La Tranche-sur-Mer avant l'été

01 juillet 1978
04m 24s
Réf. 00501

Notice

Résumé :
La Tranche-sur-Mer reçoit 80 000 touristes en été et compte de nombreux commerces qui font vivre deux tiers des 2500 habitants. Les infrastructures publiques liées à ces activités estivales pèsent sur le budget de la commune qui souhaite une reconversion vers d'autres secteurs économiques, plus stables sur l'ensemble de l'année.
Date de diffusion :
01 juillet 1978
Source :
TF1 (Collection: IT1 13H )

Éclairage

A la fin des années 1970, La Tranche-sur-Mer est une petite ville de 2500 habitants, dont la particularité est de recevoir 80.000 touristes l’été. Le reportage du journal de 13 heures de TF1 le 1er juillet 1978 est l’occasion de montrer aux téléspectateurs l’envers d’un décor de rêve, celui des vacances à la mer. Le choix de La Tranche-sur-Mer au sud de la Vendée illustre l’entrée de ces petits territoires ruraux, longtemps enclavés et laissés à l’écart des grandes opérations planifiées de développement balnéaire des années 1960-1970. Ces villages ont vécu une véritable révolution, et à la fin des années 1970, de nouveaux équilibres sont recherchés, pour fournir des réponses aux problèmes nouveaux qui leur sont posés.
La Tranche, comme on la surnomme aussi, ce sont alors 13 hôtels, 15 campings et 18 restaurants. Si ses nombreux commerces font vivre deux tiers des habitants, beaucoup de devantures n’ouvrent que durant la saison : elles enregistrent alors 80 à 95% de leur chiffre d’affaires. L’avant saison revêt un caractère particulier pour les commerçants qui proposent les articles de plage, jeux, jouets ou souvenirs. C’est en effet entre janvier et mai que les commandes sont réceptionnées, les marchandises déballées, étiquetées et rangées de manière à pouvoir être proposées à la vente sans procéder à aucun réassortiment auprès des fournisseurs durant la saison. Pour le secteur de l’hôtellerie, de la restauration ou des campings, le pic touristique de juillet-août confine au marathon et le souhait de voir se renforcer l’accueil en demi saison est assez général. L’économie agricole, encore dominante 20 ans plus tôt, s’est elle même adaptée. La pratique de la vente directe s’est généralisée. Plusieurs exploitants produisent aussi des fleurs (glaïeuls, tulipes) en complément du jardinage des dunes, dont les traditionnels produits étaient les pommes de terre et les oignons.
Outre ces mutations sociales et économiques, la question des infrastructures publiques liées à ces activités estivales est posée. La municipalité dépense alors près du tiers de son budget pour la saison, avec des activités inconnues l’hiver (sauveteurs en mer, policiers municipaux et garnison de gendarmes mobiles). Par ailleurs, il faut développer les réseaux routier, de communication et d’assainissement. Le mode de développement choisi dévore alors le foncier agricole : La Tranche compte 2.000 villas, pour la plupart fermées l’hiver. Ce que le reportage dénomme assez justement « la monoculture du tourisme » apparaît à la fin des années 1970 comme une faiblesse. Pour le maire, M.Bousseau, les très lourds investissements fragilisent le budget. C’est pourquoi il souhaite une reconversion vers d'autres secteurs économiques, plus pérennes sur l'année. La création d’une zone artisanale, voire d’une zone industrielle, sont alors évoquées, mais force est de constater que c’est plutôt le modèle basé sur la consommation du foncier par des lotissements qui n’a cessé d’animer une vie économique locale toujours très dépendante de la manne touristique.
Thierry Sauzeau

