António Lobo Antunes

16 mars 2000
02m 27s
Réf. 00278

Notice

Résumé :

Rencontre avec l'écrivain portugais António Lobo Antunes à Lisbonne. Il évoque sa participation à la guerre contre l'Angola et raconte comment la lecture de Victor Hugo l'a aidé à traverser ces moments terribles.

Type de média :
Date de diffusion :
16 mars 2000
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )
Thèmes :

Éclairage

António Lobo Antunes (1942) compte, avec José Saramago, parmi les écrivains portugais les plus traduits et les plus lus dans le monde. Issu d'une famille de la bourgeoisie lisboète, fils de neurologue, il suit des études de médecine et effectue, entre 1971 et 1973, son service en Angola, en tant que médecin militaire, au plus fort de la guerre d'indépendance. La terrible expérience de ce conflit colonial, durant lequel meurent plus de 3000 soldats portugais, inspire ses premiers romans : Mémoire d'éléphant (1979), Le Cul de Judas (1979) et Connaissance de l'Enfer (1981).

Portant un regard sans concession sur l'histoire de son pays, de la dictature salazariste à la démocratie, et sur la société portugaise, notamment la bourgeoisie dont il est issu, son oeuvre traque et dénonce l'absurdité de guerre comme la mesquinerie des temps de paix.

Auteur d'une douzaine de romans, il a abandonné en 1985 la psychiatrie pour se consacrer à son ?uvre, laquelle lui a valu en 2007 le prix Camoens.

Aurélia Caton

Transcription

Claude Sérillon
Parmi les auteurs portugais présents à ce Salon du livre, il y a le prix Nobel 98, José Saramago mais aussi Antonio Lobo Antunes, sans doute l'un des meilleurs écrivains contemporains. Pour France2, Geneviève Moll et Philippe Jasselin l'ont rencontré à Lisbonne. Antonio Lobo Antunes évoque avec eux une des sources de son inspiration littéraire : la guerre, la dernière guerre coloniale menée par un pays européen, le Portugal. C'était en Angola et au Mozambique.
Geneviève Moll
Cette bouche sur la mer, le Tage, constitue pour les habitants de Lisbonne l'ouverture sur le monde. De là sont partis les navigateurs qui ont conquis la planète. Mais c'est d'ici aussi que se sont embarqués les jeunes gens pour la dernière guerre coloniale, celle d'Angola et du Mozambique. Cette guerre, Antonio Lobo Antunes l'a faite alors qu'il avait 27 ans. Médecin, sauveur des corps, il y a perdu une partie de son âme. Son premier roman, Le Cul de Judas, est imprégné du désespoir de tous ceux qui ont découvert la barbarie en eux, la pourriture humaine.
(Bruits).
Antonio Lobo Antunes
Toute guerre est une erreur formidable, et j'ai aucune envie de la revivre. C'est très curieux car depuis que je suis revenu, je ne veux même pas avoir un pistolet dans la main. Même pas. Car j'ai vu et j'ai participé à des choses atroces. Et je veux même pas... Même pas.
(Bruits).
Geneviève Moll
Dans ces moments terribles, il n'a survécu que grâce à un recueil de poèmes de Victor Hugo, La Légende des siècles, donné par son capitaine.
(Bruits).
Antonio Lobo Antunes
Vous ne savez pas, vous ne pouvez pas comprendre combien Victor Hugo nous a aidés. C'est fantastique. Et vous voyez la sensibilité, la générosité et la culture d'un homme, et pourtant, on était capables des pires atrocités. Et c'est une chose que je tente de dire dans les livres qu'il y a des gens forcément bons et généreux. La coexistence, en nous-mêmes, de sentiments contradictoires.
(Musique)
Geneviève Moll
L'oeuvre d'Antonio Lobo Antunes se déploie ensuite, marquée par l'emportement de l'histoire. Il s'essaie à toutes les voix humaines, y compris, dans L'Exhortation aux crocodiles, aux voix de femmes qui devinent les complots de leur mari préparant la révolution des Oeillets. L'écriture devient torrent, emporte les lecteurs au coeur d'une pensée jaillissante qui renomme le monde.