Visite d'une délégation tchèque à Villerupt

Les jumelages sont l’expression du fédéralisme européen et plongent leurs racines dans l’entre-deux-guerres. Ils prennent leur essor dans les années 1950, portés par l’espoir d’une Europe solidaire et pacifique, à la croisée de l’internationalisme ouvrier et de l’universalisme catholique. William Richier, enseignant spécialiste de la guerre froide et des politiques culturelles, définit ainsi les principes internationaux qui ont porté la naissance des jumelages entre villes-sœurs sur les fonts baptismaux. Avec la guerre froide et la division politique du monde entre deux blocs est-ouest, la pratique du jumelage va perdre de ses vertus apolitiques pour s’imprégner des enjeux politiques internationaux. Le jumelage de Villerupt avec la ville tchèque de Pribram en 1966 n’échappe pas à cette évolution. Cette pratique qui prend son essor dans les années 50 franchit le rideau de fer. Les villes-sœurs s’apparient en fonction d’intérêts culturels communs. Les sociétés d’amitiés sous influence communistes sont souvent à la manœuvre. C’est le cas dans les municipalités du Pays Haut gérées par le PCF. Armand Sacconi l’emblématique maire de Villerupt accueille ce 16 novembre 1966 une délégation de Pribram pour entériner le jumelage entre les deux villes. Elles ont des points communs. Elles sont toutes deux des villes industrielles et minières. La dimension politique est bien entendu primordiale. 

La neutralité qui prévalait à l’origine de l’idée des jumelages n’est plus à l’ordre du jour. Ce changement n’est pas sans conséquences. Les maires s’emparent de la diplomatie internationale qui passe habituellement par les ambassades.

Antoine Vion, enseignant-chercheur à l’université de Nantes, fait ce constat : Les mobilisations politiques de la guerre froide ne sont donc pas restées centrées sur la scène politique parisienne. Le travail municipal a non seulement fait une place aux débats de politique internationale, mais a aussi développé de nouvelles formes de relations sociales et politiques jusqu’alors très exceptionnelles.

Dans les années 50-60 et 70 les jumelages ne se contentent pas de simples relations amicales et culturelles. Ils portent des enjeux politiques importants qui passent par les municipalités. Le chercheur William Richier précise que : le clivage Est-Ouest sépare une Fédération mondiale des villes jumelées soviétophiles d’autres organisations très anticommunistes. Le phénomène des jumelages illustre pleinement ce que fut « la Guerre froide vue d’en bas », puisqu’il fait passer les relations internationales des ambassades aux mairies et aux associations municipales. On peut évoquer une véritable paradiplomatie de certains édiles.

La diplomatie soviétique via les pays satellites y trouve aussi son intérêt. Elle peut étendre son réseau d’influence à l’Ouest par le canal des sociétés d’amitiés et leur forme aboutie : le jumelage.

Outre Pribram, Villerupt est également jumelée avec Aulla en Italie et Riesa en Allemagne.

• William Richier, «Les jumelages entre Guerre froide et enjeux locaux». Sous la direction de Philippe Buton, Olivier Büttner, Michel Hastings. La Guerre froide vue d’en bas, CNRS Editions, 2014, p. 131-149 [en ligne] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01260097/document, page consultée le 29 septembre 2021.
• Antoine Vion, « L'invention de la tradition des jumelages (1951-1956) : mobilisations pour un droit » , Revue française de science politique 2003/4 (Vol. 53), p. 559 - 582 [en ligne], https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2003-4-page-559.htm , page consultée le 29 septembre 2021.