Un bilan de la décolonisation de l'Afrique française en 1962

04 juillet 1962
22m 43s
Réf. 00119

Éclairage

Film didactique produit par l'ORTF en juillet 1962, ce document est éclairant à plus d'un titre sur la vision que les autorités françaises proposent aux Français au moment même où la guerre d'Algérie vient tout juste de prendre fin. En inscrivant la colonisation et la décolonisation dans un processus universel et inéluctable - que souligne le choix d'images de provenance très diverse : empire français, britannique, portugais, etc -, le commentaire tire un bilan volontairement dépassionné et distancié qui correspond assez bien à la perception que peut avoir, dans sa grande majorité, l'opinion publique de l'époque. Les sondages ont montré en effet, dès le début des années 1950, une désaffection des Français vis-à-vis des questions coloniales qui ont pourtant occupé le devant de la scène depuis le début de la guerre d'Indochine. Les milieux patronaux notamment, comme l'a démontré l'historien Jacques Marseille, se sont dégagés de l'empire, qui apparaît à beaucoup comme un marché en perte de vitesse et incomparablement moins porteur que le marché européen en construction.

Le bilan de la décolonisation proposé par la télévision publique est donc lisse, sans grandes aspérités, et fait des anciens colonisateurs des acteurs majeurs d'un processus présenté comme rationnel et bénéfique. L'héritage économique est particulièrement mis en avant - sur la thématique classique des grandes réalisations coloniales (infrastructures, prouesses techniques) , en occultant le choix économique qui a longtemps prévalu dans bon nombre de territoires colonisés, et notamment dans l'empire français : celui d'une sous-industrialisation conçue pour ne pas faire d'ombre aux entreprises de la métropole, selon les termes du « Pacte colonial ».

Le bilan s'inscrit aussi dans la filiation très classique de l'évolutionnisme : les sociétés colonisées l'ont été en raison de leur faible degré de civilisation, d' « évolution » dans la hiérarchie explicite des civilisations et ont été soumises à la « race blanche » (cette expression est prononcée) au cours d'un processus historique qui s'avère, au bout du compte, émancipateur et modernisateur. Tout se passe comme au fond si les colonisés n'avaient pas été eux-mêmes acteurs des transformations conduisant aux indépendances.

Et la profusion d'images de leaders politiques (Haïlé Sélassié, Bourguiba, Mohammed V, Houphouët Boigny, Norodom Sihanouk, Nehru, Nasser, etc.) entre en collision avec un commentaire qui donne à penser les décolonisations comme un phénomène conduit et géré essentiellement par les métropoles. Le mot de « décolonisation » lui-même, apparu en 1845 mais guère usité avant les années 1960, contribue à renforcer cette impression d'un pilotage par le haut depuis Londres, Paris ou Bruxelles.

Sophie Dulucq

Transcription

(Silence)
Présentateur
Un phénomène net, indiscutable, universel est apparu entre les deux Guerres. C’est la décolonisation.
(Silence)
Présentateur
Décoloniser, c’est le fait de reconnaître l’émancipation d’un peuple. On assiste ainsi à la naissance de nouvelles nations. La décolonisation, mot que vous ne trouverez dans aucun dictionnaire, caractérise le XXe siècle.
