Oreste Sacchelli sur le Festival du film italien de Villerupt
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Directeur artistique du festival du film italien de Villerupt, Oreste Sacchelli évoque ce festival créé en 1976 par un petit groupe de cinéphiles. A l'origine non voué à être renouvelé, ce festival dure encore et permet de projeter chaque année en Lorraine une production cinématographique italienne souvent méconnue en France.
Date de publication du document :
Février 2022
Date de diffusion :
30 oct. 1999
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Contexte historique
ParEnseignante-chercheure en Histoire à l'INSPÉ, Université de Lorraine, Docteure en Etudes cinématographiques et audiovisuelles
Selon le ministère de la Culture et de la communication, un festival est une manifestation où la référence à la fête, aux réjouissances éphémères, événementielles et renouvelées s’inscrivent dans la triple unité de temps, de lieu et d’action
(Mercier et Bouchard, 2004, p. 10). Comme une évidence, le Festival du film italien de Villerupt correspond en tous points à cette définition. Pourtant, l’extrait de l’émission de France 3 L’Hebdomadaire, diffusée le 30 octobre 1999, dans laquelle le présentateur Dominique Langard et le journaliste Michel Bitzer s’entretiennent avec Oreste Sacchelli, directeur artistique du festival, affine cette acception somme toute généraliste.
Cet événement est d’abord le reflet de la production cinématographique italienne. Depuis 1976, il présente un « panorama » annuel de l’activité filmique, qui se densifie passant de 17 films diffusés à l’origine à 53 en 1999. Oreste Sacchelli témoigne du fait que le sens du tragique qui s’accompagne forcément de la dérision
est l’essence même qui enivre la création transalpine. L’apparition d’un thème majeur attractif, depuis les années 1990, attise la curiosité des spectateurs. Celui proposé lors de ce 22e festival, en est une parfaite illustration puisque 22…Les carabiniers ! présente à l’affiche une valeur sûre : une poursuite entre gendarmes et voleurs.
Selon le directeur artistique du festival, chargé, entre autres, de la programmation, le public ne s’y trompe pas et respire à l’envie ce parfum enivrant. L’explication d’un tel succès se trouve sans doute dans le fait que cet événement se soit construit au fil du temps en parallèle de l’histoire du cinéma italien. Lorsque les grands cinéastes de l’âge d’or ont éteint les projecteurs, que les créations cinématographiques ont été moins convaincantes dans les années 1980 et que leur diffusion s’est raréfiée sur le territoire français, Villerupt a poursuivi l’enchantement grâce aux rencontres incroyables proposées entre les œuvres, leurs créateurs et les spectateurs. Les deux années noires que représentent 1984 et 1985, durant lesquelles le festival s’est éclipsé, n’y ont rien changé. La crise du cinéma italien et celle des activités industrielles de la Lorraine ont entraîné le départ de nombreux bénévoles. La reprise en 1986 s’est faite grâce à l’énergie et la volonté de certains organisateurs et bénévoles. Le public s’est adapté aux nouveautés de la production culturelle italienne : Actuellement, lorsqu’on présente des films avec les comédiens actuels […], les gens retrouvent quelque chose qu’ils connaissent parce que nous avons continué à leur montrer durant ces 25 dernières années pratiquement. Voilà pourquoi, je crois, ce cinéma est compréhensible par les gens qui viennent, parce qu’ils en ont conservé les clés de lecture
, explique Oreste Sacchelli. Il faut dire, que le festival garde la trace mémorielle de cette histoire filmique transalpine avec chaque année une rétrospective destinée à redécouvrir sur grand écran certaines œuvres passées.
Bien sûr, la notoriété s’est amplifiée et le regard que portent les Italiens sur cette manifestation culturelle et artistique française aux couleurs vertes, blanches et rouges s’est également intensifié. La compétition qui anime les éditions festivalières depuis 1987, avec la remise de ses prix, dont « l’Amilcar », contribue à cette renommée. Les instants « cartes blanches » et les « portraits », présentés comme un zoom sur la création, glorifient les artistes. Alors, évidemment, l’Italie, par le biais de prêts de copies et l’accueil à l’Anica (Association nationale des industries cinématographiques audiovisuelles), a ouvert progressivement ses bras à ces Français qui viennent chaque année sélectionner des images pour enchanter et divertir cette « petite Italie » Lorraine.
L’âme de ce festival c’est avant tout une histoire de passionnés, de plaisirs cinématographiques partagés. Oreste Sacchelli, d’abord spectateur lors des premières années de cette manifestation, alors professeur d’italien dans le secondaire, puis Maître de conférences à l’Université Nancy II, s’est investi au sein de cet événement extraordinaire pour cette raison-là. Il y a rencontré d’autres amoureux du cinéma dont la fascination a exalté le sens créatif. Ainsi est né L’anniversaire de Thomas, au début des années 1980, une immigration « au miroir des écrans » (Fabrique de l’Histoire, 24 novembre 2015). Effectivement, dans le reportage, l’invité dit combien le rythme adopté par Maryse Turci, Jean-Paul Manichetti Bernard Reiss et Daniel Aquili, celui des quatre saisons, est inspiré de 1900 de Bernardo Bertolucci (1974) et d’Amarcord de Federico Fellini (1973). Si la Maison des jeunes et de la culture, à la tête de l’organisation est remplacée l’année précédant ce reportage par le Pôle de l’image de Villerupt, c’est pour en professionnaliser la structure tout en en conservant l’esprit.
