L'avenir de Plogoff et le programme électronucléaire français, promesse de campagne
10 avril 1981
01m 59s
Réf. 00166
Notice
Résumé :
À quelques jours du premier tour des élections présidentielles de 1981, le candidat François Mitterrand précise à Rennes ses vues sur la politique énergétique nationale, et sur le programme nucléaire en particulier. Il annonce que le projet contesté de la centrale de Plogoff, en Bretagne, ne verra pas le jour s'il est élu.
Type de média :
Date de diffusion :
10 avril 1981
Source :
FR3
(Collection:
Rennes soir
)
Personnalité(s) :
Éclairage
À 15 jours du premier tour des présidentielles de 1981, le candidat socialiste François Mitterrand s’engage un soir de meeting à Rennes sur un terrain glissant, surtout en terre bretonne : le nucléaire.
Face à la politique énergétique de long terme héritée des deux précédents présidents de la République, le Parti socialiste est divisé, et son candidat aux élections de 1981 très nuancé.
Confrontés au choc pétrolier de 1973, Georges Pompidou puis Valéry Giscard d’Estaing ont agi dans deux directions : développement accéléré du nucléaire d’un côté, économies d’énergie de l’autre. Gaullistes, centristes et communistes soutiennent ce programme tout-nucléaire d’indépendance énergétique confié à l’entreprise publique EDF, qui promet en outre la création d’un pôle industriel de premier plan. En Bretagne, plusieurs sites sont retenus pour accueillir une centrale. En 1978, les pouvoirs publics choisissent Plogoff, près de la Pointe du Raz, dans le Finistère.
Sans s’opposer franchement à cette politique, François Mitterrand entend les mouvements de contestation qui se développent autour des sites, et les interrogations de l’opinion, tout à la fois environnementales (risques sanitaires, atteinte au milieu), politiques (perte de liberté liée au maintien de la sécurité des installations), et économiques (coût et marginalisation des énergies alternatives, comme le solaire, l’éolien ou la biomasse). À Plogoff, la contestation est le fruit d’une coalition très hétérogène, mais néanmoins efficace dans sa stratégie de conquête de l’opinion et d’opposition à l’État, parfois violente.
À Rennes, le discours de François Mitterrand reflète bien cette relative ambiguïté et celui-ci prend le risque d’être sifflé, du moins jusqu’à la proposition concernant spécifiquement Plogoff : les centrales déjà en chantier seront terminées, tandis que la mise en œuvre des autres sera suspendue le temps du débat, sauf en Bretagne, où sans discussion, le projet de centrale ne verra pas le jour.
Ses bons résultats en Bretagne laissent penser que François Mitterrand a tiré bénéfice de sa promesse. Le projet est officiellement abandonné en juin 1981. Quant au programme nucléaire, il fera l’objet d’un débat national à l’automne 1981, conclu par la décision de le poursuivre en l’ajustant simplement à l’évolution de la demande électrique et en le plaçant sous le regard citoyen de commissions locales d’information.
Bibliographie : Gilles Simon, Plogoff. L'apprentissage de la mobilisation sociale, Rennes, PUR, 2010
Face à la politique énergétique de long terme héritée des deux précédents présidents de la République, le Parti socialiste est divisé, et son candidat aux élections de 1981 très nuancé.
Confrontés au choc pétrolier de 1973, Georges Pompidou puis Valéry Giscard d’Estaing ont agi dans deux directions : développement accéléré du nucléaire d’un côté, économies d’énergie de l’autre. Gaullistes, centristes et communistes soutiennent ce programme tout-nucléaire d’indépendance énergétique confié à l’entreprise publique EDF, qui promet en outre la création d’un pôle industriel de premier plan. En Bretagne, plusieurs sites sont retenus pour accueillir une centrale. En 1978, les pouvoirs publics choisissent Plogoff, près de la Pointe du Raz, dans le Finistère.
Sans s’opposer franchement à cette politique, François Mitterrand entend les mouvements de contestation qui se développent autour des sites, et les interrogations de l’opinion, tout à la fois environnementales (risques sanitaires, atteinte au milieu), politiques (perte de liberté liée au maintien de la sécurité des installations), et économiques (coût et marginalisation des énergies alternatives, comme le solaire, l’éolien ou la biomasse). À Plogoff, la contestation est le fruit d’une coalition très hétérogène, mais néanmoins efficace dans sa stratégie de conquête de l’opinion et d’opposition à l’État, parfois violente.
À Rennes, le discours de François Mitterrand reflète bien cette relative ambiguïté et celui-ci prend le risque d’être sifflé, du moins jusqu’à la proposition concernant spécifiquement Plogoff : les centrales déjà en chantier seront terminées, tandis que la mise en œuvre des autres sera suspendue le temps du débat, sauf en Bretagne, où sans discussion, le projet de centrale ne verra pas le jour.
Ses bons résultats en Bretagne laissent penser que François Mitterrand a tiré bénéfice de sa promesse. Le projet est officiellement abandonné en juin 1981. Quant au programme nucléaire, il fera l’objet d’un débat national à l’automne 1981, conclu par la décision de le poursuivre en l’ajustant simplement à l’évolution de la demande électrique et en le plaçant sous le regard citoyen de commissions locales d’information.
Bibliographie : Gilles Simon, Plogoff. L'apprentissage de la mobilisation sociale, Rennes, PUR, 2010
Léonard Laborie
Transcription
Journaliste
Pour parler plus précisément du nucléaire, Monsieur Mitterrand a souligné qu’il ne ferait pas n’importe quoi dans le domaine de l’énergie, mais que de toute façon, Plogoff ne se ferait pas.François Mitterrand
J’ai été attaqué récemment par le président de la République sortant, ou je ne sais comment l’appeler, finissant, qui….(Bruit)
François Mitterrand
Qui, précisément, se flattait d’avoir assuré mieux que quiconque cette indépendance énergétique assortie dans son cas d’une politique dite tout nucléaire. Eh bien, ma politique à moi, si elle doit reposer sur la diversité des sources d’énergie, nucléaire, économie d’énergie, énergie renouvelable, solaire, biomasse, géothermie ; si elle doit reposer aussi sur le réveil d’un certain nombre d’énergies dites traditionnelles comme le charbon, bénéficiant des grandes techniques modernes, de la carbochimie ; ne m’empêche pas d’imaginer qu’il est possible de répartir dans le temps un programme raisonnable tant que ne seront pas résolus un certain nombre de problèmes qui touchent à l’équilibre naturel, à la santé des personnes, à la sécurité des techniques. J’entends réserver mon jugement et je dis très simplement, au risque de déplaire, là où je m’adresse à des publics comme ceux-ci, ce qui est le cas tous les soirs, que j’entends terminer les centrales en construction, que je n’entends pas mettre en oeuvre celles qui ne le sont pas, et que Plogoff ne figure pas et ne figurera pas dans mon plan nucléaire.(Bruit)