Union de la Guinée et du Ghana
Notice
En décembre 1958, les dirigeants de la Guinée et du Ghana, deux des premiers états indépendants d'Afrique de l'Ouest, entérinent leur union et cherchent à l'étendre à l'échelle régionale en organisant une Conférence des peuples africains à Accra.
Éclairage
Le Ghana et la Guinée ont en commun d'avoir connu une décolonisation précoce et pacifique. Le Ghana est le premier pays décolonisé en Afrique Noire. Les Britanniques lui ont accordé l'indépendance le 6 mars 1957, au terme d'un processus graduel de délégation d'autonomie politique.
Kwame Nkrumah, principal artisan de l'indépendance en tant que Premier Ministre du Gold Coast affiche d'emblée sa volonté d'émancipation en choisissant de rebaptiser son pays en hommage à un ancien royaume africain. Le Ghana devient ainsi un modèle de décolonisation pacifique. La Guinée obtient également son indépendance précocement en regard des autres colonies françaises d'AOF (Afrique Occidentale Française) : elle est la seule à refuser par référendum d'entrer dans la Communauté française. Le 2 octobre 1958, l'indépendance du pays est proclamée par son président Sékou Touré. Le pays se heurte alors au retrait des financements français et doit trouver de nouveaux partenaires économiques et industriels.
Le Ghana et la Guinée, premiers pays indépendants de l'Afrique de l'Ouest, tentent donc de s'unir dès novembre 1958 pour créer un bastion économiquement et politiquement viable, en dehors de l'influence européenne. Cette union théorique, étendue plus tard au Mali, va dans le même sens que la Conférence du rassemblement des peuples africains tenue à Accra en décembre 1958. L'enjeu de la conférence tient à la définition d'objectifs communs aux 350 délégations présentes (majoritairement issues de l'Afrique noire) dans une sorte de Bandung africain, autour du rejet du colonialisme, de la dénonciation de l'apartheid...
Cependant l'absence des Etats de la Communauté française et les divisions internes empêchent de conclure un accord commun. Il faut attendre 1963 et une dizaine d'autres conférences pour que naisse l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Celle-ci montre d'ailleurs vite son impuissance lors de conflits régionaux : comme au Biafra, quatre ans plus tard. Par la suite, la Guinée et le Ghana restent isolés internationalement en poursuivant une politique radicale : accueil de révolutionnaires exilés venus d'autres pays africains ; bases d'appui de l'idéologie soviétique. Dans les deux pays, la ligne politique intérieure suit la même pente radicale : parti unique, répression sanglante, personnalisation du pouvoir orchestrée par Kwame Nkrumah (destitué en 1966) et Sékou Touré jusqu'à sa mort en 1984.
Dans cet extrait des Actualités Françaises de décembre 1958, le journaliste revient sous forme de brève sur une des images importantes de la semaine : l'arrivée de Sékou Touré à Accra. Son commentaire, ainsi qu'un fond musical contribuant à appuyer le caractère protocolaire de l'événement, ont été superposés au montage sur des images tournées la semaine précédente au Ghana. La descente d'avion du président guinéen, l'accolade chaleureuse avec Kwame Nkrumah (Premier Ministre ghanéen), l'accueil enthousiaste de la population et la rencontre avec les officiels illustrent d'une manière très traditionnelle un déplacement officiel de chef d'état à l'étranger.
Le plan resserré sur la foule brandissant des pancartes permet de lire certains slogans évocateurs : "Liberté pour l'Afrique", "Union africaine". Même si l'on peut s'interroger sur l'orchestration de la manifestation par le pouvoir, elle reflète bien l'état d'esprit dans lequel s'effectue la rencontre : la volonté affichée pour les dirigeants des deux pays de s'émanciper de l'influence européenne grâce à leur rapprochement et de créer les bases d'une coopération entre les pays de l'Ouest africain (que le commentateur nomme "les Etats-Unis de l'Ouest africain").