Interruption d'une émission de Radio Riposte, radio libre du PS

29 juin 1979
04m 09s
Réf. 00117

Notice

Résumé :
En 1979, des proches de François Mitterrand organisent une opération médiatique pour mettre en lumière le raidissement du pouvoir giscardien. La police interrompt une émission de Radio Riposte dans les locaux du Parti socialiste et déclenche ainsi un scandale.
Date de diffusion :
29 juin 1979
Source :
TF1 (Collection: JT 20H )

Éclairage

En 1979, deux jeunes députés socialistes, Paul Quilès et Laurent Fabius, créent un projet de radio libre à Paris, Radio Riposte. Ils sont rapidement rejoints par le sénateur Bernard Parmentier.

Cette opération est un coup médiatique organisé par des proches de François Mitterrand afin de dénoncer la mainmise du pouvoir giscardien sur les grands médias. Les suites judiciaires de la grande manifestation interprofessionnelle du 23 mars 1979 servent de prétexte pour inaugurer Radio Riposte. Cette manifestation avait en effet conduit à une spectaculaire répression du mouvement social des sidérurgistes lorrains par les forces de l'ordre puis par les tribunaux.

Radio Riposte est composée d'éléments préenregistrés. Mi-juin 1979, deux tables rondes sont enregistrées au Palais Bourbon avec la participation de juristes réputés, de la mère d'un jeune inculpé et d'un policier syndicaliste anonyme. De même, une allocution de François Mitterrand est enregistrée le 26 juin. Enfin, un duplex est préenregistré avec Radio Lorraine Coeur d'Acier, la radio de la CGT sidérurgie à Longwy. Au total, l'émission dure 68 minutes. Paul Quilès anime cette émission et assure les transitions entre les différents sujets.

Le 27 juin, le service de communication du Parti Socialiste annonce la tenue de l'émission pour le lendemain. Georges Fillioud et Jacques Attali tentent de dissuader François Mitterrand, sans succès.

Le 28 juin, au matin, jour de l'émission, Raymond Barre, premier ministre, avertit les socialistes et rappelle dans Le Figaro que "tous les Français sont égaux devant la loi". Au même moment, François Mitterrand confirme la tenue de l'émission dans l'émission du "petit déjeuner" sur France Inter.

En fin d'après midi, les journalistes des quotidiens nationaux et de la télévision convergent vers le lieu de l'émission, à la Cité Malesherbes, l'annexe du siège du Parti Socialiste. A 19h, l'émission débute. Après quelques minutes, l'émission est brouillée. Des inspecteurs en civil demandent à entrer dans l'immeuble pour procéder à un flagrant délit. Les socialistes refusent. A 21h35, les forces de l'ordre enfoncent la porte et saturent l'air de gaz lacrymogène. Les élus socialistes ceints de leurs écharpes sont évacués manu militari.

Le scandale est immense. François Mitterrand est inculpé. L'opération Radio Riposte est un succès pour le Parti Socialiste qui prouve ainsi le raidissement du pouvoir giscardien.
Félix Paties

Transcription

Dominique Baudis
L’intervention de la police qui pénétrait hier dans les locaux du Parti Socialiste pour interrompre l’émission d’une radio libre, cette intervention a suscité aujourd’hui de très vives polémiques. Rappelons tout d’abord les faits, hier, une radio libre, Radio Riposte, une radio du Parti Socialiste commençait à diffuser une déclaration de Monsieur François Mitterrand. Quelques minutes après le début de l’émission, la longueur d’onde était brouillée, et puis, pensant avoir localisé l’émetteur, les forces de l’ordre se présentaient devant les locaux du Parti Socialiste, cité Malesherbes à Paris. Le commissaire de police se présentait sur ordre du Parquet, il exigeait l’ouverture des bureaux afin de constater le flagrant délit. Les élus et les militants du PS qui se trouvaient à l’intérieur des locaux ont refusé d’ouvrir. Et puis, après une heure de discussion et d’invectives, les policiers ont fait usage de la force pour pénétrer dans les locaux du Parti Socialiste. Au même moment, le Procureur de la République déclarait que cette émission était une atteinte au monopole d’Etat et que par conséquent, elle était illégale. De leur côté, les socialistes protestent contre ce qu’ils appellent le viol d’un parti politique. Voilà les faits, maintenant les réactions.
(Silence)
Christian Bonnet
Il existe deux lois, l’une de 1974, l’autre de 1978, qui interdisent les radios pirates. La loi s’applique à tous et singulièrement à ceux qui sont chargés de faire la loi.
Paul Quilès
Je vous demande, Monsieur le Président, au nom du Groupe Socialiste, de transmettre au Président de l’Assemblée nationale notre protestation vigoureuse contre l’attitude des forces de police dans cette affaire et contre l’attitude du Gouvernement.
François Mitterrand
Nous voulons absolument attirer l’attention des Français sur les manquements, sur les atteintes à un droit fondamental qui est celui de l’information. Nous pensons que la plus grande partie, sinon la totalité, grande majorité des moyens d’information, et les plus puissants, sont totalement dans les mains du pouvoir exécutif et particulièrement du Président de la République Française. Alors, nous voulons attirer l’attention des Français pour qu’ils en prennent bien conscience, nous y parviendrons. Et l’opération Radio Riposte fait partie, en effet, de la campagne que nous avons commencé d’engager. Vous voyez, c’est un moyen qui risque d’être fragile mais on recommencera.
Raymond Barre
Personne en France n’est au-dessus des lois, pas plus Monsieur Mitterrand et le Parti Socialiste que quiconque. Il y a, en ce qui concerne le monopole de la radio et de la télévision une loi que le Parlement a votée. Faut-il ne pas appliquer les lois ? Et je pose la question de savoir comment on peut se vouloir à la fois parti démocratique et se placer délibérément dans l’illégalité, délibérément et publiquement par une sorte de provocation. En troisième lieu, l’opération qui a été conduite hier soir est une opération judiciaire qui a été décidée par le Parquet de Paris. Un délit ayant été constaté, une action judiciaire est maintenant engagée et elle suivra son cours. Alors que le Président de la République est à Tokyo et que le Gouvernement à Paris met tout en oeuvre pour faire face à une situation générale difficile, dont la gravité ne peut échapper à aucun de nos compatriotes ; je ne peux que m’étonner et je le regrette que le Parti Socialiste qui se présente comme un parti de gouvernement se livre à de telles agitations dont on peut se demander si elle ne sont pas en fin de compte de simples opérations de diversions internes.
Dominique Baudis
Le Premier Ministre a ajouté que cette affaire était à ses yeux dérisoire. Mais que de son côté, le Parti Socialiste a chargé deux avocats, Maîtres Badinter et Joannot de déposer plainte pour atteinte à la liberté et dégradation de bâtiment.