Un bilan de la décolonisation de l'Afrique française en 1962
Notice
Long sujet didactique sur la colonisation, ses conséquences, la décolonisation, ses personnages. Sujet non diffusé.
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- Relations internationales > Conférences et rencontres au sommet
- Relations internationales > Idéologie > Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
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- Relations internationales > Organisation internationale > ONU
- Relations internationales > Organisation internationale > SDN
- Vie politique > Empire colonial français > Conférence de Brazzaville
- Vie politique > Empire colonial français > Union Française (1946-1958)
Éclairage
Film didactique produit par l'ORTF en juillet 1962, ce document est éclairant à plus d'un titre sur la vision que les autorités françaises proposent aux Français au moment même où la guerre d'Algérie vient tout juste de prendre fin. En inscrivant la colonisation et la décolonisation dans un processus universel et inéluctable - que souligne le choix d'images de provenance très diverse : empire français, britannique, portugais, etc -, le commentaire tire un bilan volontairement dépassionné et distancié qui correspond assez bien à la perception que peut avoir, dans sa grande majorité, l'opinion publique de l'époque. Les sondages ont montré en effet, dès le début des années 1950, une désaffection des Français vis-à-vis des questions coloniales qui ont pourtant occupé le devant de la scène depuis le début de la guerre d'Indochine. Les milieux patronaux notamment, comme l'a démontré l'historien Jacques Marseille, se sont dégagés de l'empire, qui apparaît à beaucoup comme un marché en perte de vitesse et incomparablement moins porteur que le marché européen en construction.
Le bilan de la décolonisation proposé par la télévision publique est donc lisse, sans grandes aspérités, et fait des anciens colonisateurs des acteurs majeurs d'un processus présenté comme rationnel et bénéfique. L'héritage économique est particulièrement mis en avant - sur la thématique classique des grandes réalisations coloniales (infrastructures, prouesses techniques) , en occultant le choix économique qui a longtemps prévalu dans bon nombre de territoires colonisés, et notamment dans l'empire français : celui d'une sous-industrialisation conçue pour ne pas faire d'ombre aux entreprises de la métropole, selon les termes du « Pacte colonial ».
Le bilan s'inscrit aussi dans la filiation très classique de l'évolutionnisme : les sociétés colonisées l'ont été en raison de leur faible degré de civilisation, d' « évolution » dans la hiérarchie explicite des civilisations et ont été soumises à la « race blanche » (cette expression est prononcée) au cours d'un processus historique qui s'avère, au bout du compte, émancipateur et modernisateur. Tout se passe comme au fond si les colonisés n'avaient pas été eux-mêmes acteurs des transformations conduisant aux indépendances.
Et la profusion d'images de leaders politiques (Haïlé Sélassié, Bourguiba, Mohammed V, Houphouët Boigny, Norodom Sihanouk, Nehru, Nasser, etc.) entre en collision avec un commentaire qui donne à penser les décolonisations comme un phénomène conduit et géré essentiellement par les métropoles. Le mot de « décolonisation » lui-même, apparu en 1845 mais guère usité avant les années 1960, contribue à renforcer cette impression d'un pilotage par le haut depuis Londres, Paris ou Bruxelles.