Pina Bausch et Le Sacre du printemps de Stravinsky

31 octobre 1982
03m 03s
Réf. 00867

Notice

Résumé :

Un extrait filmé en 1975 du Sacre du Printemps chorégraphié par Pina Bausch sur la musique d'Igor Stravinsky.

Date de diffusion :
31 octobre 1982
Lieux :

Éclairage

En 1975, deux ans après son arrivée à l'opéra de Wuppertal, Pina Bausch (1940-2009) prend un risque : chorégraphier Le Sacre du Printemps sur la partition d'Igor Stravinsky. Elle s'écarte du livret de la pièce chorégraphiée en 1913 par Vaslav Nijinski pour dresser face à face le groupe des femmes et celui des hommes. Une Elue, désignée par le hasard et un chiffon de tissu rouge sang, en sortira pour danser à mort. Cette relecture, sans doute l'une des plus magnétiques et anxiogènes de toutes les versions que l'on peut encore voir, concentre en trente-cinq minutes la peur et l'effroi d'un sacrifice. Lorsque l'Elue désignée est mise à nu pour enfiler la fameuse robe rouge, un frisson glacial parcourt le plateau et la salle. La puissance dévastatrice de ce Sacre tient aussi beaucoup au sol en terre – la scénographie est signée Rolf Borzik (1944-1980) - qui va peu à peu recouvrir les corps et les visages.

Interprétée par sa compagnie, le Tanztheater Wuppertal, cette pièce pour trente-deux danseurs (seize hommes et seize femmes), véritable monument dans l'œuvre de Pina Bausch et l'histoire de la danse, marque un tournant. Depuis son arrivée à l'opéra, la chorégraphe est rejetée par le public, fan de ballet classique. Elle reçoit des menaces par téléphone. Lorsqu'elle décide de se tourner vers de grandes partitions musicales, elle sait que la force de ce répertoire est un atout. Son écriture prend son élan : bras immenses qui emportent le mouvement, torsions des corps, mains qui frappent les genoux... Energie viscérale maintenue à un taux palpitant par le travail sur les ensembles, le chœur. En cercle élargi ou resserré, se déplaçant sur le plateau, d'un côté les hommes, de l'autre les femmes, Pina Bausch active les groupes, les distribue et les malaxe sur le plateau comme des masses.

Avec Le Sacre du Printemps, Pina Bausch, épaulée par Rolf Borzik son compagnon, inaugure une veine esthétique proche du paysage, voire d'une certaine idée du land art. Les tombereaux de terre qui recouvrent le plateau céderont bientôt la place à un champ d'œillets, une montagne de fleurs, une falaise de mousse, un lac d'eau... Nature et artifice entremêlées pour un comble d'illusion théâtrale. Lors de chaque représentation du Sacre du Printemps, un autre spectacle d'ailleurs se joue, celui de la mise en place de la terre – douze mètres cubes en moyenne - sur le plateau. Des bennes argentées arrivent, des techniciens armés de balais déversent la terre et l'étalent. Gestes pour aplanir la couche de terre, tranquillité des mouvements des travailleurs, odeur de tourbe, de vie et de mort.

Lors de l'entrée au répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris du Sacre du Printemps en 1997, l'Elue (Géraldine Wiart) fut choisie par Pina Bausch elle-même. Idem pour les rôles d'Orphée et Euridyce, créé en 1975 également, entré au répertoire en 2004. La troupe parisienne est la seule compagnie au monde à qui Pina Bausch a accepté de donner des pièces. Toutes deux appartiennent à cette veine expressive, lyrique et théâtrale, liée à des partitions musicales imparables, des années 70. Cette période marquante verra naître nombre de pièces majeures. Les sept Péchés capitaux (1976) (voir la vidéo), Barbe-Bleue (1977), Café Müller (1978) avec Pina elle-même (voir la vidéo), Kontakthof (1978)...

Depuis sa création en 1913, Le Sacre du Printemps chorégraphié par Vaslav Nijinski (1889-1950), sur la partition d'Igor Stravinsky (1882-1971), a excité l'imagination de quelques deux cent chorégraphes en tous genres. C'est dire l'impact de ce spectacle au moins deux fois révolutionnaire : par sa musique somptueusement dissonante ; sa danse, tout aussi violemment inédite. La version puissante de Pina Bausch prend place aux côtés de celles de Nijinski, de Mary Wigman, de Paul Taylor, de Maurice Béjart... Maillon d'une chaîne d'interprétations somptueuses qui porte l'histoire de la danse depuis le début du XXe siècle.

[En savoir plus] : Ce spectacle est disponible en intégralité sous forme coffret livre-DVD (© L'Arche Editeur, Paris 2012).

Rosita Boisseau

Transcription

(Musique)