La danse, laboratoire des autres arts
Introduction
La danse accueille à bras ouverts les autres arts. Pleine de curiosité et d'appétit, elle ose les rapprochements insolites et les mélanges aventureux pour le plaisir de se voir toujours plus neuve dans son miroir. Depuis le début du XXe siècle et les plateaux chics et chocs des Ballets Russes jusqu'aux installations de chorégraphes contemporains comme Christian Rizzo ou les spectacles soufflés par l'esprit du cirque de François Verret, la danse, sans doute l'une des pratiques artistiques qui bouge et se renouvelle le plus, ose la confrontation sans peur d'y laisser sa spécificité. Eclectique, fonceuse, libre, elle s'affirme comme une zone de transit du texte, des arts plastiques et de la vidéo, des nouvelles technologies, du cirque... Au risque de voir les spectacles chorégraphiques basculer dans la catégorie de plus en plus floue des « inclassables », tous au coude à coude dans le bain du grand mix des années 2000.
Danse et théâtre
La danse et le texte ont tissé des liens solides depuis le ballet classique. A travers le livret d'abord qui oblige la danse à raconter une histoire, lui indique des personnages, lui dicte des actions et des sentiments à illustrer, tout en privilégiant le sens sur la forme. Les ballets comme Le Lac des Cygnes, chorégraphié par Marius Petipa sur la musique de Tchaïkovsky, ou La Belle au bois dormant conçus par la même « dream team », s'appuient sur des contes ou des scénarios tressant des fables connues de tous. Jusqu'au Sacre du Printemps (1913) chorégraphié par Vaslav Nijinski sur la partition d'Igor Stravinsky ! Ce fondement a coloré la danse d'une nécessité de narration et de sens en la faisant parfois basculer dans l'illustration.
Deux solos du Lac des cygnes par Noureev
[Format court]
Ces deux solos du Prince sont extraits du premier Lac des Cygnes chorégraphié par Noureev pour le Ballet de l'Opéra de Vienne en 1964, et dont il est le principal interprète avec Margot Fonteyn. Cette production fut filmée en 35 mm, en couleurs, et publié par Unitel en vidéocassette deux ans plus tard. Nous voyons ici en entier les deux solos ajoutés par Noureev et chorégraphiés par et pour lui à la fin du premier acte.
Quatre ballets russes à l'Opéra de Paris
[Format court]
Le présentateur annonce la retransmission le 1er janvier 2010 d'un spectacle donné en décembre au Palais Garnier. Un hommage à Diaghilev, seul trait d'union entre les quatre chorégraphies dont sont montrés quelques extraits en couleurs : Le Spectre de la Rose de Fokine dansé par Mathias Heymann et Isabelle Ciaravola ; Le Tricorne de Massine par Marie Agnès Gillot et José Martinez ; L'Après midi d'un Faune de Nijinski par Nicolas Le Riche et Eve Grinsztajn, et Petrouchka de Fokine avec Benjamin Pech (Petrouchka), Clairemarie Osta (La Poupée) et Yann Bridard (le Maure). Interviewes des étoiles Pech, Le Riche et Heymann.
La question du livret
Au tournant des années 80, les chorégraphes contemporains biffent d'abord d'un trait net les codes et coutumes du ballet, revendiquant une écriture libérée de la question de la narration. Au fil du temps, certains artistes, relativement peu nombreux tout de même, comme par exemple Jean-Claude Gallotta et Angelin Preljocaj, ont renoué avec le livret. Soucieux de cogner leur danse à la question du sens et désireux de raconter des histoires, ils se sont cherchés de nouveaux scénarios. Au tournant des années 2000, Gallotta a mis en scène sa série « DTM » ( « danse théâtre musique) avec Don Juan ou Roméo et Juliette ... Parallèlement à ses relectures de ballets comme Roméo et Juliette ou Le Sacre du Printemps, Angelin Preljocaj a aussi fait appel à l'écrivain Pascal Quignard pour écrire le livret de son ballet L'anoure . D'autres artistes s'appuient sur des œuvres littéraires dont ils ne gardent pas toujours trace sur scène. François Verret, Maguy Marin, Josef Nadj et bien d'autres, trouvent les socles de leur danse dans des textes majeurs comme, pour Verret, L'homme sans qualités de Robert Musil pour Chantier Musil ( 2003) ou encore Moby Dick de Melville dans Sans Retour (2006). S'il ne reste souvent rien du texte de départ, la vigueur du propos, son essence, trouvent souvent chez ces artistes une formule spectaculaire magique.
