Stage de vendeurs de la Chambre de commerce

À la suite de l’économiste Jean Fourastié, les historiens qualifient la période 1945-1975 de « Trente Glorieuses », c’est-à-dire trente années d’une croissance économique et d’un progrès technique sans précédent. En effet, ces trois décennies propulsent le monde – et surtout le continent européen, ravagé par la Seconde Guerre mondiale – de plain-pied dans la modernité. De profondes inégalités subsistent entre pays, notamment entre les pays occidentaux et le Tiers-Monde, mais aussi dans un même pays, menant en France aux événements de mai 68 (voir la vidéo Syndicalisme dans une laiterie). Néanmoins, en France, les années 1960 sont exceptionnelles : l’économie connaît une croissance stable autour de 5 %, c’est-à-dire que la création de richesse augmente en moyenne de 5 % par an, ce qui est considérable (par comparaison, en l’an 2000, la croissance est comprise entre 1 et 2 %).

Les agents de vente sont le fer de lance de cette prospérité économique, puisque les ventes réalisées par un seul représentant font vivre en moyenne 20 autres personnes dans l’entreprise : directeur, administration, ouvriers. Dans un monde où les modes et moyens de transport ont fortement progressé, la concurrence s’est aiguisée et les entreprises sont contraintes, pour demeurer compétitives, de perfectionner toujours leur maîtrise des techniques de vente, que l’on appelle le marketing, ou la « mercatique » en français. C’est précisément pour cette raison qu’une quinzaine d’agents de vente, dotés d’une ancienneté variable dans le métier, sont réunis pendant une semaine en février 1974 à Saulges, dans le sud des Coëvrons, à l’est de la Mayenne. Ce stage professionnel est organisé par une structure peu connue du grand public mais qui rend de précieux services aux entreprises : la Chambre de commerce. Celle de Laval, compétente pour l’ensemble du département de la Mayenne, a été créée en 1817. 40 ans durant (1871-1910), elle a été dirigée par Gustave Denis, par ailleurs directeur de la fameuse filature de Fontaine-Daniel. Homme politique, ce dernier a occupé les fonctions de maire de Saint-Georges-Buttavent (1874-1904), de sénateur de la Mayenne (1879-1925, par intermittence) et de président du conseil général de la Mayenne (1891-1924).

Ce reportage est réalisé par Maryvonne Gouzerh, journaliste de l’ORTF où elle est entrée dix ans plus tôt en qualité de speakerine. Elle avait déjà eu l’occasion d’officier à Saulges, sur un sujet extrêmement différent : la fin des travaux de restauration de l’église Saint-Céneré, en 1970 (voir la vidéo La chapelle mérovingienne Saint-Céneré de Saulges). Pour ce sujet économique destiné au journal télévisé, elle a choisi d’alterner les images tournées pendant la formation proprement dite et les extraits d’entretiens avec l’organisateur d’une part et l’animateur d’autre part, un certain Alain Lambrecht. La formation repose sur des séquences variées : d’une part des cours magistraux et d’autre part des mises en situation.

Les cours magistraux se déroulent dans une salle dont les tables sont disposées en U pour favoriser les échanges, et où se trouvent un chevalet – souvent désigné par l’anglicisme « paperboard » – et un écran de télévision. Les jeux de rôle, filmés, mettent aux prises deux participants, jouant l’un le client et l’autre le vendeur. Grâce à l’écran situé dans la salle de formation, les enregistrements sont ensuite diffusés pour une analyse collective donnant lieu à des conseils personnalisés. La formation se concentre sur des aspects précis du métier d’agent de vente : son rôle dans l’entreprise, la conduite de l’entretien avec la clientèle et la gestion de la négociation, la maîtrise de l’agressivité et l’adoption d’une attitude attirant la sympathie, le développement de compétences nouvelles en conseil.

Par la suite, un nouveau stage, plus bref, doit permettre en mai suivant de perfectionner la technique des participants et d’ancrer la formation dans le concret. Mais le contexte économique tend à se dégrader. Le premier choc pétrolier, l’année précédente, a contribué à faire des années 1974-2004 de véritables « Trente piteuses » selon l’essayiste Nicolas Baverez. Le second choc pétrolier, en 1979, aggrave la situation. Ce contexte difficile rend ainsi le rôle des chambres de commerce d’autant plus crucial, et celles-ci sont devenues en 2013 les chambres de commerce et d’industrie (CCI). Celle de la Mayenne dispose, à Saint-Berthevin, de son propre centre de formation et même d’un parc des expositions.

Le contexte économique général

• Jean Fourastié, Les Trente glorieuses ou la révolution invisible de 1946 à 1975, Paris, Hachette/Fayard, 1979, 288 p. [Arch. dép. Mayenne, HA 222].
• Pascal Ory, « Les Trente Glorieuses », dans Dominique Kalifa (dir.), Les noms d'époque. De "Restauration" à "années de plomb", Paris, Gallimard, « Bibliothèque des Histoires », 2020, p. 320-336 [Arch. dép. Mayenne, HB 1973].
• Nicolas Baverez, Les trente piteuses, Paris, Flammarion, « Champs », 1999, 288 p.
• Christophe Bonneuil, Céline Pessis et Sezin Topçu, Une autre histoire des "Trente Glorieuses", Millau, La Découverte, 2013, 309 p. [Arch. dép. Mayenne, HA 271].

La situation particulière en Mayenne

• Jean Steunou et Marie-Christine Pichot, 1945-1975 : les 30 Glorieuses en Mayenne, Laval, Archives départementales de la Mayenne, 2005, 169 p. [Arch. dép. Mayenne, MC 440 et HG 499].