Hors norme, le festival du film italien de Villerupt c’est surtout une histoire d’amour entre une terre d’accueil, un cinéma et son public transfrontalier qu’il s’est agi d’accompagner vers une Italie plus contemporaine, de plus en plus éloignée des souvenirs de ses émigrés. Aujourd’hui, si cette particularité est encore fortement ancrée, la volonté du festival est surtout de contribuer à diffuser une culture cinéphile auprès de spectateurs dont les origines ne sont pas transalpines. Pari réussi puisque le Festival, grâce à sa popularité, à ses actions décentralisées, intègre le projet Esch 2022, qui fait d’Esch-sur-Alzette la capitale européenne de la culture.
Bibliographie
- Sophie Mercier et Diane Bouchard, Tourisme culturel et festivals : Opportunités et limites d'un tel partenariat, HEC (mémoire de recherche), 2004.
- Pascale Braun, « Oreste Sacchelli, président du Pôle de l’image de Villerupt », Correspondances, 25 juin 2019, [en ligne], http://correspondances.fr/oreste-sacchelli-president-du-pole-de-limage-de-villerupt/, page consultée le 24 juillet 2021.
- Festival du film italien de Villerupt, Le festival au fil du temps : 1999, [en ligne], https://festival-villerupt.com/retro-1999/, page consultée le 24 juillet 2021.
- Antoine Compagnone, Philippe Maillet, Jean-Paul Menichetti et Oreste Sacchelli, « Le cinéma italien 1/3 : Une émigration au miroir des écrans - Le festival du cinéma italien de Villerupt », La Fabrique de l’Histoire, France Culture, émission du 24 novembre 2015, 53 mn.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Dominique Langard
Aujourd’hui, pour vous interroger avec moi, Michel Bitzer, qui est grand reporter au Républicain Lorrain, un journaliste qui a suivi régulièrement et qui suit régulièrement ce festival.Bonjour Michel.
Michel Bitzer
Bonjour.
Dominique Langard
Donc, vous avez une première question à poser ?
Michel Bitzer
Oui, alors justement, au reste, vous avez dit une phrase assez importante, les gens vont se retrouver.Alors, j’aimerais bien savoir, comment, vous, vous vous retrouvez dans ce cinéma italien et comment la population de Villerupt se retrouve chaque année, dans cet évènement assez extraordinaire ?
Oreste Sacchelli
Oui, je crois déjà qu’on voit ici beaucoup plus de cinéma italien qu’on n’en voit partout ailleurs en France, quelques endroits exceptés qui s’appellent Annecy, Bastia, où il y a d’autres festivals du cinéma italien.En effet, je crois que, en France, le contact avec le cinéma italien était un peu perdu, parce que pendant les années 80, le cinéma italien n’était pas très bon et que, donc, on a peu importé de films italiens à cette époque.Les grands acteurs du passé ont vieilli, certains sont décédés, certains auteurs aussi.Et donc, ce renouvellement n’a pas été suivi en France en particulier.A Villerupt, si.Et donc, disons que, actuellement, lorsqu’on présente des films avec les comédiens actuels, des auteurs, des comédiens, des acteurs actuels, les gens retrouvent quelque chose qu’ils connaissent, parce que nous avons continué à leur montrer durant ces 25 dernières années pratiquement.Voilà pourquoi, je crois, ce cinéma est compréhensible par les gens qui viennent parce que, ils ont conservé les clés de lecture, alors que peut-être, en France, elles se sont un petit peu perdues.
Dominique Langard
Alors, on l’a vu tout à l’heure dans votre portrait, vous avez découvert le cinéma à l’âge de 5 ans.Vous n’avez pas vu que des films italiens, mais de ce dont vous vous souvenez, qu’est-ce que le cinéma italien a de plus que le reste, que l’autre cinéma, qu’un cinéma américain ou le cinéma traditionnel habituel ?
Oreste Sacchelli
De plus ?
Dominique Langard
Est-ce qu’il a quelque chose de plus ?
Oreste Sacchelli
Il a quelque chose de différent, c’est évident.Une façon peut-être très latine, très méditerranéenne, d’aborder les problèmes et je dirais à la limite, bon allez, utilisons un grand mot, le sens du tragique.Le sens du tragique, qui s’accompagne forcément de la dérision.Euh, je crois qu’il y a dans tous les films italiens, même lorsqu’ils sont extrêmement dramatiques, toujours cette pointe de dérision vis-à-vis du problème.Chose que l’on ne trouve pas dans la façon de raconter peut-être américaine.Sauf quand ce sont nos cousins d’Amérique qui s’en mêlent, évidemment.