Maguy Marin et Samuel Beckett
[Format court]
Douze ans après la création de son spectacle-fétiche May B., la chorégraphe Maguy Marin se souvient des raisons qui l'ont poussé à mettre en scène cette pièce inspirée par l'écrivain Samuel Beckett. Des images des danseurs en train de se maquiller ponctuent les confidences de la chorégraphe.
Prendre la parole
Que le texte soit dit d'une manière ou d'une autre sur scène (acteurs, danseurs ou voix off) ou qu'il soit absent, il irrigue le geste dansé en exacerbant la question du sens. En quête d'un « théâtre total », Maurice Béjart, féru de philosophie et de littérature, a régulièrement cherché dans les œuvres littéraires et philosophiques de bonnes raisons de faire lever la jambe à ses interprètes. La présence d'un narrateur-danseur dans des spectacles donne un fil conducteur au mouvement tout en lui conservant une relative liberté de forme.
Maurice Béjart et le Théâtre
[Format court]
Au cours d'une interview donnée en 1965, quand il remonte son Sacre du printemps à l'Opéra de Paris, Maurice Béjart confie que le théâtre « parlé » l'ennuie profondément. Il ne conçoit - à l'instar du théâtre japonais actuel et ancien, ou de la tragédie grecque - qu'un spectacle où les gens parlent, dansent et chantent tout à la fois, ce qu'Artaud appelle « Le Théâtre vrai ».
Sur un autre registre, la chorégraphe allemande Pina Bausch a donné quant à elle dans tous les sens du terme la parole à ses danseurs. En les faisant improviser autour de questions ou de thèmes, elle les poussait à répondre en leur nom et à oser un texte personnel dans les spectacles. Les interprètes de la compagnie s'appellent d'ailleurs tous par leurs prénoms et se livrent à des degrés divers à de véritables confidences sur leur vie. Le « Tanztheater » de Pina Bausch est celui de l'espace psychique des danseurs qui trouvent une expression parlée-dansée unique en son genre.
Pina Bausch et Le laveur de vitre
[Format court]
L'édition 2000 du Festival d'Avignon a mis à l'honneur la chorégraphe Pina Bausch avec Le Laveur de Vitres inspiré par un séjour de travail à Honk Kong. Scènes de répétitions et quelques phrases d'interprètes dont la danseuse Nazareth Panadero.
Sous l'influence de Pina Bausch, et aiguillés par le besoin de l'ouvrir, de plus en plus de chorégraphes, en particulier depuis le début des années 2000 ont non seulement tenté le rapprochement danse et texte mais aussi demander à leurs danseurs de fourbir des talents d'acteurs. Georges Appaix, Marco Berrettini, Michel Schweizer, François Verret, Caterina Sagna, Jérôme Bel...
Danse et arts plastiques
Les relations entre la danse et les arts plastiques ont renouvelé l'esthétique spectaculaire en relançant les enjeux des uns et des autres. Si le rideau de scène est devenu une œuvre picturale à part entière avec des maîtres comme Léon Bakst ou Pablo Picasso, nombreux ont aussi été les peintres et les plasticiens, de Henri Matisse à Van Dongen, qui se sont épris de la danse pour la sublimer sur leurs toiles. Depuis le début du XXe siècle, les échanges entre l'art chorégraphique et les arts plastiques prennent des formes toujours plus excitantes.
Encore aujourd'hui, la performance, qui connaît un regain d'intérêt depuis le milieu des années 2000, croise chorégraphes et plasticiens pour mieux déplacer les frontières des uns et des autres et revitaliser l'histoire de l'art au sens large.