Transcription

Jean-Claude Bourret
Touristes français et étrangers sont donc au coude-à-coude à partir d’aujourd’hui pour l’invasion traditionnelle des villages et petites villes. À La Tranche-sur-Mer, une petite ville de la côte vendéenne, la population va brusquement passer de 2500 à 100000 habitants. Comment peut-on faire face à une telle invasion ? Une enquête de Jean-Paul Flory.
Jean-Paul Flory
De septembre à juin, voilà le visage que présente La Tranche-sur-Mer. Mairie, église, rues presque désertes, bref, un gros bourg tranquille. Mais un bourg doté de 18 restaurants, 13 hôtels, 15 campings, 2000 villas, un bourg pour qui, la saison touristique, c’est un peu la providence. Deux tiers des habitants sont commerçants, et qu’ils possèdent campings, hôtels, boutiques ou meublés, le tourisme représente de 80 à 95 % de leur chiffre d’affaires. Pour eux, juillet et août règlent la vie de presque toute l’année.
Guy Pinson
Dès le mois de janvier, à peu près, les premiers articles rentrent et nous consacrons tous les, de janvier à fin mai à peu près, à recevoir, marquer, ranger la marchandise pour la saison. Parce que ce qui est très important pour nous, c’est que lorsque la saison démarre aux environs de fin mai, que tout soit en place que tout soit prêt. Il n’y a aucune possibilité de réassort, il faut que ça tourne très vite.
Alain Chadeau
C’est un travail très dur pendant deux mois mais disons, dans ces deux mois, disons, on doit, disons, ramasser son salaire presque d’un an. Disons, c’est trop juste, disons, il faudrait une saison qui dure au moins quatre mois. Si l’été durait quatre mois, ce serait absolument parfait. Mais disons, absolument, c’est juillet août et c’est tout.
Jean-Paul Flory
Cette saison si brève, les commerçants professionnels ne sont pas seuls à en profiter. C’est le règne de l’échoppe du bord de route et de l’habitation principale louée aux estivants alors que l’on dort dans le garage. Fait symptomatique, les agriculteurs ont ajouté aux oignons et pommes de terre, leur production traditionnelle, les fleurs, tulipes et glaïeuls, ils organisent même des floralies en avant-saison. Bref, tout le monde ici reçoit à des degrés divers sa part de manne touristique.
Inconnue 1
Ben, je vends que l'été, donc les produits de mon jardin, mais je vends que l'été.
Inconnue 2
Eh bien, pour nous qui avons une petite retraite, ben, ça nous aide. Vous comprenez, on fait le jardin, ce qu’on a de trop, on le vend, et ça nous aide, ça nous rend service.
Jean-Paul Flory
Collectivement aussi, on prépare la saison. Chaque année, la mairie dépense 27 % de ses 7 millions de Francs de budget en opérations saisonnières. Emploi de personnel supplémentaire, cantonniers, CRS sauveteurs, gendarmes de renfort et entretien des installations publiques. Mais il y a plus, avec ces 80000 habitants en été, La Tranche-sur-Mer est un village doté d’une infrastructure de ville et d’une ville qui ne cesse de s’accroître. Jugez plutôt, des parkings d’une capacité de plus de 2000 voitures, une station d’épuration, une usine de broyage d’ordures et le tout à l’égout pour 2000 villas. Bref, des investissements très lourds.
Marcel Bousseau
C’est très lourd, c’est très lourd à supporter, parce que nous avons en frais d’infrastructure plus d’un milliard et demi. Et évidemment, ceci a supposé des emprunts mais des emprunts qui pèsent sur notre budget. Alors, nous pensons que petit à petit, nous réussirons tout de même, mais pour bien réussir, évidemment, il nous faudrait des aides complémentaires, bien sûr !
Jean-Paul Flory
Oui, mais ces aides complémentaires signifieraient un nouveau pas vers la monoculture du tourisme. Or, le tourisme est fragile, la météo, la conjoncture économique, la pollution peuvent le menacer. Alors, on commence à envisager ici des solutions de remplacement.
Marcel Bousseau
Création d'une zone artisanale, création d’une zone industrielle, évidemment, les industries concernées auront un rapport avec la situation géographique où elles sont. Mais enfin, animer ce pays de façon à ce que si le malheur voulait que le tourisme diminue par suite d’événements imprévisibles, qu’au moins, il y ait une autre porte de sortie et que l’économie locale ne soit pas totalement perturbée. Qu’on puisse repartir sur autre chose à défaut de tourisme.
Jean-Paul Flory
Début d’une reconversion, pour l’instant, souhait seulement. Actuellement, classée zone touristique, La Tranche-sur-Mer deviendra sans doute bientôt officiellement station balnéaire, avec subvention accrue à l’appui. Preuve s’il en est qu’ici, les 80000 touristes qui arriveront dès demain représenteront encore longtemps la seule voie d’avenir.