Hamlet mis en scène par Patrice Chéreau à Avignon

21 septembre 1988
04m 18s
Réf. 00492

Notice

Résumé :

Créé en 1988 dans la cours du Palais des Papes au 42e Festival d'Avignon, le spectacle est repris au Théâtre des Amandiers de Nanterre. Quelques extraits de scènes ont été choisis : La Souricière, l'aveu du spectre du roi défunt à son fils Hamlet, la scène Hamlet/Ophélie, à nouveau La Souricière, enfin, le début de la scène Hamlet/Polonius.

Date de diffusion :
21 septembre 1988
Source :
FR3 (Collection: Provence Midi )
Fiche CNT :

Éclairage

William Shakespeare (1564-1616) est considéré comme le plus grand auteur dramatique anglais du XVIe siècle (début du XVIIe). Il est la référence absolue lorsqu'on évoque le théâtre élisabéthain. Sa capacité à user de toutes les ressources de la poésie et de la scène, son aisance dans le mélange des genres et des registres de langues, sa liberté avec l'espace et le temps font de son œuvre éclectique « une source vive » [1] : des textes théâtraux d'une très grande richesse qui ne s'épuise pas, ne cessent de questionner le théâtre et d'attirer les metteurs en scène de toute génération et d'univers artistiques très différents.

Ecrite aux alentours de 1601, « Hamlet est la pièce de théâtre qui contient toutes les autres » [2]. Hamlet, jeune prince du royaume de Danemark, porte encore le deuil de son père lorsque le fantôme de celui-ci lui fait une terrible révélation : l'oncle d'Hamlet, qui a succédé à son frère sur le trône et épousé sa belle-sœur, est en réalité le meurtrier de son père. La pièce s'organise autour de la recherche de preuves puis de la vengeance d'Hamlet (« Le temps est hors de ses gonds. O sort maudit / Qui veut que je sois né pour le rejointer ! »), de sa volonté d'agir pour réparer l'injustice, des conflits intérieurs qui agiteront son esprit après la révélation du spectre de son père. C'est par la mort du couple royal et celle d'Hamlet, par la prise de pouvoir légitime de Fortinbras que le Danemark sera lavé de ces péchés et que le temps reprendra son cours.

C'est en faisant jouer par des comédiens ambulants, devant la reine sa mère et le roi Claudius son oncle, l'exact récit que lui a fait le fantôme de son père de son propre assassinat par Claudius que Hamlet veut vérifier les dires du spectre et la culpabilité du nouveau roi – donc le fratricide et l'usurpation du trône, thème privilégié de Shakespeare. La pièce (qu'Hamlet nomme La souricière) commence par une pantomime où l'on voit un couple royal très amoureux. La reine se retirant, le roi s'allonge et dort alors qu'un tiers arrive et lui verse un poison dans l'oreille. La reine revient ensuite et, découvrant son mari mort, montre tous les signes du désespoir. L'assassin reparaît et courtise la reine qui finit par lui céder. C'est le premier extrait que montre le reportage : dans une atmosphère bleutée et saturée des cris dans la bande son, le couple royal assiste au meurtre mimé et à la douleur de la reine. Le roi ne réagira que plus tard dans la pièce, lorsque au geste de l'acteur s'ajoute sa parole. Alors il est pris d'effroi et Hamlet, quant à lui, ne doute plus de la culpabilité de Claudius. Shakespeare souligne dans cette scène les pouvoirs du théâtre...

Les extraits sont ici montrés dans le désordre. La chronologie de la pièce est celle-ci : scène du spectre (Acte I, scène 5), Hamlet/Polonius (Acte II, scène 2), Hamlet/Ophélie (Acte III, scène 1), La Souricière (Acte III, scène 2).

Né en 1944, Patrice Chéreau s'impose comme l'une des plus grandes figures françaises de la mise en scène de la seconde moitié du XXe siècle. Il dirige le théâtre de Sartrouville dès 1966 à l'âge de 22 ans. A partir de 1970 il codirige en suite le TNP de Villeurbanne avec Roger Planchon qu'il quitte pour prendre la direction du Théâtre des Amandiers de Nanterre en 1982 jusqu'en 1990. A la fois dans et hors de l'institution, Patrice Chéreau développe, explore un répertoire très large, de Shakespeare à Labiche, en passant par Marivaux et un large répertoire contemporain. Notons avant tout dans le répertoire contemporain ses mises en scène des textes de Bernard-Marie Koltès (Combat de nègre et de chiens en 1983, Quai Ouest en 1986, Dans la solitude des champs de coton en 1987 et en 1995, Le Retour au désert en 1988).