Echanges
Avec en ligne de mire l'exemple des Ballets russes (1909-1929), la fameuse compagnie créée par Serge Diaghilev (1872-1929) en 1909, nombreux sont les chorégraphes qui ont fait appel à des plasticiens pour fouetter leur geste artistique. Dès les années 40, l'américain Merce Cunningham (1909-2009) collabore avec Robert Rauschenberg, qui sera le directeur artistique de la compagnie pendant dix ans, avant de se tourner vers d'autres artistes comme Jaspers Johns, Frank Stella, Andy Warhol... Le rideau de fond de scène prend un joli coup de neuf : il devient une toile, un écran, illuminés par des projections lumineuses ou des images. Des pièces comme Summerspace (1958), Un jour ou deux (1973), Five Stone Wind (1988)... en témoignent.
Merce Cunningham à Paris
[Format court]
Le jeune chorégraphe Merce Cunningham danse devant nous aux côtés de ses danseurs. Ses images, précieuses de Cunningham jeune, sont commentées par le journaliste. Le spectacle, sur une musique de John Cage, fait suite aux répétitions qui se déroulent en silence.
Dans la même volonté de privilégier un geste scénique global, l'Américaine Trisha Brown a créé quelques-unes de ses œuvres-clefs comme Glacial Decoy (1979) ou Set and Reset (1983), en complicité avec Robert Rauscherberg. Ses « Early Works », modules courts et répétitifs conçus dans les années 70, plus proches de l'esprit performatif, se déroulaient dans des parcs, sur des lacs ou sur les toits de New-York.
En France, la danse contemporaine a vu naître depuis le début des années 80 des duos d'artistes très excitants. Parmi les plus fameux, celui formé par le chorégraphe Dominique Bagouet (1951-1992) et le plasticien Christian Boltanski qui ont crée en 1987 Le saut de l'ange, a tatoué les mémoires. Il faut aussi citer la complicité du chorégraphe Hervé Robbe et du plasticien Richard Deacon pour Factory (1993), celle d'Odile Duboc (1941-2010) avec la plasticienne Marie-Josée Pillet pour Projet de la matière (1993).
Dominique Bagouet et Le saut de l'ange
[Format court]
Dans le cadre du festival Montpellier Danse, zoom sur le chorégraphe Dominique Bagouet et sa nouvelle production Le saut de l'ange dans une scénographie du plasticien Christian Boltanski et sur une partition du compositeur contemporain Pascal Dusapin.
Figures solitaires
Parmi les grandes personnalités au croisement des arts plastiques et de la danse, celle de l'artiste et théoricien allemand Oskar Schlemmer (1888-1943), inventeur du Ballet triadique, a influencé nombre de chorégraphe. Ses costumes-sculptures dansant dans l'espace ne sont pas sans rappeler certaines inventions du chorégraphe américain Alwin Nikolais (1910-1993). Concepteur des costumes, des décors, des accessoires, de la musique, des diapositives et des lumières de ses pièces, Nikolais a fait de la boîte noire une capsule d'alchimie, jouant des apparitions et disparitions des danseurs, de métamorphoses des corps et d'illuminations colorées comme s'il travaillait une toile vivante. Son « élève » Philippe Decouflé, épaulé par le costumier Philippe Guillotel, a su relancer cet héritage mirifique dans de nouvelles combinaisons visuelles, transformant la scène en vivant kaléidoscope.
Alwin Nikolais pédagogue
[Format court]
Alwin Nikolais ouvre la porte de son cours qu'il accompagne lui-même au tambour. Ses "élèves" et interprètes, Carolyn Carlson et Susan Buirge donnent leur point de vue sur son travail. Alwin Nikolais se souvient du geste d'une actrice américaine.
Des personnalités endossent parfois la double casquette danse et arts plastiques. Le plasticien flamand Jan Fabre, également metteur en scène et écrivain, s'est taillé une réputation mondiale sur tous les terrains. Ses spectacles comme Je suis sang, créé en 2001 au festival d'Avignon ou encore L'histoire des Larmes offrent une synthèse enlevée et puissante de ses multiples talents. En France, Christian Rizzo, Josef Nadj, tous les deux passés par les Beaux-arts, jouent aussi sur les deux tableaux. Les chorégraphes apparus au milieu des années 90 comme Boris Charmatz, Alain Buffard, Jérôme Bel, se réfèrent souvent dans leurs pratiques, leurs processus de création et leurs pièces, aux dispositifs et modes de fabrication des arts plastiques. Depuis le milieu des années 2000, le retour aux installations et aux performances, qui mettent le corps de l'interprète en première ligne, souligne la porosité des frontières entre les pratiques.
