Voeux pour l'année 1966

31 décembre 1965
09m 27s
Réf. 00067

Notice

Résumé :

Le général de Gaulle commence ses voeux pour la nouvelle année par les mots "sérénité-confiance-ardeur". Il met d'abord en avant la sérénité, au sens où la France n'est plus menacée par les crises politiques ; la confiance ensuite, dans un progrès économique et social continu et dans le rôle que la France est capable de jouer au niveau international ; l'ardeur enfin, pour mener à bien ces nouveaux défis.

Type de média :
Date de diffusion :
31 décembre 1965

Éclairage

Alors qu'il vient d'être élu président de la République le 19 décembre, le général de Gaulle présente ses voeux aux Français pour la nouvelle année 1966, par l'intermédiaire de la télévision, comme c'est désormais la tradition depuis le 1er janvier 1960. Il réalise le bilan de l'année écoulée et dit quelle doit être celle qui débute.

Ainsi rappelle-t-il les grandes réussites de l'année 1965. Il note la stabilité des institutions (pour la première fois, les Français ont élu au suffrage universel le chef de l'État) ; il souligne l'essor économique et social du pays (la hausse du niveau de vie et de la scolarisation, l'urbanisation massive et l'aménagement du territoire, les industries en pleine expansion et la modernisation de l'agriculture) ; il rappelle le formidable développement des sciences et techniques françaises (en avril, 24 pays décidaient d'adopter le procédé de télévision français SECAM ; le 26 novembre, la fusée Diamant mettait en orbite le premier satellite français nommé Astérix). Le pays s'inscrit désormais pleinement dans le mouvement des " Trente Glorieuses ", caractérisé par une société d'expansion continue.

La France est également en paix partout. Face aux Etats-Unis, qui ont amorcé leurs opérations militaires au Vietnam, elle continue de prôner une indépendance totale, (à la mi-décembre, elle a fait savoir à l'OTAN qu'elle s'opposait à la création d'un comité nucléaire permanent, et un peu plus d'un mois après cette allocution, de Gaulle annoncera le retrait de la France du commandement militaire de l'Organisation). Et si le Général n'a pas réalisé de voyage officiel à l'étranger en 1965, il a néanmoins reçu le président du Liban, le roi Hussein de Jordanie, le chef d'État égyptien et le ministre soviétique Gromyko.

Pour l'Europe, de Gaulle propose de " reprendre l'organisation du Marché commun " : depuis le début de l'année en effet, la France exerce la politique de la " chaise vide " pour marquer son opposition à la Commission européenne.

Le chef de l'État achève son discours en appelant les Français à garder foi en un brillant avenir : " nous sommes en train d'accomplir une des plus réelles et fécondes réussites de notre histoire ".

