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4 janv.
2017

Un agriculteur de la vallée de la Roya est jugé pour avoir aidé des migrants

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Résumé

Cédric Herrou est poursuivi pour avoir transporté et hébergé près de deux cents migrants. Son procès a rassemblé une foule de manifestants venus le soutenir devant le palais de justice de Nice. Le prévenu, un agriculteur de 37 ans, réitère sa fierté d'avoir accueilli et aidé ces personnes dans le besoin, et dénonce l'insuffisance de l'État dans l'accueil des réfugiés.

Date de diffusion :

04 janv. 2017

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00504

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Contexte historique

ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université

Depuis 2015 et le rétablissement des contrôles de police à la frontière franco-italienne, qui avaient disparu avec l’application en 1995 de la convention de Schengen sur la libre circulation au sein de l’Union européenne, les migrants débarqués en Italie et tentant d’entrer en France sont refoulés. La CIMADE, une des plus anciennes (fondée en 1939) et actives associations de soutien aux migrants y voit une atteinte à leur droit à déposer une demande d’asile et, pour les mineurs, au devoir de protection et de mise à l’abri qui incombe à l’État. Aux côtés de la CIMADE, d’autres associations, des collectifs, mais aussi des initiatives individuelles en appellent dans ces conditions à un « devoir de solidarité » (voir La traversée à hauts risques des frontières par des migrants dans les Hautes-Alpes).

Agriculteur et producteur d’huile d’olive à Breil-sur-Roya, Cédric Herrou devient un symbole de ce mouvement. Il se revendique « passeur citoyen », allant chercher des migrants à Vintimille afin de les héberger. Avec l’appui de nombreux bénévoles, son exploitation se transforme peu à peu en camp d’accueil où est offert le gîte et le couvert mais aussi l’aide pour déposer une demande d’asile en bonne et due forme. Son activité lui vaut d’être plusieurs fois arrêté par la police. Il comparaît le 4 janvier 2017 devant le tribunal correctionnel de Nice pour répondre des chefs d’inculpation d’« aide au séjour et à la circulation d’étrangers ayant franchi la frontière italienne en situation irrégulière ». Cédric Herrou a en effet été une nouvelle fois interpellé le 20 octobre 2016 en compagnie d’autres membres du collectif Roya Citoyenne, qui avaient quelques jours auparavant transformé la gare désaffectée de Saint-Dalmas-de-Tende et ancienne colonie de vacances de la SNCF en centre d’accueil. Quelques dizaines de personnes, dont une majorité de mineurs, principalement originaires d’Erythrée, y sont reçus, exténuées par de longues heures de marche dans la vallée de la Roya entre l’Italie et la France. L’ouverture de ce centre est présentée comme une réponse au refus du département des Alpes-Maritimes d’ouvrir un centre d’accueil et d’orientation (CAO) conformément à la directive adoptée par gouvernement en octobre 2015 dans le contexte du démantèlement de la « jungle » de Calais (voir Des réfugiés arrivent à Marseille après le démantèlement de la "jungle de Calais").

Devant la cour et sur les marches du tribunal, devant les médias, Cédric Herrou et ses soutiens proclament la légitimité pour n’importe quel citoyen de faire preuve d’humanité et de solidarité lorsque des personnes se trouvent en péril. Le procureur n’en requiert pas moins huit mois de prison avec sursis, la limitation de l’usage de son permis de conduire à ses heures de travail et la confiscation de son véhicule. Il n’est condamné le mois suivant qu’à trois mille euros d’amende avec sursis pour avoir pris en charge des migrants sur le sol italien. Le parquet fait alors appel de cette décision et la cour d’Aix-en-Provence le condamne en août à quatre mois de prison avec sursis. Cédric Herrou décide alors de se pourvoir en cassation. Saisie de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), une procédure instaurée en 2008 qui permet à une personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel fait prévaloir, en juillet 2018, le « principe de fraternité » sur le « délit de solidarité », ce qui signifie que nul ne peut être poursuivi s’il aide « autrui dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour », même si l’aide à l’entrée sur le territoire demeure bien entendu illégale. En vertu de cette décision, la cour de cassation annule en décembre 2018 la condamnation de Cédric Herrou et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Lyon. En mai 2020, cette dernière annule toutes les poursuites et dispense Cédric Herrou de peine pour les faits d’« installation en réunion sur un terrain appartenant à autrui ».

