Hamlet mis en scène par Antoine Vitez à Chaillot
Notice
Présentation au journal télévisé d'Antenne 2 de la mise en scène d'Hamlet par Antoine Vitez, en 1983 au Théâtre National de Chaillot, avec Richard Fontana dans le rôle-titre. Une interview de l'acteur par France Roche est entrecoupée par des extraits de la scène 1 de l'acte 3 (le monologue « Être ou ne pas être... ») où Vitez met en présence Hamlet et Ophélie (Jany Gastaldi). Courte apparition de Vitez à la fin du reportage.
Éclairage
William Shakespeare (1564-1616) est considéré comme le plus grand auteur dramatique anglais fin XVIe siècle / début du XVIIe. Il est la référence absolue lorsqu'on évoque le théâtre élisabéthain. Sa capacité à user de toutes les ressources de la poésie et de la scène, son aisance dans le mélange des genres et des registres de langue, sa liberté avec l'espace et le temps font de son œuvre éclectique « une source vive » [1] : des textes théâtraux d'une très grande richesse qui ne s'épuise pas, ne cessent de questionner le théâtre et d'attirer les metteurs en scène de tout âge.
Ecrite aux alentours de 1601, « Hamlet est la pièce de théâtre qui contient toutes les autres, la tragédie grecque comme les formes de théâtre les plus modernes. » a souligné Yannis Kokkos qui a signé la scénographie du spectacle d'Antoine Vitez [2]. Hamlet, jeune prince du royaume de Danemark, porte encore le deuil de son père lorsque le fantôme de celui-ci lui fait une terrible révélation : l'oncle d'Hamlet, qui a succédé à son frère sur le trône et épousé sa belle-sœur, est en réalité le meurtrier de son père. La pièce s'organise autour de la recherche de preuves puis de la vengeance d'Hamlet (« Le temps est hors de ses gonds. O sort maudit / Qui veut que je sois né pour le rejointer ! »), de sa volonté d'agir pour réparer l'injustice, des conflits intérieurs qui agiteront son esprit après la révélation du spectre de son père. C'est par la mort du couple royal et celle d'Hamlet, par la prise de pouvoir légitime de Fortinbras que le Danemark sera lavé de ces péchés et que le temps reprendra son cours.
En 1983, le metteur en scène Antoine Vitez met en scène Hamlet (traduction de Raymond Lepoutre) dans une version avec coupes en semaine. Samedi et dimanche, la pièce est jouée dans son intégralité !). Antoine Vitez (1930-1990) marque profondément la vie théâtrale française de la seconde moitié du XXe siècle. Il se réclame du « Théâtre d'art » : une recherche, une éthique, une volonté d'aller plus loin dans la pratique théâtrale. Tout au long de ce siècle, le besoin de se réclamer du théâtre d'art est venu d'un profond désir de réforme de la pratique : la remise en question ne visait pas l'essence même du théâtre mais sa réalité scénique. Des artistes ont recherché le changement de l'intérieur par l'exploration la plus profonde des moyens qu'offre le théâtre. Des désirs fondamentaux lient ces praticiens : une troupe, un lieu, un répertoire, une école, beaucoup de temps pour les répétitions, un dialogue suivi et intense avec le public (avec notamment une revue). Avec la volonté de faire un « théâtre élitaire pour tous », Antoine Vitez tente de concilier la lisibilité et la plus haute exigence esthétique et intellectuelle.
Le reportage nous montre Richard Fontana disant les premiers mots du célèbre monologue d'Hamlet : « Être ou ne pas être, c'est la question... ». C'est un Hamlet absorbé, grave mais que l'on sent plein d'énergie qui adresse – originalité de la mise en scène d'Antoine Vitez – son discours à Ophélie. Le soliloque habituel (Hamlet, seul en scène, qui se parle à lui-même) est transformé ici en monologue (seul Hamlet parle, mais il s'adresse à une tierce personne).
Antoine Vitez prend le parti d'un Hamlet jeune et vigoureux, loin d'une image plus courante d'un Hamlet accablé, presque sans vie.
Le scénographe Yannis Kokkos explique : « J'ai cherché à faire un espace qui raconte tout ce qui peut être possible à l'intérieur, et que les acteurs, la manière dont ils se déplacent, deviennent les dessins vivants d'un univers clair, que puisse se dessiner un espace ouvert mais qui en même temps imprime une image très forte. » Il a voulu ainsi « donner la primauté au mouvement de l'acteur » [2] qui se détache sur cette perspective blanche, immaculée, épurée.
[1] Louis Lecoq / Catherine Treilhou-Balaudé, « Shakespeare », in Dictionnaire encyclopédique du théâtre, dirigé par Michel Corvin, Paris, Larousse, coll. « In extenso », 2000.
[2] Yannis Kokkos, in Actes du congrès 1984, Société Française Shakespeare, « Lieu et Temps », sous la direction de Jean Fuzier, édition électronique.