(Silence)
Présentateur
Mais quelles furent les nations colonisatrices dans le monde ? A la veille de la Deuxième Guerre mondiale, en Europe, huit nations possédaient un empire colonial. Il s’agissait de la France,
(Silence)
Présentateur
La Grande-Bretagne,
(Silence)
Présentateur
L’Italie,
(Silence)
Présentateur
L’Espagne,
(Silence)
Présentateur
Les Pays-Bas,
(Silence)
Présentateur
La Belgique,
(Silence)
Présentateur
Le Portugal,
(Silence)
Présentateur
Et également le Danemark. En dehors de l’Europe, deux grands pays possédaient également des colonies. Il s’agissait des États-Unis d’Amérique du Nord et du Japon. Avant 1914, l’Allemagne possédait un empire colonial. De même que la Russie. Mais vous savez que celui de l’Allemagne fut partagé entre les Alliés. Et puis la Russie, du fait de sa mutation politique, a transformé ses colonies en républiques membres de l’URSS. En fait, l’expansion politique d’un peuple sur un même continent, comme, par exemple, les Américains vers l’ouest ou les Australiens vers le centre, ou les Sud-Africains vers le nord, n’est pas considérée comme une entreprise coloniale. Pour qu’il y ait colonisation, il faut, en plus de l’idée de mise en valeur d’un pays, il faut qu’il y ait une entreprise, une action outre-mer. Ainsi n’a-t-on jamais parlé, par exemple, d’entreprise coloniale pour les conquêtes mongoles, turques ou chinoises. En résumé, l’usage réserve le terme de colonisation aux entreprises des nations occidentales ou tout au moins sur le plan économique de type occidental. Et la colonisation signifie, pour le peuple colonisé, que son sort est entièrement lié à la nation colonisatrice sur le plan politique comme sur le plan économique. On voit, ici, le grand Durbar de 1911 au cours duquel Georges V fut couronné empereur des Indes. Le roi d’Angleterre apparaît sur le trône du Grand Mogol. Et c’est à ce moment qu’on peut, peut-être, placer le point culminant de l’ère coloniale.
(Silence)
Présentateur
Dans la plupart des pays colonisés, les colons sont venus découvrir des richesses ou les mettre en valeur. Ces ressources ont toujours été exploitées, pour l’essentiel, par la main-d’œuvre indigène au profit du pays colonisateur et dans le cadre de son économie propre. Effort considérable qui a abouti à transformer complètement les pays colonisés. Si certains d’entre eux sont encore sous-développés par rapport aux pays colonisateurs, du moins, leurs dirigeants disposent-ils des instruments qui permettront le développement économique futur, grands travaux, moyens de communication, infrastructures industrielles. L’héritage colonial, sur le plan économique, est assurément positif.
(Silence)
Présentateur
Ainsi, les sociétés locales, qu’elles fussent primitives ou évoluées, se sont rapidement transformées du fait de cette mainmise économique et politique des nations colonisatrices occidentales. La conséquence de cette pénétration des pays d’outre-mer fut double. Tandis que la plupart des anciens dirigeants indigènes regrettaient le temps de l’indépendance, les nouvelles élites, occidentalisées, plus ou moins exclues de la gestion des affaires, jalousaient les maîtres du jour et rêvaient de les supplanter après une association de plus en plus étroite au pouvoir.
(Silence)
Présentateur
Un sentiment nouveau, formé d’un mélange de xénophobie et de frustration, apparaît dans le monde colonial. Il est né avec un siècle de retard par rapport à l’Europe. C’est le nationalisme. D’autres facteurs de propagation de nationalisme indigène sont intervenus, également importés d’Europe. Ce sont les principes du christianisme, de la Révolution française et du libéralisme anglo-saxon. La dénonciation marxiste de l’impérialisme est venue, plus récemment, fournir un nouvel argument aux propagandistes nationalistes.
(Silence)
Présentateur
Les guerres européennes ont profondément contribué à affaiblir les empires coloniaux. Les grandes nations colonisatrices ne semblèrent que fort peu affectées par la Première Guerre, alors qu’en fait, et très profondément, leur puissance propre se trouvait affaiblie par suite du contrôle de l’économie mondiale par les Etats-Unis et de l’anticolonialisme absolu qu’affichait le nouvel Etat russe.
(Silence)
Présentateur
La création de la SDN, où tous les Etats du monde entrent sur un pied d’égalité, quel que soit leur niveau de civilisation, rend les expéditions coloniales plus difficiles et compromet la reconnaissance internationale de leur résultat. On souhaitait organiser une sorte de parlement mondial, mais l’assemblée de Genève ne fut guère efficace. Du moins, contribua-t-elle à répandre l’idée qu’il existait une instance supérieure à laquelle les peuples colonisés pouvaient recourir au nom des grandes idées de liberté et d’égalité.
