Sorde des bords du gave
Notice
Aux portes du pays d'Orthe, Sorde-l'Abbaye est au Moyen Âge une étape importante sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Située au bord du gave d'Oloron, le fleuve le plus poissonneux d'Europe qui devient vite le privilège du seigneur et de l'abbé, elle possède une longue tradition de braconnage que les anciens du village, pêcheurs et garde pêche, font revivre à travers leurs récits.
Éclairage
Sorde l'Abbaye (Sanctus Johannes de Sordua, XIe-XIIe s.), au cœur du pays d'Orthe [1], est un haut lieu de la Préhistoire et de l'Histoire landaises. Établie sur la rive droite du gave d'Oloron, juste en amont de sa confluence avec le gave de Pau, la vieille cité a fourni des vestiges du Paléolithique, au bas de la falaise et, à un niveau supérieur, des témoignages du Mésolithique et du Calcholithique. Les noms de Duruthy et Arambourou, qui ont apporté une large contribution à une meilleure connaissance du Magdalénien et de l'Azilien dans la région, sont intimement liés à ces lieux.
Située à un point stratégique, sur la voie romaine reliant Bordeaux à Saragosse, près de l'embranchement vers Lescar, Sorde est un centre important à l'époque romaine. En témoignent les lieux-dits "Barat de By" ou "Barat de Vin", altérations du gascon Barat de via, "fossé longeant une voie", mais aussi les substructions de l'imposante villa située sous et devant la maison des abbés. Un site particulièrement riche qui explique que l'abbaye Saint-Jean, situé sur la via turensis, soit inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO. Fondé au Xe siècle, ce centre religieux important, qui a fourni l'un des rares cartulaires landais, assure le renouveau de Sorde après les temps troublés de la fin du premier millénaire.
La cité médiévale évolue alors avec la fondation d'une "bastide" en 1290. C'est l'apogée avant la période noire des ravages commis par les protestants du prince d'Orange en 1523 et les troupes de Montgomery en 1570, quelques années avant le sac de la petite ville opéré par le duc de la Force en 1616.
Mais la vie, à Sorde, n'est pas figée dans les vieilles pierres. Le gave d'Oloron qui roule au pied de ses murs, anime et rythme toujours le quotidien. C'est là en effet, entre Cauneille et Oeyregave, que confluent le gave de Pau et celui d'Oloron : "un moment du fleuve". Sur une dizaine de kilomètres, baignant Peyrehorade et Orthevielle sur la rive droite, Hastingues sur la rive gauche, coulent alors les Gaves réunis. Venues des Pyrénées bigourdanes et béarnaises, les eaux qui se joignent à l'Adour au Bec du Gave, connaissent un étiage relatif de juillet à septembre et des hautes eaux d'avril à juin quand fondent les neiges des hauts massifs du côté de Gavarnie, de l'Ossau ou de la Vallée d'Aspe. Et ces eaux torrentielles sont bien sûr propices au saumon.
La pêche y est donc fort ancienne : au barau d'abord, un engin de pêche sur poste fixe, en forme de longue poutre munie d'un tourniquet de bois, de pales et de filets, puis à la ligne ensuite.
Mais si en 1972, déjà, on considère comme appartenant au passé les courses-poursuites entre braconniers et gardes-pêche en raison de la raréfaction du saumon dans les eaux du torrent pyrénéen, où ils naissent et viennent se reproduire, la baisse constante de prises inquiète bien davantage aujourd'hui.
Et Lionel Armand, guide de pêche, de s'adresser en ces termes, début 2011, aux membres de l'AAPPMA du gave d'Oloron [2] : "On constate depuis deux ans une baisse du cheptel. Le millier de pêcheurs qui sillonnent le gave ont observé la raréfaction du saumon. Et les frayères, que l'AAPPMA surveille année après année, diminuent également. Mais cette tendance n'est pas directement liée à la pression de la pêche à la ligne ou à la qualité de l'eau du gave. C'est la surpêche en milieu marin et dans les estuaires qui est en cause... Avant 2009, on se plaignait des prélèvements des pêcheurs en estuaire. Depuis, la situation s'est aggravée : comme les ressources au large se tarissent, les chalutiers se sont rapprochés des côtes et prélèvent désormais des saumons et des truites".
Un constat qui permet d'affirmer que maintenant, on se trouve ici en zone rouge et qu'il y a juste assez de sujets pour assurer la reproduction de l'espèce. Il convient donc de limiter les prélèvements de façon drastique, bien loin des coutumes de pêche d'antan où l'on se régalait de tocans [3] : quatre prises par an et par pêcheur, tel est le verdict, une mesure nécessaire d'autant plus qu'il faut lutter contre d'autres fléaux, pollutions industrielles et domestiques, centrales électriques qui nuisent à la qualité des eaux [4].
En dépit des atteintes à ce patrimoine naturel exceptionnel, le territoire conserve d'autres atouts majeurs, moins connus. Terroir de transition, le pays d'Orthe se caractérise par une architecture rurale spécifique qui annonce déjà la silhouette caractéristique de la maison basque. Ce n'est donc pas par hasard que, un an après la création de la Commission régionale de l'Inventaire en Aquitaine, en 1967, le canton de Peyrehorade est choisi pour réaliser une opération pionnière d'inventaire topographique, avec l'ambition de traiter l'architecture et les objets mobiliers. [5]. Car, rayonnant non seulement sur le Béarn mais aussi sur les Chalosses et les pays mitoyens, l'"école d'Orthez" a diffusé pendant au moins deux siècles des meubles de très belle facture que l'on retrouve encore aujourd'hui, généralement transmis de génération en génération. D'où l'attachement de Monsieur Cazaux à son vaisselier sans doute d'origine béarnaise.
[1] Ce riche terroir baigné par l'Adour et les Gaves réunis, en aval de la confluence des gaves de Pau et d'Oloron, est marqué depuis longtemps par la domination de la famille d'Aspremont qui fonde une vicomté.
[2] AAPPMA : Association Agréée de Pêche et de Protection des Milieux Aquatiques. Cette association de pêche est aujourd'hui très préoccupée par le difficile repeuplement de saumon dans son cours d'eau.
[3] Mot gascon désignant de jeunes saumons qui n'ont pas encore frayé.
[4] 100 c'est grosso modo le nombre de saumons prélevés par le millier de pêcheurs à la ligne sur le gave d'Oloron en 2009 comme en 2010. Contre plus de 300 auparavant. Un témoin de la raréfaction du saumon dans les eaux du gave.
[5] Les résultats de cette enquête ont été publiés en 1973 dans les deux volumes de l'Inventaire topographique du canton de Peyrehorade.
En 2002, Jean-Claude Lasserre propose un retour sur ce terrain afin de dresser un état des lieux 30 ans après la première étude et de présenter les étapes de l'évolution de la méthodologie Inventaire. L'ensemble devait permettre de concevoir une démonstration pédagogique à l'intention des classes reçues au Centre d'Education au Patrimoine de l'abbaye d'Arthous à Hastingues. La publication d'un Itinéraire du patrimoine du Pays d'Orthe en 2003 a livré quelques conclusions du retour sur cette aire d'étude. La base de données Mérimée consacrée à l'architecture sur internet a été actualisée.