Aude Vassallo

Transcription

(Silence)
Charles de Gaulle
Pour la France, la nouvelle année peut et doit être l'année de la sérénité, de la confiance et de l'ardeur. L'année de la sérénité car il n'y a pour nous actuellement ni angoisse au-dedans, ni combat au-dehors. Certes, comme nous sommes un peuple très vivant en plein essor de progrès mais s'obligeant lui-même à avancer en bon ordre, nous avons dans l'ensemble des difficultés à vaincre, et dans le détail des désirs qui ne sont pas encore comblés. Mais les troubles profonds qui nous étreignaient naguère, confusion politique permanente, faillite imminente, subversion menaçante, ne sont plus que de mauvais souvenirs, à moins même qu'on les ait oubliés. En fait nous sommes établis sur des institutions stables et qui viennent d'être confirmées sur des finances et une économie assainie de fond de comble, sur une défense nationale dont ceux qui ont à l'assurer ne s'occupent pas d'autre chose. En outre si dans le monde, les hégémonies rivales mettent nombre de peuples en état de pénible tension, si d'effrayants moyens de destruction entretiennent les inquiétudes, si quatre des cinq puissances mondiales sont impliquées directement ou indirectement dans des conflits divers, et dont notamment dans celui qui sévit dans l'Asie, nous ne sommes, nous, engagés nulle part et nous faisons le nécessaire pour que le cas échéant, nous ne soyons pas intégrés dans une guerre qui ne serait pas la nôtre. L'année de la confiance, car ce que nous avons récemment réalisé pour régler nos lourds problèmes, nous convainc qu'en définitive nous en viendrons à bout. Notre industrie montre en ce moment même qu'elle est, sans protectionnisme et sans inflation, capable de se transformer en fait d'organisation, de concentration, de productivité pour faire face à tous les risques de la concurrence internationale. Ce qui est fait et ce qui est en cours pour que notre agriculture ait sa bonne place dans notre économie, que ses exploitations, ses productions, ses marchés, s'adaptent aux exigences nouvelles, pour que ceux qui en font leur vocation ne voient pas leur condition d'existence désavantagée, nous prouvent que nous y parviendrons. Ayant comme nous l'avons fait, bâti, tant et tant d'écoles, de collèges, de lycées et d'universités, recruté autant de maîtres, entamé de si larges et profondes réformes de l'enseignement, nous sommes certains dorénavant de réussir notre immense entreprise d'éducation nationale. Au terme d'une année qui fut celle de notre fusée Diamant, de nos premiers satellites, des succès de nos savants, notamment dans le domaine de la biologie moléculaire, du classement de notre procédé de télévision en couleur au premier rang du concours mondial, nous sommes fondés à attendre beaucoup de nos recherches scientifiques et techniques. Puisque nous avons en 1965 construit 410 000 logements, installé 210 000 nouveaux postes téléphoniques, allongé nos autoroutes de 176 km, implanté dans toutes nos régions quelques 500 usines de plus, c'est que nous sommes en bonne voie pour doter notre pays de l'équipement économique et social qu'il lui faut. Enfin notre expansion, étant à l'heure qu'il est, partie pour un bond en avant, nous avons toute raison de compter qu'au cours des 12 mois qui viennent, et suivant qu'indique notre plan, le niveau de vie des français s'élèvera de 4%. A l'extérieur, partant de l'indépendance retrouvée et sans renverser pour autant nos alliances, ni nos amitiés, nous pouvons reprendre l'organisation du Marché Commun des 6, mais dans des conditions qui soient équitables et raisonnables avec l'espoir que sur une telle base, d'autres voisins s'y joindront. Développer davantage encore avec les pays de l'est nos rapports économiques, scientifiques, techniques et politiques, entretenir avec la Chine des relations multipliées, resserrer les liens d'amicale coopération que nous tissons entre notre peuple et ceux d'Afrique, d'Orient, d'Asie, d'Amérique latine. L'année de l'ardeur car c'en est fini des doutes, des tâtonnements, des renoncements. Tout en nous gardant de céder à l'illusion et à l'outrecuidance, nous savons maintenant qu'il y a dans nos têtes, dans nos coeurs et dans nos mains tout ce qu'il faut pour que la France parcourt une étape décisive de son progrès. Pour qu'elle apporte plus de justice encore dans la répartition auprès tous ces enfants du produit du travail national. Pour qu'elle exerce au milieu des nations, comme c'est son génie de le faire, une action exemplaire de compréhension et de paix. Après un siècle où nous avons subi tant d'épreuves, où nous avons manqué tant d'occasions, où nous avons accumulé tant de retard, voici qu'enfin, en mettant en oeuvre un état stable et efficace, en nous servant à fond de nos moyens, en y ajoutant ce qu'apporte la science et la technique, en voulant que notre peuple soit un bon compagnon pour tout autre pays du monde, nous sommes sans doute en train d'accomplir une des plus fécondes et réelles réussites de notre histoire . Françaises, Français, c'est donc dans la sérénité, dans la confiance et dans l'ardeur que j'adresse à chacune, à chacun de vous mes meilleurs voeux pour 1966 et que tous ensemble, nous souhaitons une Bonne Année à la France. Vive la République ! Vive la France !