Le tourisme dans les Landes : l'exemple du Vieux-Boucau
Notice
Les Landes voient leur population doubler durant l'été. Pour accueillir au mieux l'ensemble de ces vacanciers, campings, résidences secondaires, villages vacances et hôtels se sont multipliés. Exemple de la nouvelle station de Vieux-Boucau-Port-d'Albret qui s'est développée autour de son lac marin.
Éclairage
Le 26 juin 1972, les partis socialiste, communiste et radical de gauche signent la mise en place d'un "programme commun". Il est axé sur la nationalisation des entreprises et les avancées sociales, autorisant, de facto, grâce à la réduction du temps de travail et du chômage, la relance de l'économie par la consommation. "Vivre mieux, changer la vie", le slogan de l'époque, résume cet idéal qui se situe dans l'esprit des réformes menées par le Front Populaire en 1936.
François Mitterrand, élu en mai 1981, s'engage partiellement dans cette voie provoquant, dans les mois qui suivent, une perte de confiance des financiers et une fuite des capitaux. Face à cette crise majeure, après trois dévaluations consécutives du franc, il faut se rendre à l'évidence : cette nouvelle politique, marquée à gauche, est un échec. L'inflation est certes jugulée, la hausse des salaires contrôlée mais les financements font défaut pour assurer tous les projets. Le printemps 1983 annonce donc une nouvelle période intitulée "le tournant de la rigueur".
Cette nouvelle politique économique va à l'encontre de l'esprit qui anime la gauche traditionnelle : on nationalise d'un côté bon nombre d'entreprises mais on privatise certains secteurs et les marchés financiers sont en partie dérégulés. La gauche est affaiblie et doit bientôt accepter la "cohabitation" et une seconde vague de privatisations menées sous le gouvernement Chirac entre 1986 et 1988.
Mais sur la côte landaise, en Marensin, on construit. On construit beaucoup même, au rythme de 150 à 200 logements par an ; campings, résidences secondaires, résidences associatives et hôtels cumulent, en outre, près de 120 000 lits. La population locale au bord du Bocau vièlh [1], "l'ancienne bouche" de l'Adour, enfle pendant les mois de juillet et août où l'on compte "15 millions de nuitées" !
Dans un contexte de rigueur budgétaire, ce dynamisme étonne. Ici, on applique - semble-t-il - la consigne de "passer les vacances en France" mais l'émergence de Port d'Albret, à une quinzaine de kilomètres de l'élégante station d'Hossegor et du port historique de Capbreton s'explique aussi certainement par une volonté politique locale favorisée par la proximité d'un lieu, qui devient célèbre ; enchâssé dans les dunes, entre l'étang de Soustons et...Vieux Boucau, au lieu-dit Latche [2], se trouve, en effet, la résidence secondaire du président.
Les permis de construire sont facilement attribués sur les rives du "courant" et en front de mer, les chantiers se multiplient et les paysages se transforment. Réalisé à partir des projets de la MIACA, datant déjà de 1970, l'aménagement du lac marin de Port-d'Albret [3] bouleverse effectivement le fonctionnement hydraulique de l'étang de Pinsolle et de l'ancien marais du Junca parcouru par le courant de Soustons. Mais le succès de ce nouveau lieu de villégiature familiale ne se dément pas. Si du côté de Latche, le calme est aujourd'hui revenu, la longue plage de sable fin et le plan d'eau de la nouvelle station qui aura évité le "tournant de la rigueur", attirent toujours vingt ans plus tard.
Ici, effectivement, la vie a changé et on y vit mieux...
[1] Du gascon bocau, "embouchure". Le toponyme Bocau vièlh ou Vieux-Boucau s'explique par le fait que l'Adour se jetait, jusqu'en 1367, à Capbreton appelé aussi Bocau de Diu ; remontant vers le nord, dans un parcours parallèle à la côte, le fleuve, à la suite de tempêtes, et jusqu'aux travaux de Louis de Foix en 1578, s'est ensuite jeté à la mer au Bocau devenu Bocau vielh par la suite.
[2] Latche est un micro-toponyme appartenant au vieux fonds lexical gascon. Il doit être rapproché du basque latsa, "cours d'eau dans lequel se jettent plusieurs autres plus petits". Même si ce sens n'est plus évident aujourd'hui, il faut garder à l'esprit que les toponymes se sont fixés il y a très longtemps et que paysages et topographie ne sont pas immuables, surtout sur la côte landaise.
[3] Ce néo-toponyme rappelle la puissance de la famille d'Albret, originaire de Labrit, au cœur des Landes forestières.