Tonnelier du domaine d'ognoas
Notice
Reportage sur la fabrication des tonneaux de conservation de l'armagnac. Les tonneaux du domaine d'ognoas sont construits à partir des chênes de la région. Interview de deux tonneliers.
Éclairage
Armagnac, chêne, Gascogne voilà des mots et des concepts qui fleurent bon l'histoire, la géographie, le terroir, la gastronomie...
La Gascogne qui peut se définir comme la province où la langue gasconne est parlée, est incluse dans un grand triangle Bordeaux, Toulouse, Bayonne et non dans le seul département du Gers.
Dans ce territoire, l'Armagnac est une région bien délimitée où est produite l'eau de vie qui porte son nom. Vieille de sept cents ans, bénéficiant depuis 1936 d'une Appellation d'Origine Contrôlée, son aire de culture comprend le Haut-Armagnac, le Bas-Armagnac et la Ténarèze. Les 20000 ha de vignes complantées en Baco blanc, Folle blanche et Ugni blanc produisent une moyenne de 13000 hl d'eau de vie par an.
Plusieurs particularités distinguent l'Armagnac de son cousin le Cognac.
La production est atomisée chez un grand nombre de petits vignerons qui restent maîtres de leur production, souvent de vieilles familles dont les chais traditionnels sont de véritables musées vivants.
La distillation est dite de débit continu dans un alambic armagnacais breveté depuis 1818. Jour et nuit pendant le temps nécessaire, la chaudière doit conserver une chauffe appropriée. Elle est alimentée souvent au bois de chêne.
Soixante-dix pour cent des produits commercialisés proviennent d'assemblages d'eau de vie de plusieurs origines, de différentes années de récolte. Mais l'exception dans le domaine des spiritueux réside dans le fait que l'Armagnac de prix, celui qui est recherché par les connaisseurs est la bouteille millésimée, le vieillissement ne se faisant que dans des fûts de chêne. Le bois étant poreux à l'air, il se produit chaque année une évaporation de 2 à 3 % qu'il faut compenser par ouillage; cette perte annuelle, nommée joliment « part des anges» participe au mythe « Armagnac ».
Au cours du vieillissement, l'alchimie et la chimie se conjuguent en un savant échange entre l'alcool et le bois, le tanin est dissout, la couleur ambrée s'affine, les arômes se développent, les saveurs s'élaborent.
Le tonnelier est intimement associé à cette aventure, par bien des aspects, originale. Dans les Landes un seul atelier de tonnellerie subsiste, c'est celui de l'artisan Gilles Bartholomo, quatrième génération de tonneliers en Armagnac. (1)
Le chêne pédonculé du pays gascon constitue la matière première incontournable pour fabriquer des fûts de 400 à 420 litres appelés pièces.
Le métier n'a pratiquement pas changé depuis des siècles : travail manuel délicat s'il en est, d'ajustage des douelles ou douves cintrées, polies en un galbe parfait. Si la colombe et la doloire ont disparu, la hache reste un outil de base. Les billons de 1,10 m de long tirés du tronc du chêne, sont fendus en deux, puis en quatre et en huit quartiers : fendus dans le fil du bois et non sciés pour assurer l'étanchéité du bois. Après deux ou trois ans de séchage, de ces merrains sortiront les douelles.
Le domaine départemental d'Ognoas possède un alambic du XVIII° siècle classé à l'inventaire du patrimoine.
Chaque année, la liqueur incolore, « la blanche »qui sort de l'alambic est mise dans des fûts neufs. L'élaboration des millésimes se fait ensuite en fûts de vieillissement : le verre conserve mais ne vieillit pas l'eau de vie. Un flacon portant l'indication 1979, mise en bouteille en 2009 a trente ans d'âge. Le vin récolté en octobre 1979, est distillé au cours de l'hiver suivant en décembre. L'eau de vie est conservée en fût pendant trente ans; durant sa garde en bouteille, l'Armagnac ne vieillira plus. (2)
Produit de niche sans comparaison pour les volumes avec le géant Cognac, l'Armagnac garde toute sa place sur le marché intérieur et international fortement soutenu par un artisanat de qualité. Le terroir et les racines gardent ici tout leur sens.
(1) Quand les Landes exportaient vers l'Angleterre et les Pays Bas et ce jusqu'au XIX° siècle, on comptait les tonneliers par centaines, le vin étant vendu logé, la barrique ne revenant pas au pays)
(2) L'Armagnac pour les nuls, Chantal Armagnac, 2009