(Silence)
Présentateur
La Seconde Guerre mondiale entraîna la disparition des empires coloniaux d’une manière beaucoup plus immédiate et spectaculaire. La raison de ce phénomène rapide et irréversible est due, en grande partie, au fait que les peuples colonisés ont été mêlés directement à la Guerre qui s’est étendue véritablement au monde entier. Par ailleurs, les victoires japonaises ont infligé, aux nations occidentales, d’éclatantes pertes de prestige.
(Silence)
Présentateur
Un autre facteur de disparition des empires coloniaux est d’ordre psychologique. C’est l’action anticolonialiste des deux grandes puissances qui ont gagné la Guerre au cœur de l’Europe, les Etats-Unis et l’URSS.
(Silence)
Présentateur
Ces idéologies s’expriment au sein de l’Organisation des Nations unies avec encore plus de virulence qu’autrefois à la SDN, et qui siège non plus à Genève, mais à New York.
(Silence)
Présentateur
Le nationalisme, se développant rapidement dans les pays encore soumis à l’autorité des nations de race blanche, pose à celle-ci des problèmes de plus en plus difficiles. Les grands idéaux, au nom desquels les Alliés ont combattu, n’ont pas manqué d’éveiller de vastes échos dans la conscience des élites indigènes. Celles-ci s’attachent solidement aux raisons qu’ont invoquées les Occidentaux pour justifier leur propre cause. Les peuples soumis se lèvent, les un après les autres, pour une sorte de croisade sous des bannières [au nom] de la liberté des peuples, des principes démocratiques, des idées antiracistes, etc. En outre, ils n’éprouvent aucune difficulté à puiser dans l’arsenal de propagande que leur offrent concurremment Américains et Soviétiques. Du point de vue tactique, les peuples colonisés apprécient fort les avantages que leur procure, du côté américain, le chantage au danger communiste ; le coup de semence, dans ce domaine, ayant été le renversement du régime pro-américain de Tchang Kaï-chek, par les communistes chinois, renversement intervenu en 1949. Parallèlement, telles actions menées par certains pays colonisateurs viennent indirectement en aide aux pays placés sous d’autres dominations. Par exemple, la Ligue arabe, suscitée au lendemain de la guerre par les Anglais, est à l’origine du groupe afro-asiatique qui ne cesse de s’affirmer à l’ONU. Les résultats ainsi acquis amènent les chefs nationalistes à créer leurs propres organismes internationaux de contact. Par exemple, en 1955, la fameuse conférence de Bandung qui fut d’une incontestable portée. Elle fut suivie par une autre conférence, au moins aussi importante, au Caire.
(Silence)
Présentateur
Le meilleur exemple de refus radical est celui du Portugal, qui déclare que ses territoires d’outre-mer sont dans la même situation que les provinces de la métropole, et qu’on ne peut les en séparer sous peine d’attenter à l’intégrité du territoire national. Le gouvernement de Lisbonne ne manque d’ailleurs pas de proclamer que cette entreprise n’est envisagée que par des meneurs à la solde du communisme international. Malgré cela, l’Inde portugaise a changé de main, et l’Angola a été le siège de troubles déjà sérieux.
