La comédie de l'Ouest en représentation à Angers

06 février 1965
03m 39s
Réf. 00148

Notice

Résumé :

La compagnie la Comédie de l'Ouest est actuellement en tournée. Le comédien Guy Parigot décrit le fonctionnement de la troupe qui interprète, ensuite, une scène de la pièce tragi-comique La Grande Oreille de Pierre-Aristide Bréal.

Type de média :
Date de diffusion :
06 février 1965
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

En septembre 1938, Charles Dullin présente dans un rapport remis au président Daladier la nécessité de décentraliser l'activité théatrale concentrée à Paris. Ce plan va aboutir après la guerre. Entre 1947 et 1952, cinq centres dramatiques régionaux sont créés : la Comédie de l'Est à Strasbourg, le Grenier de Toulouse, La Comédie de Saint-Etienne, la Comédie de Provence à Aix et la Comédie de l'Ouest à Rennes. Subventionnés par l'Etat, ils s'appuient sur des forces locales et ont comme objectif de favoriser l'éducation populaire en organisant des spectacles de qualité. Dans l'Ouest, ce seront des mises en scène d'auteurs récents comme Pierre-Aristide Bréal mais également d'auteurs bretons qui écrivent en français ou en breton.

Guy Parigot, Georges Goubert et Hubert Gignoux sont à l'initiative du Centre dramatique de l'Ouest. En 1974, promu Centre Dramatique National, il devient la "Comédie de l'Ouest", chargée par le Ministère de la Culture d'une mission de création, diffusion et animation dramatique dans les régions de Bretagne, Pays de la Loire et Basse Normandie. De 1974 à 1980 il est dirigé par Guy Parigot en collaboration, à partir de 1981, avec Dominique Quéhec.

Guy Parigot, qui présente dans ce film le centre qu'il a créé, a été également metteur en scène. Il sera plus tard le premier directeur de la maison de la Culture de Rennes.

Martine Cocaud

Transcription

Journaliste
Dites-moi Guy Parigot, comment choisissez-vous avec Georges Goubert et alors sans doute avec vos acteurs, vos pièces de l'année, votre programme de l'année ?
Guy Parigot
Bien d'abord, nous choisissons les pièces que nous avons envie de monter, nous choisissons également les pièces qui correspondent à la compagnie dont nous disposons, enfin qui permettent aux comédiens d'accompagner à tour de rôle, de s'exprimer dans un rôle ou dans des rôles à leurs mesures et des rôles tels qu'ils souhaitent. Et puis aussi pour répondre au goût de notre public qui est vous le savez, divers, nombreux, varié, de tous âges. Et puis, nous essayons également de satisfaire notre mission qui est de présenter un éventail assez ouvert d'un répertoire le plus vaste possible, qui répond à la fois au répertoire classique, enfin qui donne des exemples les plus éminents du répertoire classique, international, de tous les temps. Et puis aussi des pièces contemporaines, des oeuvres contemporaines, qui sont des témoignages du théâtre français ou étranger.
Journaliste
Vous n'avez pas peur de Ionesco, par exemple ?
Guy Parigot
Absolument pas, Ionesco est déjà presque presque un classique d'ailleurs.
Journaliste
C'est presque un classique. Et cette «Grande Oreille», vous allez nous en offrir une scène, un fragment, il se situe où ?
Guy Parigot
Et bien, vous connaissez le thème de la pièce, il s'agit des dragonnades, la pièce se situe en 1695 après l'Edit de Nantes et au moment où on pourchassait partout en France les protestants. Donc nous nous trouvons dans une famille d'un bourgeois de Valenciennes, M. Dupont, qui est candidat à la Mairie d'ailleurs, soit dite en passant, et qui a recueilli sans le savoir d'ailleurs, chez lui un huguenot. Et puis il est dénoncé ce huguenot et M. Dupont va être emmené en prison si ce huguenot n'abjure pas sa religion.
Journaliste
Il est des tortures, enfin dans les coulisses.
Guy Parigot
Oui, tout ça dans les coulisses parce qu'encore une fois, on ne torture que par le rire.
Journaliste
Ça reste sur un ton très joyeux. Et bien maintenant, nous allons regarder ce petit morceau de la «Grande Oreille.»
(Silence)
Acteur (1)
Je vous le ramène.
(Silence)
M. Dupont
Il est libre ?
Acteur (1)
Non mais la prison n'ayant pas étant prévu pour un si grand nombre de détenus et les bourreaux n'étant pas assez nombreux, la consigne est de garder les prévenus à domicile.
Acteur (2)
Les bourreaux sont fatigués peut-être.
Acteur (1)
Mais ils en ont le droit et on peut les plaindre. Vous en auriez fait vos 8 heures, vous seriez comme eux.
Acteur (2)
Mais les autres, comment sont-ils ?
Acteur (1)
Ah pas vrai et ça se comprend aussi. Toi tiens-toi tranquille et cherche pas à filer, je t'ai sous l'oeil, la maison est gardée. A bientôt.
M. Dupont
T'ont ils passé aux brodequins ?
Huguenot
Ah jamais la première fois, la torture c'est comme l'amour. Y a d'abord la déclaration, puis les mignardises, puis les épousailles. A la déclaration, on te tabasse un peu, aux mignardises, on t'en fait voir et aux épousailles, tout le monde appelle sa mère.
Actrice (1)
Ils t'ont poché l'oeil tout de même et ton oreille et ton bras qu'ils t'ont retourné.
Huguenot
Ah ce sont des amateurs va, ils savent pas cogner aux bons endroits.
M. Dupont
Et t'a signé ?
Huguenot
Celui qui me fera signer, il est pas encore né.
Actrice (2)
C'est terrible.
Acteur (2)
Viens Catherine.
Actrice (1)
Je vais te faire les compresses.
Huguenot
Te fatigue pas va, je les connais, dans une heure, ils vont remettre ça.
Actrice (1)
Avec un peu de camomille et de laurier rose, ça t'adoucira.
M. Dupont
Oui et bah tout ça c'est très gentil mais j'aurais préféré qu'ils te passent aux brodequins et que tu signes.
Huguenot
Quand vous y serez passé vous-même, vous en redemanderez pas.
M. Dupont
Je me serai attendri sur ton sort, je suis humain. Enfin, tu aurais signé, je serais tiré d'affaire.
Huguenot
Quand on est passé dans les mains des dragons du Duc de Noailles et qu'on a pas signé, les autres n'ont aucune chance.