Six personnages en quête d'auteur de Luigi Pirandello, mise en scène d'Anatoli Vassiliev
Notice
En 1988, Anatoli Vassiliev présente Six personnages en quête d'auteur, de Luigi Pirandello, au Festival d'Avignon. Extraits du spectacle et interview d'Anatoli Vassiliev. Antoine Vitez expose comment Vassiliev conçoit son activité théâtrale, puis mentionne la création d'un festival de théâtre en Russie, à l'image de celui d'Avignon.
Éclairage
Ce document permet de découvrir, plus que la pièce de Pirandello, le travail du metteur en scène russe, Anatoli Vassiliev. En effet, lorsqu'il vient en 1988 présenter Six personnages en quête d'auteur au Festival d'Avignon, la France ne connaît pas encore cet artiste, qui va se révéler au cours des décennies suivantes un des hommes de théâtre les plus importants et les plus novateurs de la période contemporaine. Il est actuellement considéré comme le plus grand metteur en scène russe.
Né en 1942, Anatoli Vassiliev commence ses études au GITIS (Conservatoire d'art dramatique Lounatcharski de Moscou) en 1968, auprès d'anciens élèves de Stanislavski, Andreï Popov et Maria Knebel qui lui enseigne les méthodes d' « analyse active » issues des dernières recherches de Stanislavski. Dès 1973, il signe son premier spectacle au Théâtre d'Art de Moscou, Solo pour une horloge à carillons de O. Zagradnik, où, comme il l'indique dans l'extrait, il dirige les comédiens âgés qui avaient travaillé avec Stanislavski. Il crée ensuite deux autres spectacles, à partir des œuvres de Gorki et de Slavkine, qui remportent un très vif succès et lui valent d'être invité par Youri Lioubimov au Théâtre de la Taganka. La mise en scène du Cerceau de Slavkine qu'il y présente fait date et lui permet d'obtenir enfin une salle, baptisée « École d'art dramatique ». C'est là qu'a lieu en février 1987 la création de Six personnages en quête d'auteur, qui fait le tour du monde et apporte une reconnaissance internationale à Vassiliev. Il monte ensuite Ce soir on improvise en 1990 du même Pirandello, ses autres auteurs de prédilection étant Pouchkine et Tchekhov. Désormais les spectacles se succèdent, présentés à l'étranger, et confirment la singularité et la pertinence de la démarche de Vassiliev, inséparable de son activité de pédagogue.
Car, conscient de la crise qui saisit le théâtre en Russie après l'épuisement du modèle stanislavskien, faute de recherches nouvelles, Vassiliev est en quête d'un nouveau théâtre, ce qui implique de redéfinir un processus de création pour l'acteur. S'inspirant à la fois des travaux de Meyerhold, Vakhtangov et Mikhaïl Tchekhov, mais aussi des dialogues platoniciens, Vassiliev veut substituer à l'ancien système psychologique le système ludique, et passer d'un théâtre narratif à un théâtre conceptuel où l'acteur représenterait émotionnellement l'idée elle-même. Il conçoit ainsi son école comme un laboratoire, où l'acteur, délivré de l'inquiétude du résultat, est surtout invité à tenter des expériences sur la voix et le corps, à partir d'un entraînement verbal et physique pratiqué quotidiennement. Vassiliev s'intéresse plus particulièrement à l'art vocal, en étudiant la façon dont les idées peuvent se manifester à travers le verbe. Il travaille avec les comédiens le lancer du son, la diction, l'intonation, et notamment la technique de projection du verbe qui empêche le jeu de devenir illustratif. Il a ainsi inventé une manière absolument nouvelle de prononcer les syllabes, qui confère au jeu une extraordinaire vitalité, et au texte une résonance inédite. Le jeu du comédien est par ailleurs basé sur la disjonction entre les mouvements physiques, psychologiques et verbaux.
La théorie et les méthodes de Vassiliev commencent à être diffusées en France : il a collaboré plusieurs fois avec l'Académie Expérimentale des Théâtres et a été nommé responsable pédagogique du « Département de formation et de recherche à la mise en scène » de l'ENSATT en 2004. La comédienne Valérie Dréville, qui a fait sa connaissance en 1992 et s'est rendue plusieurs fois en Russie, contribue aussi à développer son enseignement en France. Les spectacles que Vassiliev a montés avec elle comptent parmi les plus remarquables créations théâtrales de ces dernières années (on retiendra Le Bal masqué de Lermontov, 1992 ; Amphitryon de Molière, 1997 ; Médée-Matériau de Heiner Müller, 2002 ; Thérèse Philosophe, 2007).