René Pleven et la régionalisation

08 avril 1969
03m 30s
Réf. 00211

Notice

Résumé :

Monsieur René Pleven, président du CELIB (Comité d'études et de liaison des intérêts bretons) et député des Côtes du Nord, s'exprime sur la réforme de la régionalisation ainsi que sur la réforme du Sénat.

Date de diffusion :
08 avril 1969
Source :
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Éclairage

Dans ce document en date du 8 avril 1969, René Pleven déclare qu'il votera non au référendum sur la régionalisation et la réforme du sénat proposé par le général de Gaulle. A la suite de ce référendum, le général démissionne et la nouvelle élection présidentielle voit la victoire de Georges Pompidou, auquel René Pleven s'est rallié. Le nouveau président fait de Pleven son nouveau Garde des Sceaux.

Pleven, né à Rennes en 1901 est une grande figure politique bretonne du XXe siècle. "Bleu de Bretagne", catholique mais non clérical, issu d'une famille militaire, René Pleven devient un industriel en 1929 en occupant la fonction de directeur général pour l'Europe de l'Automatic Telephone Company. Cette expérience lui vaut de devenir en 1940 le principal collaborateur de Jean Monnet à la tête du Comité d'organisation des achats d'armement.

Rallié au général après l'appel du 18 juin, c'est durant la Seconde Guerre qu'il fait l'apprentissage des responsabilités gouvernementales. : il ordonne les finances de la France Libre, et jette les bases de son administration. En décembre 1944, il devient ministre des finances du Gouvernement Provisoire de la République Française. Il s'oppose alors à Pierre Mendès France sur la politique financière à mener, qu'il ne veut pas trop dirigiste. Le général tranche en sa faveur. En 1945, il se fait élire député des Côtes-du-Nord sous le sigle UDSR, parti qu'il a contribué à fonder en juin 1945. Il conserve ce poste jusqu'en 1973 avec une courte interruption sous la seconde Assemblée constituante.

En 1946 il démissionne du gouvernement et entre dans l'opposition. A la tête de l'UDSR en 1947, Pleven se sépare de de Gaulle en 1948 car ils sont en désaccord sur la constitution de la quatrième République. Pour Pleven il faut l'amender et non la supprimer. En 1950, Pleven forme un nouveau gouvernement alors que la guerre de Corée éclate. Cette crise internationale pèse sur ses décisions. Pleven propose la création d'une Communauté européenne de défense à laquelle participerait la RFA. Un projet qui échoue cependant. Il tente une réforme de la loi électorale qui n'aboutit pas et démissionne le 28 février 1951. Il reforme un gouvernement fin 1951 qui est renversé en janvier 1952. Ministre de la défense de 1952 à 1954, en pleine guerre d'Indochine, il est en poste lors de la défaite de Diên Biên Phu. L'arrivée de Mendès-France au pouvoir signifie pour lui la traversée du désert.

Rappelé en 57 et en 58, il vote l'investiture du gouvernement du général de Gaulle et approuve la Ve République, ce qui l'oblige à quitter l'UDSR alors dirigée par François Mitterrand. Favorable à la politique algérienne du Général, favorable à l'entrée de la Grande Bretagne dans la CEE, il est inquiet devant la personnalisation du pouvoir. De retour sur le devant de la scène en 1969, il est battu aux législatives de 1973 et démissionne du gouvernement.

Européen fervent, il annonce en 1992 qu'il votera oui au traité de Maastricht et s'éteint un an après.

Bibliographie :

- Eric Duhamel, "Pleven René", dans Jean-François Sirinelli (dir), Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe siècle, Paris, PUF, 2003, p 950-955.

Etienne Mathieu

Transcription

(Silence)
Journaliste
Monsieur le président, la réforme régionale est-elle opportune ?
René Pleven
La réforme régionale est opportune si elle répond à certaines conditions, et ces conditions avaient été très clairement précisées par les principaux organismes régionaux, lorsque le gouvernement a demandé leur avis. Il y avait en particulier deux conditions essentielles. C'est que la régionalisation n'entraîne pas des charges supplémentaires pour les contribuables locaux. Et d'autre part, que les conseils régionaux soient des conseils élus au suffrage universel. Je constate que aucune de ces conditions n'est remplie.
Journaliste
Que pensez-vous de la régionalisation et des conseils régionaux ?
René Pleven
Eh bien, ce qu'on attendait des conseils régionaux, c'est comme je viens de le rappeler, qu'ils soient élus au suffrage universel. Et autant que possible, élus d'une manière qui ne les politise pas outre mesure. On introduit tous les députés de doit dans les conseils régionaux, ce qui crée une politisation maxima, et d'autre part, le nombre des conseillers régionaux élus par les conseils municipaux et par les conseils généraux sera inférieur à celui des délégués non élus ; je crois que c'est déplorable. D'autre part, j'observe que les conseils régionaux n'auront même pas le pouvoir qui est donné à tous les conseils municipaux et à tous les conseils généraux d'élire librement leur président. Le président devra changer obligatoirement tous les 2 ans, changer de catégorie, en face d'un préfet qui lui, aura tous les pouvoirs que détiennent actuellement tous les ministres. Ce n'est pas de la décentralisation, ça n'est pas de la participation.
Journaliste
Monsieur le président, que pensez-vous de la réforme du Sénat ?
René Pleven
La réforme du Sénat n'aurait pas dû, à mon avis, être liée à la réforme régionale. Celle-ci n'a d'influence sur le Sénat que dans la mesure où on veut changer la circonscription qui élit les sénateurs, mais on va beaucoup plus loin. En réalité, comme l'a très bien dit le président Poher, on transforme le Sénat en conseil économique, mais ce ne sera pas un bon conseil économique parce que il sera mélangé à des éléments politiques. Je n'ai jamais vu que les mariages de carpes et de lapins donnent de bons résultats.
Journaliste
Avez-vous un mot de conclusion monsieur le président à ce sujet ?
René Pleven
Oui, je voterai non, parce que je suis un régionaliste convaincu, parce que je suis persuadé que la régionalisation telle qu'on nous l'apporte ne correspond pas aux aspirations que nous avions, et qu'elle aboutira à des charges très lourdes pour les contribuables, que je ne suis pas pour une assemblée unique et pour toutes ces raisons, très simplement, très..., sans ... hargne, mais fermement, je voterai non et j'inviterai mes concitoyens à voter non.