La Tour La Marseillaise de l'architecte Jean Nouvel

Construite de 2014 à 2018, la nouvelle Tour La Marseillaise surplombe de ses 135 m de haut et 31 étages, le quartier d’affaires Euroméditerranée. Pour sa première réalisation dans la cité phocéenne, Jean Nouvel, architecte français mondialement reconnu, a voulu tout en nuances « jouer avec les couleurs du site : un certain rouge qui rappelle les toitures et les briques, un certain bleu un peu clair comme le maillot de l’OM et un blanc un peu gris comme un ciel maussade ». Ce bâtiment c’est selon lui surtout de l’optical art, car il change de couleur au gré de la position de celui qui le regarde ou de l’effet de la lumière. Le dégradé bleu-blanc-rouge qui orne la façade évoque aussi les couleurs du drapeau français renvoyant à une dénomination de la tour qui n’est pas seulement liée à son ancrage local, mais aussi à l’hymne national.

La Marseillaise est érigée sur les quais d’Arenc à proximité de la tour CMA CGM de l’architecte irako-britannique Zaha Hadid, inaugurée en 2011. L’édification successive de ces deux tours marque le retour en grâce, à Marseille comme ailleurs, de cette forme architecturale, qualifiée de gratte-ciel, caractéristique des paysages urbains aux États-Unis. Au début des années 2000, de multiples projets émergent à travers le monde entier. La plus haute du monde (828 m), la Burj Khalifa, est achevée à Dubaï en 2009. En France, les tours du quartier de la Défense, dont les premières sont érigées dans les années 1960, et la tour Montparnasse (210 m) édifiée à Paris, entre 1969 et 1973, ont longtemps fait figure d’exception. À Lyon, la tour Incity et ses 202 m est surnommée affectueusement la gomme, car édifiée à proximité de l’emblématique crayon ou tour Part-Dieu, construite en 1977. Depuis les années 2000, la France, en particulier dans sa capitale, n’échappe pas à la course au gigantisme . Depuis 2011, la tour First, dans la quartier de la Défense, est le plus haut gratte-ciel de France avec ses 231 m. Elle devrait perdre sa prééminence au début de la décennie 2020 au profit de The Link, futur navire amiral du groupe pétrolier Total. De nombreux autres projets sont évoqués et soutenus par la municipalité parisienne, non sans susciter des débats.

Ces tours sont principalement destinées à accueillir les sièges sociaux de grandes entreprises internationalisées. Or, Marseille, n’attire guère ce type de sociétés. Le premier employeur au sens large est l’assistance publique hôpitaux de Marseille et le plus important employeur industriel EDF. Une forte désindustrialisation a affecté Marseille entre les années 1950 et 1980 et la ville peine encore aujourd’hui à se relever, y compris démographiquement. L’armateur CMA CGM a certes installé son siège social dans la tour éponyme, créant au passage plus de 2000 emplois tertiaires, mais son activité de transport maritime, dont il est un acteur majeur au niveau mondial, ne se déploie pas majoritairement au profit du Grand Port Maritime de Marseille. Ce dernier demeure au contraire spécialisé, selon une logique de rente, sur l’acheminement des hydrocarbures, même s’il a rattrapé ces dernières années une partie de son retard dans le domaine de l’activité conteneur, et que les croisiéristes y font escale de manière croissante. 

L’édification des deux tours, CMA CGM et La Marseillaise, contribue toutefois à redorer l’image d’une ville longtemps dénigrée. Marseille-Provence 2013 capitale européenne de la culture a d’ailleurs rendu de la fierté aux habitants, et ceci est d’ailleurs passé par d’autres gestes architecturaux, tels l’Ombrière de Norman Foster sur le Vieux-Port et surtout le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) de Rudy Ricciotti. A partir de 1995, sous l’impulsion de l’État, l’opération d’intérêt national Euroméditerranée a assurément redonné du souffle à une ville en déshérence. Entre la gare Saint-Charles, desservie par le TGV, et la façade maritime les activités ont été diversifiées et tertiarisées pour permettre à cette zone de retrouver de l’attractivité. Les anciens docks renferment désormais bureaux et commerces ; le silo à grains s’est mué en salle de spectacle ; un nouvel hôpital a vu le jour, des logements ont été réhabilités et une ligne de tramway irrigue le quartier lui conférant de la modernité. D’autres projets de tours sont enfin annoncés pour compléter la skyline marseillaise.  

Bibliographie

• Bertoncello Brigitte, Rachel Rodrigues-Malta, "Marseille versus Euroméditerranée", Annales de Géographie, n°632, 2003. p. 424-436.
• Isabelle Berry-Chikhaoui , Agnès Deboulet , « Restructurations urbaines à Marseille à l'heure de l'internationalisation. Tensions et régimes d'action », in Isabelle Berry-Chikhaoui (dir.), Villes internationales. Paris, La Découverte, 2007, p. 139-168.
• Michel Peraldi, Claire Duport et Michel Samson, Sociologie de Marseille, Paris, La Découverte, 2015.