(Silence)
Présentateur
L'assimilation effective à la métropole est une autre solution à laquelle les peuples conquérants ont eu souvent recours. Néanmoins, tous n’ont pas accepté la solution d’égalité totale qu’elle implique entre anciens colonisateurs et anciens colonisés. C’est le refus de cette conséquence qui fait la faiblesse de la position espagnole ou portugaise. Si l’Espagne considère comme province métropolitaine le Rio de Oro ou la Guinée, ces territoires ne sont pas autre chose que des colonies. Désormais, le monde ne retentit plus seulement d’appels à l’émancipation, mais subit la dénonciation, toujours renouvelée, du colonialisme. Les réactions des puissances coloniales, au cours de cette évolution, ont été très différentes. Les unes se sont refusées radicalement à suivre le mouvement, l’estimant contraire non seulement à leur propre intérêt, mais encore à celui des peuples qui étaient sous leur tutelle. D’autres ont fait la part du feu en accordant l’indépendance à certains endroits, en la refusant à d’autres, ou en préparant et en mettant au point des formules de transition. En revanche, l’acceptation de l’égalité, avec toutes ses conséquences, explique le succès de la politique américaine en Alaska et aux îles Hawaï devenus les 49e et 50e Etats des Etats-Unis.
(Silence)
Présentateur
La solution que l’on pourrait appeler de compromis, et qui fut la plus largement appliquée, est l’octroi, par la puissance colonisatrice, de l’autonomie. L’autonomie, c’est-à-dire le droit pour le peuple colonisé d’administrer ses propres affaires tandis que le peuple anciennement colonisateur conserve les responsabilités diplomatiques, militaires et la prépondérance économique. C’est cette solution qui a été le plus largement appliquée dans la plupart des anciennes colonies de la Couronne d’Angleterre, ainsi que dans les possessions extérieures américaines. Cette solution, essentiellement transitoire, tente à se parfaire et à se transformer en indépendance totale. Ainsi sont devenus indépendants l’Inde, le Pakistan, le Ghana, le Nigeria, etc. Et d’autres anciennes colonies britanniques sont à la veille de le devenir, par exemple le Kenya. Même processus pour les Philippines en ce qui concerne les Etats-Unis. Cependant, la plupart des colonies britanniques, devenues indépendantes, ont conservé des liens principalement économiques avec leur ancien colonisateur, et forment, avec lui, le Commonwealth. D’autres pays, frappés par ce remarquable résultat, ont cherché à mettre au point des solutions équivalentes, mais sans la même préparation ni l’acquittement du même prix. L’échec ne fit pas attendre. Témoin, l’union hollando-indonésienne mort-née. Mais quelles furent les solutions adoptées par la France ?
Journaliste
On parlait couramment, en 1939, de l’empire pour désigner les pays d’outre-mer placés sous la domination française. Un des faits les plus remarquables de la dernière Guerre est que cet empire resta fidèle à la France malgré la défaite des armées métropolitaines. En 1940, il s’agissait de savoir si un empire de 60 millions d’habitants ne contribuerait en aucune manière à la lutte pour la vie ou la mort de la France. A cette question posée par le général de Gaulle, la réponse fut positive. Une telle attitude envers la France en danger devait donc avoir sa récompense légitime. Elever tous les hommes jusqu’au niveau où ils seront capables de participer, chez eux, à la gestion de leurs propres affaires ; procéder à des réformes de structure transformant l’empire en un ensemble fédéral. Telles furent les deux idées fortes du général de Gaulle à la tête du Gouvernement provisoire de la République. Mais dès 1941, il était entendu également que les jeunes Etats suffisamment évolués pourraient, s’ils le désiraient, accéder à l’indépendance. Tel avait été le sens de la déclaration alors faite par le général Catroux, représentant en Orient du général de Gaulle. La France libre reprenait, à son compte, les promesses d’indépendance faites, en 1936, à la Syrie et au Liban, mais non tenues. C’est en Afrique que le Gouvernement provisoire établit successivement ses deux capitales : Brazzaville et Alger. C’est en Afrique que son œuvre fut la plus considérable. En pleine guerre, le