Avec Jan Fabre, une fresque médiévale au festival d'Avignon
[Format court]
Provocation, scandale ? En 2001, Bernard Faivre d'Arcier livre la Cour d'honneur du festival d'Avignon au flamand Jan Fabre, dont les spectacles suscitent souvent la polémique. Présenté comme un « conte de fées médiéval », Je suis sang évoque le sombre Moyen Age et les atrocités commises au nom du catholicisme.
Boris Charmatz et Aatt... Enen... Tionon
[Format court]
Boris Charmatz évoque son spectacle Aatt... Enen... Tionon, au micro de Laure Adler, en présente les contraintes esthétiques et débat longuement de la question de la nudité, au cœur de certaines de ses pièces et de la danse contemporaine.
Danse et vidéo
Signe des temps et d'une époque où la caméra devient la prothèse de toute vie moderne qui se respecte, la vidéo envahit les plateaux au point de devenir une tarte à la crème (ou presque). Il est vrai que de plus en plus de pièces de danse font appel à des images-vidéo filmées au préalable ou réalisées en direct par les danseurs et projetées sur le plateau.... Au début des années 60, Maurice Béjart avait posé des téléviseurs mobiles sur scène pour Voyage sur une musique de Pierre Henry. Au même moment, les plasticiens Nam June Paik (1932-2006) et Wolf Vostell (1932-2008) commençaient à bidouiller les images en empilant des écrans les uns sur les autres.
Avec les années 90, la tendance s'est amplifiée. Avec Paradis, leur premier et immense succès en 1997, les chorégraphes José Montalvo et Dominique Hervieu, dont la compagnie a cessé d'exister en 2011, orchestrent un savant jeu de ping pong entre le mouvement dansé et la vidéo, s'amusant d'hybridations fantasques grâce aux logiciels toujours plus performants.
La sud-africaine Robyn Orlin, passée par des études de cinéma, utilise spontanément des caméras en direct dans ses spectacles tout en projetant des images déjà collectées. Croisant les espaces, les temps, les points de vue, elle opère un mixage des films en rappelant à chaque instant l'urgence de la représentation grâce aux caméras dont elle outille ses interprètes.
La présence des nouvelles technologies se complexifie avec le temps. De plus en plus féru d'expérimentations vidéo, Philippe Decouflé multiplie les effets et les manipulations pour faire surgir sur scène des petits mirages virtuels.
Merce Cunningham, qui travaillait sur ordinateur à la fin de sa carrière, a ainsi crée Biped (1999) qui entrelace les silhouettes numériques des danseurs avec leurs corps en chair et en os sur le plateau. Dans un registre plus proche de l'exposition et de l'installation interactive, N+N Corsino, secondés par des équipes de techniciens de haut niveau, conçoivent des univers visuels sophistiqués au creux desquels le mouvement, capté sur des danseurs et transformé sur les écrans, devient un flux électronique subtilement organique.
Biped de Merce Cunningham
[Format court]
Le chorégraphe américain Merce Cunningham, 80 ans, est de passage dans sa maison parisienne du Théâtre de la Ville, à Paris. Toujours simple et direct, ce "passant", comme il aime à se définir, précise ce qui le passionne dans cette rencontre entre les images virtuelles projetées et les corps vivants. Une danseuse donne également son point de vue sur ce type de travail très nouveau dans la compagnie...
Performance
Depuis le début des années 2000, la performance, qui apparut dans les années 60 avec le groupe Gutaï au Japon, les « actionnistes » à Vienne ou encore les Américains Allan Kaprow, excite les chorégraphes et les plasticiens. Logique : elle pose le corps dans sa force et sa vulnérabilité au cœur d'un dispositif qui vise souvent à en questionner la singularité et les limites. Des chorégraphes comme Alain Buffard, Boris Charmatz, Jérôme Bel, Tino Sehgal, Maria Ribot, pour n'en citer que quelques-uns, évoquent régulièrement l'art performatif pour tremper la danse dans des installations scéniques décalées. Même si le terme commence à être utilisé en dépit du bon sens par nombre d'artistes, il n'empêche que le goût de l'expérience, de l'unique et du risque de la performance nourrit l'imaginaire de la scène chorégraphique.