[1] Louis Lecoq / Catherine Treilhou-Balaudé, « Shakespeare », in Dictionnaire encyclopédique du théâtre, dirigé par Michel Corvin, Paris, Larousse, coll. « In extenso », 2000.

[2] Yannis Kokkos, in Actes du congrès 1984, Société Française Shakespeare, « Lieu et Temps », sous la direction de Jean Fuzier, édition électronique.

Anne-Laetitia Garcia

Transcription

(Musique)
Journaliste
Mais le grand pari du théâtre des Amandiers était de convaincre avec Hamlet, le spectacle le plus attendu du festival. Première apparition de Patrice Chéreau dans la cour d’honneur, distribution prestigieuse, Gérard Desarthe, Robin Renucci, Marthe Keller, Wladimir Yordanoff, Bernard Ballet, etc. L'histoire d’un roi de Danemark assassiné par son propre frère et qui sera vengé par son fils, ulcéré de voir sa mère se remarier avec celui, qui peu à peu se révèle comme le meurtrier de son père.
Comédien 1
Je suis l’esprit de ton père, condamné pour un temps à errer la nuit et à jeûner le jour dans la prison des flammes, tant que les noires faute de ma vie ne seront pas consumées. Si je n’étais astreint à ne pas dévoiler les secrets de ma geôle, je pourrais te faire un récit dont le moindre mot déchirerait ton âme, glacerait ton jeune sang et arracherait tes yeux comme deux étoiles à leur orbite.
Comédien 2
Vite, au couvent chez les femmes, entends-tu ? Ou si tu tiens absolument au mariage, épouse un imbécile, car les sages savent trop bien quelle sorte de monstre vous faites d’eux. Au couvent, entends-tu ? Allez, dépêche-toi !
Comédienne 1
Puissance du ciel guérissez-le.
Comédien 2
J’ai aussi entendu parler, et bien trop de vos barbouillages. Dieu vous a donné un visage, et vous, vous en faites un autre. Vous vous tortillez, vous trottinez, vous minaudez, vous donnez des surnoms à ce que Dieu a créé. Vous êtes impudique, sous des airs d’innocence. Allez, c’est fini pour moi, c’est tout cela qui m’a rendu fou. Qu’il n’y ait plus de mariage !
Comédien 3
Mais pour en revenir à ma première idée, nos vœux s’opposent tant à notre destiné que tous nos plans, toujours seront jetés à bas, nos pensées sont à nous, les faits ne le sont pas. Crois donc que tu n’auras pas de second mari, à la mort du premier tu changeras d’avis.
Comédienne 2
Argghh ciel, privez-moi de fruits et de lumières, nuit et jour privez-moi de liesse et de repos. Mon espoir et ma foi, décevez mes prières, vie frugale d'ermite en prison soit mon lot. Et vous, [incompris] pâlit la face de la joie, que mes plus chers projets deviennent votre proie, oui ! Un malheur sans fin me chasse d’ici-bas. Si je puis être veuve, et de le rester.
Comédien 2
Si maintenant elle allait se parjurer hein !
(Bruit)
Comédien 4
Que lisez-vous mon seigneur ?
Comédien 2
Des mots, des mots, des mots.
Comédien 4
Mais quel est leur lien, mon seigneur ?
Comédien 2
Entre qui et qui ?
Comédien 4
Je veux dire, de quoi est-il question dans ce que vous lisez, mon seigneur ?
Comédien 2
De calomnie monsieur ! Car cette crapule prétend que les vieillards ont les cheveux gris et un visage ridé, et que leurs yeux secrètent une résine pâteuse et de la gomme de prunier, et qu’ils ont une abondante pénurie d’esprit en même temps que les jambes faibles. Toute chose monsieur dont je suis profondément et fortement convaincu, mais que je trouve malhonnête de coucher ainsi par écrit, car vous-même monsieur, vous serez un jour aussi vieux que je le suis. Pour peu que vous alliez à reculons comme un crabe.
Comédien 4
De la folie, mais qui ne manque pas de…