L’annexion de l’Alsace à l’Allemagne de 1871 et ses conséquences
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Le 10 mai 1871, le traité de Francfort qui met fin à la guerre entre la France et les États allemands prévoit la cession de l’Alsace-Lorraine à l’Empire allemand, récemment formé. Le demi-siècle de la période allemande, jusqu’en 1918, entraîne des mutations politiques, sociales et culturelles, parfois encore visibles.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
11 mai 2011
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Contexte historique
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
En 1871, l’Alsace-Lorraine est annexée au Reich allemand, un évènement qui a marqué l’histoire régionale, mais qui est aussi fondamental pour comprendre l’histoire européenne.
En août 1870, la guerre éclate entre la France et les États allemands menés par la Prusse. Les troupes allemandes s’imposent, notamment à Wissembourg et à Reichshoffen. La France est dans une situation catastrophique : l’empereur Napoléon III est capturé à Sedan et les armées allemandes remportent les sièges de Strasbourg, de Metz et de Paris. Le 4 septembre 1870, le Second Empire s’effondre et la IIIe République, nouvellement proclamée, décide de poursuivre la guerre. Le 10 mai 1871, le gouvernement signe le traité de Francfort qui prévoit la cession de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine à l’Allemagne, désormais unifiée dans un empire. Le territoire de Belfort, qui appartenait au département du Haut-Rhin, reste français : Adolphe Thiers réussit à négocier sa conservation, les troupes prussiennes n’ayant pas réussi à s’emparer de la ville malgré 107 jours de siège.
La guerre de 1870 s’explique en partie par le processus d’unification de l’Allemagne, projet du chancelier Otto von Bismarck, car le traité de Francfort est précédé par la proclamation du Reich, le 18 janvier 1871. Après la victoire sur l’Autriche en 1866, qui permet à la Prusse de s’imposer comme la puissance germanique dominante, la guerre avec la France accélère l’unification. Par ailleurs, l’influence du pangermanisme au milieu du XIXe siècle motive l’annexion de l’Alsace-Lorraine : cette idée politique promeut le rassemblement des germanophones au sein de la Grande Allemagne. En effet, la culture et notamment le partage d’une langue, est à la base de la définition allemande de la nation, tandis que dans la définition française, l’État préexiste à la nation, qui est une communauté exprimant son désir de vivre ensemble. Néanmoins, l’irrédentisme allemand ne saurait expliquer à lui seul les enjeux territoriaux de la guerre de 1870 puisque la nouvelle frontière ne respecte pas le découpage linguistique : des territoires annexés comme la région de Metz ou le pays welche sont francophones mais présentent un intérêt militaire et économique.
L’Alsace-Lorraine annexée obtient un statut particulier, c’est un Reichsland soit une « terre d’empire », et non un membre de la fédération allemande. Les territoires annexés sont régis par l’Empereur, contrairement aux autres États qui possèdent un souverain et une constitution. En réalité, l’intégration est progressive et en 1874, l’Alsace-Lorraine obtient le droit d’envoyer des députés au Reichstag, le parlement impérial. Un Landesausschuss (comité régional) est aussi créé mais sa fonction n’est, dans un premier temps, que consultative. En 1911, le Kaiser donne une constitution au Reichsland, lui accordant une plus grande autonomie. L’Alsace-Lorraine devient un État fédéré, représenté au Bundesrat et possédant un parlement régional (Landtag). L’entrée en guerre de 1914 montre cependant toute la fragilité de cette intégration : quelques jours avant les hostilités, la constitution est suspendue et une dictature militaire est instaurée.
Néanmoins, l’intégration de l’Alsace-Lorraine au Reich se fait aussi par sa germanisation, puisque le partage d’une même culture est le socle de cet État-Nation. Le traité de Francfort offre le choix aux Alsaciens-Lorrains de garder la nationalité française s’ils quittent la province avant octobre 1872 ; ceux-ci sont appelés les « optants ». Les grandes villes deviennent des vitrines du Reich. Les quartiers impériaux – comme la Neustadt à Strasbourg – apparaissent, où les styles néo-classiques, néo-romans et Jugenstil se côtoient. Symbole du rayonnement intellectuel allemand, la Kaiser-Wilhelm-Universität de Strasbourg ouvre ses portes en 1872. Tout est fait pour intégrer rapidement l’Alsace-Lorraine à l’empire. En 1908, le Haut-Koenigsbourg est inauguré, transformé en un monument à la gloire de la germanité de l’Alsace : trônant sur les Vosges, il marque la limite occidentale de l’empire allemand.