général de Gaulle, au mois de janvier 1944, présida la fameuse conférence de Brazzaville dont les recommandations allaient modifier profondément la condition des Africains. D’autre part, l’ordonnance du 7 mars 1944 permettait aux musulmans d’Algérie d’accéder à la citoyenneté française sans renonciation préalable à leur statut personnel. Cette politique d’adaptation de l’ancien empire aux nécessités mises en évidence par la Guerre eut pour conséquence la création de l’Union française, dont le nom apparut, pour la première fois, le 24 mars 1945, dans une déclaration concernant l’Indochine. L’Union française fut l’œuvre des constituantes de 1945 et 1946, où était assurée une large représentation des pays d’Outre-mer. Rappelons que l’Union française se composait de la République française avec ses départements et ses Territoires d’outre-mer, d’Etats associés – les Etats d’Indochine : Cambodge, Laos, Vietnam – des pays sous mandat du Cameroun et du Togo. Quant aux souverains des protectorats de Tunisie et du Maroc, ayant refusé le statut d’Etat associé, ils manifestèrent leur volonté d’indépendance avec une vigueur grandissante. Le gouvernement français tenta une politique d’association progressive des élites marocaines et tunisiennes aux affaires publiques. Ces concessions ne désarmèrent pas les partis nationalistes Néo-Destour ou Istiqlal, et, finalement, la reconnaissance, par la France, du droit à l’autonomie interne conduisit ces deux pays – en 1955 pour la Tunisie, en 1956 pour le Maroc – à l’indépendance totale. Cette courbe avait été parcourue non sans à-coups, mais sans soulever de difficultés insurmontables. En Indochine, la situation n’était pas du tout comparable. Le corps expéditionnaire envoyé en Extrême-Orient à la fin de 1945 avait repris pied au Cambodge et au Laos. Mais au Vietnam, le mouvement nationaliste Viet Minh, animé par le parti communiste, avait proclamé une République démocratique dont la France reconnut l’indépendance en mars 1946. Cet Etat entrait dans l’Union française. Mais la rupture des accords déclencha une guerre de huit ans. Au début, simple guérilla, la lutte s’accentua au fur et à mesure que se développait l’influence de la Chine communiste sur le Viet Minh. L’Etat vietnamien, anti-communiste, organisé par la France, fut reconnu indépendant au sein de l’Union française dès 1949. Les négociations, menées à Genève en 1954 pour mettre fin à la guerre, et qui aboutirent au partage du Vietnam, n’entraînèrent aucune confirmation nouvelle de cette souveraineté acquise. Ainsi, l’Union française, qui ne fut l’objet d’aucune dénonciation solennelle depuis 1954, alla en s’amenuisant. Elle était comme vidée de son contenu. Et les constituants de 1958 renoncèrent donc à inscrire ce qui n’était plus devenu qu’une fiction. L’Union française, une fois relâchés les liens d’association avec les Etats d’Indochine ne comprenait plus, outre la République française, que les territoires associés du Togo et du Cameroun. En 1956-1957, ces territoires devinrent des Etats : la république autonome du Togo, l’Etat sous tutelle du Cameroun. Après levée de la tutelle par l’ONU, ces deux Etats sont devenus totalement indépendants en 1960. Quant aux Territoires d’Outre-mer de la République, ils étaient dotés d’assemblées locales à pouvoirs étendus. Les plus évolués de leurs habitants élisaient des représentants à ces assemblées et aux assemblées métropolitaines. Une vie politique intense allait se développer en Afrique noire sous l’action de partis politiques locaux dont le principal était le Rassemblement démocratique africain présidé par Félix Houphouët-Boigny. Ce parti mena d’abord une action d’opposition violente. Mais à partir de 1950, il s’oriente vers une transformation de la République dans un sens fédéraliste, sans aucune volonté de sécession. Entre-temps, l’esprit même de la colonisation se transformait rapidement et profondément, comme le prouve la création du Fonds de développement économique et social d’Outre-mer, qui accomplit un immense effort d’équipement et de mise en valeur, l’institution d’un Code du travail Outre-mer, la loi municipale de 1955, l’institution d’allocations familiales, le développement du syndicalisme en Afrique noire.
