De nos envoyés spéciaux : le Congo en octobre 1960
Notice
Cinq colonnes à la une revient au Congo-Léopoldville en octobre 1960 pour rencontrer les acteurs de la crise congolaise, après les destitutions respectives du Premier ministre Lumumba et du président Kasavubu, puis le putsch du colonel Mobutu qui a nommé un collège de commissaires en remplacement du gouvernement.
Éclairage
Le Congo accède à l'indépendance le 30 juin 1960 mais entre en crise dès le 5 juillet. La mutinerie de la force publique contre l'encadrement belge opposé à une africanisation des militaires provoque des troubles et l'exode de la communauté européenne. Bruxelles décide unilatéralement d'envoyer des troupes et soutient Moïse Tshombe et Albert Kalonji, leaders des provinces les plus riches du Katanga et du Sud-Kasaï, dans leur décision de faire sécession. Le gouvernement congolais se trouve aux commandes d'un État désorganisé dès sa formation et soumis à de fortes forces centrifuges entretenues par certains pays occidentaux et sociétés belges. Les autorités de Léopoldville font appel à l'Organisation des Nations-Unies (ONU) pour obtenir le départ des troupes belges et le retour à l'unité nationale. Le conseil de sécurité invite Bruxelles à retirer ses troupes et des casques bleus sont envoyés. Mais leur mission est d'assurer le retour à l'ordre intérieur et non la restauration de l'intégrité territoriale. Le gouvernement congolais décide alors d'envoyer sa nouvelle armée reconquérir le Katanga et le Kasaï et de faire jouer la menace d'une aide soviétique. L'armée nationale congolaise (ANC) avance dans le Sud-Kasaï fin août, au prix du massacre de nombreux civils Baluba, puis s'embourbe au Katanga. Surtout, le colonel Mobutu, proche de Lumumba qui a été nommé chef d'État-major de l'ANC en juillet, décide seul de mettre fin aux combats. Le président Kasavubu démet Lumumba de ses fonctions le 5 septembre et le remplace par Joseph Ileo, un politique jugé modéré. Lumumba dénonce cette initiative en destituant à son tour le président. Les deux chambres s'opposent à ces destitutions le 13 septembre, mais le colonel Mobutu réalise un putsch le lendemain. Il annonce qu'il neutralise les gouvernements et les parlementaires jusqu'au 31 décembre 1960 en les invitant à trouver un accord. Le gouvernement congolais est alors remplacé par un collège de commissaires généraux.
C'est dans ce contexte que Roger Louis revient à Léopoldville où il retrouve la même campagne de propagande menée contre Lumumba, accusé d'être prosoviétique et colonialiste, à travers les propos du militant Abako interviewé. Le reporter rencontre les différentes autorités de Léopoldville pour essayer de comprendre la situation politique. Au premier rang, le colonel Mobutu qui a réalisé le putsch militaire du 14 septembre. Mobutu justifie son action par la volonté d'arrêter les massacres qui ont accompagné la reconquête territoriale de l'ANC et de mettre fin à l'opposition à la tête de l'État entre le président et le premier ministre. Se présentant comme le « seul élément modérateur », il se place au-dessus des mêlées politiques en les écartant pour qu'ils parviennent à un accord. Poussé par les États-Unis, c'est pourtant bien un coup d'État qu'il vient de réaliser en maintenant un président fantoche et en organisant l'expulsion de Lumumba qui se trouve placé en résidence surveillée. Les trois autres politiques rencontrés refusent unanimement tout accord et retour de Lumumba. Le président Kasavubu et Joseph Ileo dénoncent sa démagogie tandis que le dirigeant du Sud-Kasaï l'accuse du massacre des Baluba et s'oppose à sa vision d'un État unitaire. Lumumba apparaît isolé politiquement après le retournement de son chef d'État-major. Roger Louis réalise enfin l'interview de deux commissaires généraux du collège institué par Mobutu, dont l'ancien étudiant en psychologie Mario Cardoso qui a participé au nom du Mouvement National Congolais à la table ronde à Bruxelles en janvier 1960 et se trouve en charge de l'éducation nationale. Mario Cardoso et son collègue soulignent la fonction attribuée à ce gouvernement provisoire d'universitaires de remettre en route l'État qui se trouve confronté à de grandes difficultés politiques et économiques.