Jérôme Bel et Le Dernier spectacle
[Format court]
Le journaliste Jean-Marc Adolphe remet dans son contexte historique et esthétique Le Dernier spectacle de Jérôme Bel, créé en 1998. Il en analyse les enjeux et l'originalité pour Philippe Lefait. Quelques images complètent cette courte séquence.
Danse et cirque
Les relations entre la danse et le cirque relancent en permanence la donne artistique. Dans les années 70, l'avènement du nouveau cirque, avec des troupes comme Archaos ou le Cirque Plume, va chercher dans l'art chorégraphique des outils de travail pour relancer la donne du numéro. Besoin de développer un corps plus subtil dans sa virtuosité, de tisser une dramaturgie échappant au cortège d'exploits, les chorégraphes et danseurs ont commencé à collaborer régulièrement avec des artistes de la piste. L'influence depuis le milieu des années 90 du Centre national des arts du cirque de Châlon-en-Champagne dirigé par Bernard Turin entre 1990 et 2002, a également changé la donne. Lorsque Turin demande en 1995 à Josef Nadj de mettre en scène la troisième année du Cnac dans un spectacle censé lancer les élèves sur la voie de la professionnalisation, il ne sait pas encore qu'il va déclencher de nouvelles combinaisons danse et cirque et décrocher le gros lot. Le cri du Caméléon de Nadj tournera pendant des années et permettra aux jeunes artistes y participant de devenir des artistes à part entière.
Le Cri du caméléon, un spectacle emblématique
[Format court]
Le Cri du caméléon, présenté sous l'espace chapiteaux du Parc de la Villette. Des extraits de la répétition du spectacle alternent avec des entretiens de Bernard Turin, Directeur du Centre National des Arts du Cirque (CNAC), de Joseph Nadj, chorégraphe et metteur en piste et d'élèves de la 7ème promotion.
Depuis les années 2000, l'imagerie amoureuse de la piste telle que Philippe Decouflé a pu la mettre en scène dans Triton (1990) ou Shazam (1998) prend un autre ton. De plus en plus de chorégraphes et de circassiens intègrent les techniques des uns et des autres pour outiller leurs désirs spectaculaires. Bel exemple de ces croisements au sommet, le parcours et la recherche du chorégraphe François Verret. En 1998, il accepte de mettre en scène Sur un air de Malbrough pour les jeunes acrobates du Cnac. Il y rencontre le jeune trampoliniste Mathurin Bolze qui va devenir son interprète dans quelques-unes de ses pièces-phares comme Kaspar Konzert (1998). Elle marque le début d'une fructueuse collaboration mais aussi un virage esthétique. En accueillant un circassien sur le plateau, François Verret ouvre encore un peu plus son travail à des artistes de tous bords, venant de la piste en particulier, comme la contorsionniste Angela Laurier, les acrobates Dimitri Jourde et Jean-Baptiste André.
Dans un contexte où la « non danse » a figé les corps et les gestes, « l'extra corps » [1] des artistes de cirque, toujours plus tendu, plus excessif aussi que celui du danseur, donne des envies et des idées aux chorégraphes. Besoin de revenir à l'urgence du mouvement, à l'élan, voire à la prise de risque... Une chorégraphe comme Kitsou Dubois a ainsi trouvé chez les circassiens des partenaires de haut niveau pour tester le travail en apesanteur qu'elle aiguise depuis le début des années 90 dans les caravelles du CNES.
Le corps de l'exploit opère un retour sur le front de scène. Les chorégraphes de la nouvelle génération comme Julie Nioche, François Chaignaud et Cecilia Bengolea s'accrochent en l'air pour des exploits inédits. La danse et le cirque s'inventent une urgence et une langue commune jamais vues.
[1] Revue Stradda n°19