Une famille de mineur après la mort du père
Notice
Reportage chez une veuve de mineur qui perdu son mari mort de la silicose à 50 ans. Elle a 7 enfants dont le dernier, encore à sa charge, a 15 ans. Le jeune fils veut être mécanicien. Il n'aurait pas voulu être mineur et pense que ses frères ont eu tord de le devenir. L'un d'eux explique les raisons pour lesquelles il a choisi ce métier : "à cause du logement et du charbon ... s'il n'y avait pas ça, il n'y aurait plus de mineurs".
Éclairage
Veuve depuis sept mois, Madame Dribure a perdu son mari silicosé à 100%. Maladie pulmonaire, la silicose est provoquée par l'inhalation de fines particules de poussière de silice, directement liée à l'exploitation massive du charbon depuis la fin du XVIIIe siècle et dont l'explosion date de l'emploi généralisé de machines d'extraction lourdes (marteaux-piqueurs puis haveuses). Elle se caractérise par une phase de latence souvent très longue - du moins dans sa forme principale - puisque cette "épidémie silencieuse" ne se déclare qu'après une exposition d'une dizaine d'années au moins, alors même que la maladie couve depuis longtemps. Une fatigue générale puis une difficulté croissante à respirer constituent les premiers symptômes. Cela entraîne une réduction progressive mais irréversible de la capacité pulmonaire. Le mineur se trouve dans l'incapacité physique de se déplacer. L'insuffisance respiratoire ne cesse de s'amplifier, provoquant un sentiment d'étouffement toujours plus fréquent jusqu'à l'agonie, souvent lente et douloureuse. La photo du mari de Madame Dribure, devant laquelle le dernier fils fait ses devoirs, le montre très amaigri devant la maison familiale, cette photo est sans doute une des dernière de Monsieur Dribure.
Comme d'autres femmes de mineurs, Madame Dribure s'est mariée tôt, elle a sept enfants à la mort de son mari, le dernier a 15 ans mais les autres sont plus âgés. Ils se sont mariés et ont fondés leur propre foyer. Cette fécondité n'a rien d'exceptionnelle dans le bassin minier. Tous les fils à l'exception du dernier, sont mineurs. Comme en témoigne l'un d'eux, ce choix ne tient qu'aux avantages offerts par les Houillères : le charbon et la maison obtenu par le statut du mineur du 14 juin 1946 qui reconnaît aux actifs en charge de famille, pensionnés et retraités le droit au logement gratuit ou à une indemnité assurés par les Houillères (article 23). Sans ses avantages selon lui il n'y aurait plus de mineurs. Le dernier fils en revanche répond sans hésiter au journaliste qu'il ne sera pas mineur. Il veut être mécanicien et fait des études pour cela. Il veut ainsi échapper au destin de son père et refuse de souffrir et de mourir de maladie comme lui et comme de nombreux autres mineurs. "J'ai vu trop de mineurs souffrir" dit-il. Il va même jusqu'à affirmer que ses frères ont eu tort de s'engager à la mine. Seule la dernière génération fuit devant les mines du charbon.
La silicose n'est officiellement reconnue maladie professionnelle qu'en 1946. Progressive et irréversible, la silicose s'évalue grâce aux radiographies des poumons ou aux tests respiratoires. C'est à partir de là qu'on définit le taux de la maladie, souvent contesté par les malades, et qui sert de barème d'indemnisation pour les mineurs ou leurs épouses. C'est la Sécurité sociale minière qui gère ces dossiers. Il faut être reconnu silicosé à 50% minimum pour pouvoir percevoir une indemnité qui constitue au final une bien faible compensation au regard de la souffrance engendrée par la maladie. Pensionné, le mineur reçoit une retraite correspondant au travail qu'il a effectué dans la mine. A celle-ci s'ajoute, si le mineur est reconnu silicosé, les indemnités liées à la maladie selon le taux d'incapacité dont le mineur est atteint (ici, Monsieur Dribure était atteint de la silicose à 100%). Cette indemnité supplémentaire permet au foyer de s'assurer d'un revenu modeste. Madame Dribure l'évoque par l'achat de nombreux bibelots exposés dans la maison, chers à son mari. Comme elle le souligne, son mari prêtait une très grande attention à l'intérieur de son foyer. Elle habite dans un coron rénové, comportant un vaisselier dans une pièce claire, la cuisine et la cuisinière à bois et charbon et la télévision qui témoignent d'un certain confort, contrairement à la vie dans les corons de Drocourt par exemple à la même époque.
La tragédie de la silicose qui fait encore 900 morts par an en France en 1998 est clairement décrite par ce reportage. En revanche, ni les difficultés des mineurs ou de leurs familles pour faire reconnaître leur invalidité et obtenir des indemnités, ni les problèmes soulevés par le déséquilibre des régimes de Sécurité sociale et de retraite des Houillères face à l'arrêt des cotisations ne sont abordés.