Les résultats du référendum du 28 septembre 1958 en Afrique
Notice
Lors de la soirée spéciale référendum sur la Constitution de la Ve République, un journaliste commente les résultats de vote en Afrique subsaharienne (AEF et AOF), en soulignant le cas particulier de la Guinée, puis il explique les statuts de la future Communauté française.
Éclairage
Le référendum sur la constitution de la Ve République et la Communauté a lieu le 28 septembre 1958 et le oui s'impose en AEF et en AOF, à l'exception de la Guinée. Mais le contenu de cette communauté a suscité de profonds débats. Si le leader du Rassemblement démocratique africain (RDA), Houphouët-Boigny, et le chef de file du Parti du regroupement africain (PRA), Senghor, s'opposent sur le niveau territorial ou fédéral pour accéder à l'indépendance, les deux partis entendent inscrire le droit à l'indépendance et l'égalité entre la métropole et les territoires africains dans la constitution.
Or l'avant-projet ne prévoit ni l'un ni l'autre. Le congrès du PRA s'achève alors le 27 juillet à Cotonou par l'adoption du mot d'ordre d'indépendance immédiate. Le ministre Houphouët-Boigny obtient de son côté la révision du texte et de Gaulle entame un voyage africain pour clarifier sa position. Les leaders de l'AEF réunis à Brazzaville remettent au Général un manifeste demandant d'insérer le droit à l'indépendance dans la constitution. Et c'est dans cette ville-symbole que de Gaulle indique le 24 août la légitimité des peuples africains à prendre leur indépendance, après un apprentissage politique dans la communauté. Les territoires qui voteront négativement accéderont immédiatement à l'indépendance, précise-t-il.
Au sein du PRA qui n'a pas fixé de ligne, certains dirigeants sénégalais et la section du Niger appellent à voter « non ». Le RDA a pour sa part engagé à voter en faveur du texte. Seule sa section guinéenne, le parti démocratique de Guinée (PDG), et son leader Sékou Touré, se singularisent. La menace proférée par le Général à Conakry de supprimer l'aide aux territoires qui choisiraient la « sécession » prépare la rupture. Sékou Touré se radicalise aussi sous la pression des partis rivaux et des mouvements étudiants qui se sont déjà prononcés en faveur de l'indépendance immédiate. Le PDG, parti dominant, se positionne officiellement et tardivement en faveur du « non », mais sans exprimer une volonté de rupture complète.
Ce sont ces étapes qui conduisent aux résultats du référendum qui sont ici commentés. Le journaliste rappelle succinctement le ralliement des leaders de l'AEF à la communauté après le discours de Brazzaville, en mentionnant « quelques difficultés locales » qui ont été « apaisées lors du passage » du Général. Mais il consacre l'essentiel de ses propos à l'AOF, « plus complexe », du fait de rivalités de territoires et de personnalités qui ne sont pas détaillées. Surtout, le commentateur focalise l'attention sur le non de la Guinée. Chargé d'expliquer ce choix aux téléspectateurs, il le réduit à une volonté d'« indépendance pure et simple », en l'opposant au choix de la Communauté par le leader du RDA. Le journaliste reprend ainsi le discours gouvernemental de l'alternative offerte entre le « oui » à la communauté et le « non », qui ne peut se traduire que comme une volonté de « sécession ». Il convient de limiter la note discordante du non guinéen, en l'interprétant comme une incompréhension, ou un refus de comprendre l'alternative laissée par de Gaulle et l'intérêt offert par la communauté, à savoir la possibilité pour tout État membre d'accéder à une indépendance négociée. Le journaliste finit par une présentation didactique des options offertes aux territoires qui ont accepté la communauté : évoluer en département, conserver leur statut, ou devenir État membre de la communauté, gérant ses affaires en dehors des fonctions déléguées à la communauté, comme les affaires étrangères. Cette Communauté est présentée comme équilibrée, avec une délégation équivalente entre la métropole et les États membres. Mais la notion d'égalité entre ses membres, chère au leader du RDA, reste bien ambiguë lorsque le commentateur ajoute que la communauté est une « union sincère » entre la métropole et les territoires africains (selon les termes du député Houphouët-Boigny en 1946), « mais sur un plan tout à fait différent ».