La Bretagne sans télé
Notice
Dans la nuit du 13 février, l'émetteur de Roc Trédudon, dans le Finistère, a été plastiqué par les indépendantistes du FLB. Une partie de la Bretagne, notamment Guigamp, est depuis privée de télévision. Sans télé, les Bretons apprennent à vivre différemment.
Éclairage
Si en février 1974 une partie de la Bretagne ne reçoit plus la télévision pendant plusieurs semaines, c'est parce que l'émetteur de télévision de Roc Tredudon a été détruit durant la nuit du 13 au 14 février. Cet émetteur de 220 mètres, situé sur la commune finistérienne de Plounéour-Ménez, dessert la majorité du Finistère et une grande partie des Côtes-d'Armor pour la télévision hertzienne. Cet attentat est revendiqué le lendemain par le FLB, Front de Libération de la Bretagne, alors que l'on a retrouvé sur le site de l'explosion des inscriptions "FLB-ARB" et "Evit ar Brezhoneg" (pour la langue Bretonne). L'attentat a semble t-il été perpétré pour plusieurs raisons, parmi lesquelles la censure qui a frappé un journaliste de télévision breton. En effet, pendant les informations en langue bretonne, qui sont à l'époque diffusées à raison d'une minute et trente secondes deux fois par semaine, le journaliste Charles Le Gall est censuré pour avoir parlé à l'antenne de la création de comités de soutien aux prisonniers bretons au début du mois de février. Cependant, au-delà de cet incident, cette action était menée contre l'institution que représente à l'époque la télévision, encore largement aux mains du pouvoir contre lequel lutte le FLB, ainsi que pour protester contre le faible temps d'antenne accordée à la langue bretonne par l'ORTF. L'originalité de l'acte et le désagrément causé pour près d'un million de bretons a attiré l'attention sur le FLB, puisque l'attentat a fait l'objet d'une importante couverture médiatique aussi bien nationale qu'internationale.
Créé en 1966, le Front de Libération de la Bretagne s'est principalement fait remarquer entre la fin des années 1960 et le début des années 1980 par de nombreux attentats perpétrés à l'encontre de symboles de l'État Français. Des attentats à l'explosif visant des bâtiments, mais qui ne doivent en théorie blesser ou tuer personne, afin d'attirer l'attention sur les problèmes bretons. Cependant l'explosion de l'émetteur de Roc Tredudon fit une victime collatérale, Pierre Péron le vice directeur du centre qui a succombé d'une crise cardiaque au moment de l'attentat. Si l'affaire a fait couler beaucoup d'encre à l'époque, personne n'a été arrêté suite à l'amnistie présidentielle accordée par Valéry Giscard d'Estaing en juillet 1974. Une absence de coupable qui est aussi à l'origine de nombreuses rumeurs dans les années 1970 et 1980, certains accusant la police ou encore l'Armée Française, alors en manœuvre dans la région, d'avoir voulu discréditer le FLB dans la région.
Mais au-delà du simple fait divers que constitue l'explosion de cet émetteur, cet évènement est révélateur d'une évolution profonde de la société française et notamment dans ce cas précis de la société bretonne. La télévision ne s'est démocratisée que depuis peu de temps, mais les réactions recueillies témoignent déjà de l'importance de la télévision dans les foyers bretons. Des réactions que l'on peut juger parfois disproportionnées de la part de ces personnes qui se retrouvent privées de la télévision et qui montrent bien qu'en 1974 les français et les bretons sont bien entrés dans la modernité. Il est frappant de se rendre compte que, même si les témoignages recueillis ici ne peuvent être généralisés à l'ensemble des bretons, la télévision semble s'être imposée devant les divertissements et lieux de sociabilité habituels tels que la lecture, le cinéma ou bien encore les bistrots. Ainsi, si l'attentat a été le révélateur d'un certain malaise en ce qui concerne la représentation de la Bretagne et de langue bretonne à la télévision, ce documentaire nous montre qu'en très peu de temps cette dernière s'est imposée non pas comme comme un simple média mais comme le principal moyen de détente et de divertissement des bretons.