Michel Bitzer
Alors, on évoque à l’instant, le festival, la façon dont il est organisé, puis perçu à Villerupt, mais comment vous, vous êtes perçu de l’autre côté des Alpes, quel regard les institutions italiennes portent sur votre manifestation et quels sont les signes d’encouragement qu’on a pu vous montrer depuis quelques années ?
Oreste Sacchelli
Alors, il est bien évident qu’au départ, on était des petits jeunes sympas, bon, je parle d’il y a 20 ans hein, évidemment.Et lorsqu’on allait demander des films, bon, on était reçu comme des petits jeunes sympas, à qui on faisait un petit cadeau ou on nous donnait un susucre, quoi, hein.Progressivement, je crois que nous sommes arrivés à faire comprendre que nous essayions de faire un travail sérieux.C’est-à-dire de ne pas simplement faire de la juxtaposition de films, mais bien d’essayer de donner un sens à la programmation que nous faisions année après année et comment nous essayions aussi de dynamiser finalement une connaissance de l’Italie présente dans ce coin de Lorraine.Et depuis quelques années, c’est vrai, nous sommes officiellement reconnus par les instances du cinéma italien, c’est-à-dire que nous faisons partie des festivals que l’Italie subventionne en prêtant les copies et en mettant à disposition les films, en nous accueillant en Italie, à Rome, en particulier à [inaudible], pour voir, disons, les films que nous souhaitons voir pour opérer notre sélection, et aussi par l’incitation qu’un certain nombre de cinéastes font pour envoyer les collègues ici, à Villerupt.Je crois que s’est constitué, au fil des ans, un petit lobby pro-villeruptien, disons, dans le milieu du cinéma romain.Ceux qui sont venus disent à leurs amis :il faut y aller, leurs amis viennent à leur tour et ainsi de suite.
Dominique Langard
Mais, qu’est-ce qui a justifié la création de ce festival, c’était un mode de communication, c’était développer le cinéma, c’était parler aux gens de leur pays ?
Oreste Sacchelli
Oh, je crois que non.Enfin, personnellement, j’étais spectateur au premier festival.C’était d’ailleurs plus simple, plus jouissif aussi d’une certaine façon, puisque ça permettait de voir tous les films.Actuellement, pendant le festival, je vois un ou deux films peut-être vers la fin.Je crois qu’au départ, lorsque je me suis trouvé ici à Villerupt, c’est-à-dire la première fois que j’y venais, c’était au moment de la première édition du festival, c’était essentiellement un plaisir cinématographique.D’ailleurs, quand on retrouve l’affiche du premier festival, il n’est pas question du premier, il est question du festival des films italiens.C’est-à-dire qu’il n’était pas prévu, pour les amis qui l’ont organisé, d’en faire un deuxième, hein, d’après ce qu’ils m’ont raconté.Je crois que c’était simplement profiter d’un week-end pour faire du cinéma et avoir du plaisir cinématographique, c’est tout.
Michel Bitzer
C’était des amoureux du cinéma en général et du cinéma italien en particulier qui voulaient consommer de la pellicule, dans le bon sens du terme.Mais, c’était aussi des amoureux du cinéma qui voulaient en faire.Puisque la plus belle histoire de ce festival, c’est quand même L’Anniversaire de Thomas.
Oreste Sacchelli
L’Anniversaire de Thomas, oui, bien sûr.
Michel Bitzer
Le festival a servi de moyens pour parvenir à des fins cinématographiques, en tant que production-réalisation.
Oreste Sacchelli
Oui, parce que je crois que c’est aussi en voyant beaucoup de cinéma qu’on apprend à le connaître et qu’on peut éventuellement ensuite vouloir en faire.Bon, personnellement, j’ai strictement pas cette envie.Mais, je crois que L'Anniversaire de Thomas, si on analyse bien et si on le regarde bien, c’est aussi un film qui dans ses rythmes, dans…est profondément italien, profondément marqué par la culture des personnes qui l'ont réalisé.
Dominique Langard
Vous nous en parlez rapidement, pour les téléspectateurs qui ne connaissaient pas L’Anniversaire de Thomas ?
Oreste Sacchelli
Et bien, L’Anniversaire de Thomas, on espère d’ailleurs pouvoir bientôt le mettre sur cassette et le proposer à la vente, est donc un film que nous avons tourné ici, par l’équipe disons du studio 16 qui était dans la MJC de Villerupt, qui organisait en même temps le festival.C’était, c’était tout un chacun.Et ce film raconte les 100 ans d’immigration italienne à Villerupt, depuis le début de la sidérurgie jusqu’à la fin.Et alors, ce qui est le rythme dont je parlais, bon, c’est sur le rythme des quatre saisons, un peu comme dans 1900 de Bertolucci, dans Amarcord , qui sont des films qui le précèdent de quelques années.
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