Le projet de construction de la future grande mosquée de Marseille a été signé

Alors que la Grande Mosquée de Paris a été construite de 1922 à 1926, en remerciement du sacrifice des soldats venus des colonies françaises défendre les intérêts de la métropole sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, et que celle de Lyon a été inaugurée en 1994, Marseille ne dispose toujours pas au début du XXIe siècle de la sienne. La cité portuaire phocéenne, au cosmopolitisme de longue date affirmé, abrite pourtant, avec 200 000 musulmans, une des plus importantes communautés musulmanes de France. Dès la Belle Époque, à la suite de grèves répétées dans les huileries et les raffineries de sucre de la ville, le patronat fait appel à des travailleurs kabyles. Ces derniers prient très majoritairement seuls dans leur chambre, bien qu’en 1932 un journaliste du Petit Marseillais visite au 295 rue de Lyon une petite mosquée édifiée dans leur jardin par les propriétaires d’un « hôtel meublé » à la demande des travailleurs musulmans qu’ils hébergent. Les premières velléités d’édification d’une Grande Mosquée à Marseille remontent d’ailleurs à cette période de l’entre-deux-guerres, puisqu’en 1937 voit le jour un projet en ce sens sur les collines dans le quartier de Saint-Barnabé.

Après la Seconde Guerre mondiale, malgré l’arrivée au port de Marseille de nombreux travailleurs immigrés venus d’Afrique du Nord et subsaharienne au cours des Trente Glorieuses, les fidèles continuent à se rassembler dans de modestes salles voire dans des endroits de fortune, comme des garages ou des caves. À l’automne 1989, soit quelques mois après l'élection de Robert Vigouroux à la mairie, ce dernier relance le débat sur la Grande Mosquée et dit la vouloir « belle comme une cathédrale ». L’enjeu de la construction d’un tel édifice ne se limite en effet pas à la mise à disposition d’un vaste espace pour accomplir la prière du vendredi dans de bonnes conditions, mais vise à inclure encore plus largement les populations la fréquentant dans la vie de la cité, ce qui passe souvent symboliquement par un geste architectural marquant. À une époque où le Front National commence à remporter d’importants succès électoraux dans la région, ces projets s’avèrent sans lendemain. Il faut attendre 2001 et la réélection de Jean-Claude Gaudin à la mairie pour que ce dernier annonce publiquement la mise à disposition d’un terrain à Saint-Louis, dans le 15e arrondissement de Marseille, avec bail emphytéotique de 99 ans. À la place d’anciens abattoirs doit être construit par l’association de la Grande Mosquée de Marseille un centre cultuel et culturel musulman comportant outre la mosquée, une école, une bibliothèque et un restaurant ouvert à tous. D’une capacité de 7 000 places, elle aurait supplanté celle d’Évry-Courcouronnes en région parisienne pour devenir la plus importante de France.

En vertu de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, les pouvoirs publics ne subventionnent pas les cultes et ne peuvent donc pas verser de deniers en faveur de cette réalisation d’un coût estimé à 22 millions d’euros. La question du financement reste donc entière et ce dernier ne peut pas être entièrement supporté par les dons des fidèles. La construction de cette Grande Mosquée de Marseille constitue donc pour des États étrangers une opportunité de conforter leur soft-power sur le sol français. La première pierre de la mosquée est d’ailleurs posée en mai 2010 en présence de l’ambassadeur d’Algérie et de nombreux autres représentants de pays musulmans. Mais des dissensions au sein de l’association entravent l’apport des fonds tant convoités et les travaux ne débutent qu’en 2013. L’édifice ne voit finalement jamais le jour, puisqu’en 2016 le bail est résilié par la mairie de Marseille propriétaire du terrain. Dans le contexte d’un islam marseillais de plus en plus marqué du sceau de la diversité, entre fidèles maghrébins, sénégalais ou comoriens, chacun continue donc à prier dans une des quelques dizaines de mosquées implantées dans la ville. Servant en partie de cadre au reportage, la mosquée Al Islah, située dans le 15e arrondissement, à proximité immédiate du marché aux puces, est une des plus grandes et des plus fréquentées, mais à moyen terme les ambitions de la seconde phase du programme de réhabilitation urbaine Euroméditerranée pourrait contraindre à son déplacement.

Bibliographie

• Vincent Geisser et Françoise Lorcerie (dir.), Les Marseillais musulmans, New York, Open Society Fondation, 2011.(http://www.cefrelco.com/images/documents/les_marseillais_musulmans.pdf)
• Vincent Geisser, « Immigration et mobilisations musulmanes à Marseille », Cahiers de la Méditerranée, 78, 2009. (https://journals.openedition.org/cdlm/4524 )
• Émile Temime (dir.), Migrance. Histoire des migrations à Marseille, 4 vol., Aix-en-Provence, Edisud, 1989-1991.