Présentateur
C’est la loi-cadre de 1956, signée par monsieur Gaston Defferre, ministre de la France d’outre-mer, qui en fournit, d’ailleurs, la preuve décisive. Cette loi-cadre introduit partout le suffrage universel et le collège unique. Chaque territoire reçut un conseil de gouvernement, élu par l’assemblée locale, dont les pouvoirs furent accrus. C’était l’accès à l’autonomie. Les événements vont vite. Le congrès du RDA, à Bamako, en 1957, se prononce pour le maintien de la communauté franco-africaine, mais sans abandonner l’idée du droit à la séparation. Au moment où la IVe République achève son existence, c’est un fait que les Territoires affirment qu’ils ont vocation d’Etat, Etat qu’un contrat liera à la France. C’est cette conception que le général de Gaulle a entendu faire triompher dès son retour au pouvoir en 1958, et qui a donné naissance au référendum du 28 septembre, instituant la Communauté. La Guinée, qui répondit non au référendum, affirma sa volonté d’accession à l’indépendance et y accéda immédiatement. Tous les autres Territoires approuvèrent le projet de constitution. Cinq d’entre eux choisirent de demeurer des Territoires d’Outre-mer de la République : Saint-Pierre et Miquelon, Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Comores et Côte des Somalies, Madagascar, les quatre territoires de l’AEF, les sept territoires de l’AOF choisirent de devenir des républiques membres de la Communauté. Au moment où la Ve République se mettait en place, la Communauté comprenait treize Etats, dont la République française. Elle représente donc un grand ensemble politique, diplomatique, militaire, économique et culturel. Son évolution s’est poursuivie. La révision constitutionnelle de juin 1960 a permis l’indépendance du Mali et de Madagascar dans le cadre de la communauté. Les autres Etats d’Afrique ont suivi des routes parallèles ou différentes. La Côte d’Ivoire, le Dahomey, le Niger, la Haute-Volta et la Mauritanie ont voulu accéder d’abord à l’indépendance, puis conclurent des accords d’aide et de coopération avec la France. Au contraire, les Etats d’Afrique équatoriale ont choisi d’acquérir l’indépendance dans le cadre de la Communauté. Ainsi, la Communauté ne comprend plus, à l’heure actuelle, que sept Etats, dont la France, qui est, d’autre part, liée par des accords d’aide et de coopération à huit autres Etats africains dont les deux autres anciens Territoires sous mandat. Il faut souligner que tous ces Etats ont été reçus dans l’Organisation des Nations unies à la demande de la France. La création et la modification de la Communauté se poursuivaient tandis que la France se trouvait dans l’obligation de mener, en Algérie, par un paradoxe dramatique, une guerre dénoncée comme coloniale. En fait, la tâche de décolonisation devait nécessairement s’achever par l’Algérie dès lors que le statut des départements algériens n’entraînait pas l’égalité des populations. La rébellion de novembre 1954 n’a pas eu d’autre sens. Et sans doute, la loi-cadre du 5 février 1958 est-elle venue trop tard. Mais à partir de la déclaration faite le 16 septembre 1959 par le général de Gaulle sur l’autodétermination, la position française était clairement établie. Il appartiendrait au peuple algérien de décider de son avenir. C’est cette consultation que les accords d'Evian ont rendue possible, et qui a eu lieu le 1er juillet 1962. Sans doute peut-on déplorer qu’une autre évolution ne se soit pas produite, évolution rendue difficile par le développement, sur la terre algérienne, d’une communauté européenne qui, de fait de sa longue implantation et des efforts accomplis, ne s’y tient pas pour étrangère. C’est la génération précédente, ce sont les plus âgés d’entre nous qui auraient dû, entre les deux Guerres, déterminer les conditions et accepter les conséquences de cette évolution-là. Il reste maintenant à assurer l’avenir de l’Algérie indépendante associée à la France. Ce qui s’est fait ailleurs par la voie de la décolonisation pacifique se fera, en Algérie, après un drame qui a pesé bien lourd. Souhaitons que l’heure ne soit pas trop lointaine où la suite des événements permettra de dire avec [Schiele] : « Rien n’est perdu, sauf les morts ».
(Silence)