à Marseille est à la tête du Centre américain de secours. Avec la défaite française de juin 1940 et l’instauration après l’armistice du régime de Vichy, la tuilerie devient camp de transit avant de se transformer en août et septembre 1942, pour les juifs étrangers raflés dans la région, en antichambre des camps de déportation et d’extermination du régime nazi, comme le rappelle la présence sur place d’un wagon témoin dont les occupants passaient par les camps de Rivesaltes et/ou Drancy avant d’être envoyés à Auschwitz.
Le 16 juillet 1995, sur le lieu même où se trouvait l’ancien Vélodrome d’Hiver vers lequel furent dirigés les hommes, les femmes et les enfants juifs raflés à Paris les 16 et 17 juillet 1942, le Président Jacques Chirac, récemment élu, a reconnu pour la première fois la responsabilité de la France dans la déportation des juifs de France. François Hollande a réaffirmé en juillet 2012 au même endroit que ce « crime fut commis en France par la France » et réitère ces propos une nouvelle fois au camp des Milles : « ces opérations furent conduites par des Français sous le contrôle de l’administration de l’État français ». Au gré d’un parallèle avec les années 1930, il rappelle aussi que la première digue démocratique à avoir sauté « fut celle des mots », en profitant pour dénoncer publiquement les propos de la députée européenne de droite Nadine Morano ayant présenté dans une émission de grande écoute une vision étriquée de la France, réduite à un « pays judéo-chrétien de race blanche ». Le fait que ce rappel intervienne en Provence-Alpes-Côte d’Azur à quelques semaines des élections régionales de décembre 2015 est tout sauf anodin, lorsque l’on connaît la forte et ancienne implantation du Front national dans la région. François Hollande enfonce d’ailleurs le clou en déclarant « la République ne connaît pas de race, ni de couleur de peau, elle ne reconnaît pas de communauté, elle ne connaît que des citoyens libres et égaux en droits, et ce principe n'est pas négociable et ne le sera jamais ». Il annonce enfin d’ici la fin de l’année une révision du code pénal pour faire du racisme ou de l’antisémitisme une circonstance aggravante de tout type d’infraction.
Bibliographie
- Chouraqui Alain (dir.), Pour résister à l’engrenage des extrémismes, des racismes et de l’antisémitisme, Paris, Le Cherche Midi, 2015.
- Boris Grésillon, Olivier Lambert et Philippe Mioche, De la terre & des hommes. La tuilerie des Milles d’Aix-en-Provence (1882-2006), Mirabeau, REF.2C éditions, 2007.
- Anne Grynberg, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français 1939-1944, Paris, La Découverte, 1991 et 1999.
- Robert Mencherini (dir.), Provence Auschwitz. De l’internement des étrangers à la déportation des juifs 1939-1944, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2007.
- Stéphane Mourlane, « Le Site-Mémorial du camp des Milles », compte-rendu dans Histoire@Politique, Politique, culture et société, n° 14, 2013.
- Denis Peschanski, La France des camps. L'internement, 1938-1946, Paris, Gallimard, 2002.
- Annette Wieviorka, Déportation et Génocide. Entre la mémoire et l’oubli, Paris, Plon, 1992.
Transcription
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