L’affaire fait l’objet d’un intense traitement médiatique cristallisant les enjeux de la « crise migratoire ». L’opinion se divise. Aux deux extrémités du spectre, il est tantôt considéré comme un héros des temps modernes, tantôt comme un complice des mafias, qui vivent de l’exploitation des clandestins. Lui-même a pu largement exprimer, y compris dans le documentaire Libre sorti en 2018, le sens qu’il donne à son engagement, à l’aune des histoires singulières des individus et de la défense de leurs droits dès lors qu’ils se trouvent sur le sol français.

L’affaire Herrou est aussi l’occasion de rappeler la tradition de migration, d’accueil et de solidarité de la vallée de la Roya. Dès le rattachement du Comté de Nice à la France en 1860, la nouvelle frontière voit ainsi le passage de travailleurs piémontais désireux de s’engager dans l’agriculture au sein des campagnes de l’arrière-pays niçois ou de trouver du travail sur le littoral azuréen dans les multiples chantiers de construction ou le tourisme. Durant la Grande Guerre, l’aide de cette main-d’œuvre de proximité des deux sexes s’avère essentielle pour éviter l’interruption des travaux agricoles et faire tourner les usines de guerre, alors que les dispositifs de surveillance et de contrôle de la frontière se renforcent. Composé de migrants économiques et de réfugiés antifascistes, l’afflux italien s’intensifie dans l’entre-deux-guerres et ces derniers sont bientôt rejoints par les juifs d’Allemagne, d’Autriche et d’Europe centrale fuyant le nazisme. Dans la vallée de la Roya des passeurs professionnels sont déjà à l’œuvre, mais aussi des autochtones à l’âme charitable les recueillant temporairement ou leur indiquant les bons chemins à prendre pour échapper aux douaniers ou aux forces de l’ordre, sans que cet acte d’humanité ne soit à l’époque nécessairement criminalisé. Enfin comme l’a rappelé le 29 novembre 2016 l’historien Yvan Gastaut dans le quotidien Nice Matin « cette désobéissance n’est pas sans rappeler celle organisée dans l’autre sens en 1943 par les habitants de Saint-Martin-Vésubie qui ont caché des juifs et aidé certains d’entre eux à fuir la répression nazie en les aidant à traverser la frontière à travers la montagne vers l’Italie ». La tribune provoque une réaction du préfet des Alpes-Maritimes qui conteste dans la presse cette mise en perspective historique. Après la Seconde Guerre mondiale, Italiens puis Yougoslaves continuent de traverser clandestinement les Alpes. Les besoins de main-d’œuvre et les insuffisances de la politique de recrutement confiée depuis 1945 à l’Office national de l’immigration (ONI) conduisent le plus souvent à leur régularisation, parfois immédiate aux postes frontières. Au début du XXIe, après plusieurs épisodes de crises xénophobes depuis les années 1970 et dans un contexte d’afflux de migrants aux frontières d’une l’Europe qui se barricade, l’époque paraît bien révolue (voir Les militants de Génération Identitaire au col de l'Échelle). L’affaire Herrou est souvent évoquée comme symbole d’une « crise migratoire » à considérer comme une « crise de l’accueil ».

Bibliographie

  • Yvan Gastaut, Yves Kinossian, Marc Ortolani et Ralph Schor (dir.), Fixer et franchir la frontière : Alpes-Maritimes 1760-1947, Milan, Silvana Editoriale, 2016. 
  • Stéphane Kronenberger, « Passer la frontière en temps de guerre : le cas des agriculteurs italiens du Sud-Est de la France lors du Premier Conflit mondial », Migrations Société, vol. 24, n° 140, mars-avril 2012, p. 191-200.
  • Ralph Schor, Stéphane Mourlane et Yvan Gastaut, Nice cosmopolite 1860-2010, Paris, Autrement, 2010. 

Transcription

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