Le CELIB, Comité d'étude et de liaison des intérêts bretons

09 décembre 1985
02m 11s
Réf. 00190

Notice

Résumé :

Rétrospective sur la création du CELIB qui selon René Pleven est né de la prise de conscience de quelques hommes de se rassembler - malgré leurs divergences politiques - afin de moderniser la région Bretagne.

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Date de diffusion :
09 décembre 1985
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Éclairage

Le CELIB (Comité d'études et de liaison des intérêts bretons) est né d'un constat accablant sur la situation économique bretonne, un constat et un retard dont prend conscience la Bretagne ou plutôt ses élites ainsi qu'une partie de la population. La parution par Jean-François Gravier d'un ouvrage au titre provocateur, Paris et le désert français, secoue d'autant plus la Bretagne qu'elle est un témoignage de ce "désert". Cette prise de conscience quasi générale concerne tous les domaines. Aussi, les dirigeants bretons ont ils voulu mener une action visant à "rattraper le retard" de la région.

A Quimper, à la veille des fêtes de Cornouaille, le 22 juillet 1950, 150 personnes de tous horizons se retrouvent pour évoquer l'action à mener en faveur de la Bretagne ; sont là : des représentants du mouvement breton (surtout des associations culturelles), des élus de tous les partis politiques sauf les communistes, des membres des assemblées consulaires et des organisations professionnelles, en attendant les syndicats. Un échec ce jour-là aurait été définitif, mais d'emblée les discours du maire RPF (Rassemblement pour le peuple français) de Quimper, Joseph Halléguen, et de Joseph Martray annoncent la nécessité de créer un organisme pour que les Bretons prennent eux-mêmes en main leur vision de l'avenir de la région.

Ce nouvel organisme regroupant le maximum d'élus, de responsables économiques, sociaux, culturels devra parler et agir au nom de la Bretagne. De cette réunion naît le CELIB et à la fin de l'année est élu un bureau provisoire dont la composition reflète la volonté d'union : deux RPF dont le maire de Quimper, deux socialistes, un représentant des organisations professionnelles, un des organisations consulaires et enfin un représentant de l'Association bretonne. Le secrétaire général et véritable animateur est Joseph Martray. Le président élu en 1951 est René Pleven qui le resta 21 ans.

Pour en savoir plus :

Joseph Martray, journaliste, publie en 1947 Le problème breton et la réforme de la France. Dès 1948, il crée une revue trimestrielle, Le Peuple breton, qui se veut l'organe du "mouvement breton tout entier" et développe les thèmes de la modernisation, de l'industrialisation, de la construction de l'Europe. Il était en effet président de la fédération bretonne de l'Union fédéraliste des communautés et régions européennes. Cette démarche pro-européenne et fédéraliste signifiait vers 1949-1950 une démarche politique tournée vers l'avenir, prenant en compte le cadre d'un État français centralisé mais qui vient de créer une direction à l'aménagement du territoire. Cette attitude pragmatique inclut une attitude de dialogue avec l'État sur les points vitaux du développement de la région avec l'appui des élus. Lors des élections législatives de juin 1951, le CELIB demande aux candidats de s'engager à constituer un intergroupe parlementaire breton pour défendre les dossiers élaborés au CELIB. Tous, sauf les communistes, acceptent.

Le 5 août 1951, le CELIB se constitue en association selon la loi 1901 ; ses statuts sont déposés le 30 octobre (Journal Officiel du 23 novembre 1951). Un homme joue un rôle majeur : René Pleven, député des Côtes-du-Nord, ministre et président du Conseil à plusieurs reprises. La présidence du CELIB lui est proposée à l'unanimité peu de temps avant qu'il ne redevienne président du Conseil. Quatre autres parlementaires deviennent vice-présidents : un RPF (Joseph Halléguen), un démocrate-chrétien (Paul Ihuel), un socialiste (Tanguy Prigent) et un radical (André Morice). Cette structure témoigne d'une volonté de pluralisme politique et du souhait d'envisager la Bretagne dans ses frontières historiques (les cinq départements) et non dans le cadre régional administratif à quatre départements.

La période était propice : contexte de croissance économique générale et de renouveau de la pensée économique et sociale favorable au développement de l'Etat-Providence, à une planification incitative et à la construction européenne. L'action du CELIB est favorisée par la situation politique française dans les années cinquante. Cette action passe par le groupe des députés bretons qui peut faire pression sur un gouvernement à la majorité souvent fragile. Logiquement, les premiers dossiers concernent le monde rural et sa modernisation. Pour éviter un effet catalogue, le CELIB met au point au début des années 50 une planification adaptée à la Bretagne, le "plan breton". Encore fallait-il le faire avaliser par le gouvernement : ce qui fut fait moyennant des aménagements. Mais sa réalisation incomplète, lente et difficile a entraîné de nombreux conflits. En 1961, dans son livre Avenir de la Bretagne, René Pleven cite quelques chiffres qui en disent long sur le retard de la Bretagne en 1950 et les débuts difficiles de sa modernisation.

L'existence même du CELIB est une nouveauté et une originalité. Pour la première fois, tous les parlementaires et tous les représentants économiques et sociaux d'une région élaborent ensemble des propositions constructives pour l'avenir de leur région. Pourquoi ? Pour mettre fin à l'archaïsme de la région certes, mais est-ce par volonté profonde de modernisation ? Pour conserver l'identité de la région ? Pour conserver leur emprise sur la population ? Ces trois objectifs sont sans doute au cœur des préoccupations des uns et des autres, dans des proportions variables.

Bibliographie :

- Jean-Pierre Cressard. Le CELIB, cinquante ans. Quand la Bretagne s'est réveillée, Coop Breizh, Spézet, 2000.

Jacqueline Sainclivier

Transcription

Commentateur
A sa seconde réunion, ce comité de liaison devient comité d'étude et de liaisons des intérêts bretons, c'est-à-dire C.E.L.I.B.au lieu de C.L.I.B. Communistes exceptés, gauche et droite y cohabitent. Les députés socialistes, Antoine Mazier, élu des Côtes du Nord et Tanguy Prigent, ancien ministre de l'agriculture s'accordent avec le maire RPF de Quimper, Jo Halléguen ou le MRP morbihannais Paul Ihuel sur la nécessité de moderniser la Bretagne. A sa manière, chacun est un peu régionaliste mais surtout pas nationaliste. Nulle opposition à l'Etat dans leurs démarches mais la volonté d'obtenir les équipements nécessaires au développement économique de la Bretagne. Lors d'un précédent anniversaire, René Pleven et Georges Lambard se remémoraient déjà l'état d'esprit des pionniers du C.E.L.I.B.
Journaliste
Qu'est-ce qui a fait que le C.E.L.I.B.un jour est né un jour en Bretagne ?
Inconnu
Le C.E.L.I.B.est venu, est né un jour en Bretagne du fait qu'un certain nombre d'hommes qui appartenaient à des départements différents et à des départements bretons et qui étaient d'opinions politiques différentes, ont constaté en se fondant sur leur expérience parlementaire de 4 ou 5 années qu'ils ne sauraient efficaces que si ils pouvaient parler au nom de la Bretagne toute entière. Et je suis resté profondément fidèle au souvenir d'hommes comme Ihuel, qui était à ce moment là député du Morbihan comme mon ancien collègue des Côtes du Nord, Mazier, qui était député socialiste des Côtes du Nord, comme Halléguen qui était député gaulliste de Quimper, Martray bien entendu qui a été notre premier secrétaire général. Nous sommes tous trouvés d'accord pour penser que c'était uniquement par l'union des Bretons et pas seulement des parlementaires mais de tout ce qui représentait quelque chose en Bretagne, que nous pourrions faire entendre à Paris avec le poids nécessaire des, je n'appelle pas ça des revendications, mais des besoins essentiels profonds de notre région.