Éclairage média
ParProfesseur agrégé d’histoire, Doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg
À l’occasion des 140 ans de l’annexion de l’Alsace-Lorraine au Reich allemand, le 10 mai 1871, les équipes de France 3 Alsace ont réalisé un court documentaire sur cet évènement et ses conséquences directes. C’est donc un documentaire principalement commémoratif qui a été diffusé le 10 mai 2011 dans l’édition du soir du journal télévisé.
Pour alimenter leur dossier, les journalistes Éric Proenca et Odile Barthélémy interrogent d’abord Jean-Marie Woehrling, juriste et directeur de l’Institut du droit local Alsacien-Mosellan – une association qui promeut une meilleure connaissance du particularisme juridique. Il s’exprime sur les modalités du tracé des nouvelles frontières. L’équipe est aussi allée à la rencontre de Pascale Verdier, conservatrice du patrimoine et directrice des Archives Départementales du Bas-Rhin depuis 2003. Pascale Verdier, qui participé à l’organisation de l’exposition « Affinités électives ? 1911, l’Alsace-Lorraine et l’Empire allemand » en 2011 et dont on peut voir l’affiche à l’écran, explique ici le fonctionnement politique et administratif du Reichsland, ainsi que le volet urbanistique de l’annexion.
Afin d’illustrer ce propos, les journalistes ont mobilisé des sources et notamment des cartes postales, des dessins et des photographies d’époque montrant par exemple le siège de Strasbourg ou une séance du Landesausschuss. Ces sources permettent de mettre en relief la guerre de 1870 et ses conséquences, dont la mémoire a été largement éclipsée par les deux grands conflits du XXe siècle. La carte présentée dans le reportage est une réalisation française, publiée dans un manuel de géographie, soulignant que le thème de la “Revanche” de la France sur l’Allemagne, tout comme celui des “provinces perdues” d’Alsace-Lorraine, ont participé à la cristallisation du nationalisme français.
Néanmoins, l’objectif du reportage est aussi faire un pont avec la période plus récente et de montrer comment l’annexion a durablement marqué les espaces concernés. De ce fait, plusieurs plans font voir des bâtiments de l’époque allemande, comme l’actuel Théâtre National de Strasbourg qui était le siège du parlement d’Alsace-Lorraine, le Palais universitaire, principal bâtiment de la Kaiser-Wilhelm-Universität ou le Palais du Rhin, qui était la résidence impériale de Guillaume II. Si le propos du documentaire concerne l’ensemble du Reichsland, il a néanmoins été tourné exclusivement à Strasbourg et ne comprend aucune vue de la Moselle, ni du reste de l’Alsace.
La mémoire de l’annexion allemande ainsi que les marques qu’elle a laissé n’ont pas toujours été l’objet d’une telle considération. La patrimonialisation des réalisation allemandes, c’est-à-dire le processus de création du patrimoine par une société, s’est heurté à la mémoire complexe d’une région qui a changé quatre fois de main en l’espace d’un siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, le patrimoine allemand est associé à “l’ennemi”, à tel point qu’en 1957 il est question de détruire le palais du Rhin. Il faut attendre les années 1980, et notamment la réconciliation mémorielle franco-allemande, pour que le processus de réhabilitation démarre. Depuis les années 1990, l'apaisement mémoriel permet une production accrue de contenus scientifiques et culturels. Les années 2010 enfin sont celle d’une véritable médiatisation dont ce documentaire en est le témoin. Ce processus de patrimonialisation trouve sa consécration dans dans l’inscription de la Neustadt de Strasbourg au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2017.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Grégory Fraize
On a beaucoup parlé ces derniers jours du 10 mai 1981, beaucoup moins du 10 mai 1871.Il y a 140 ans, l’Alsace et une bonne partie de la Lorraine étaient cédées à l’Allemagne.La fin de la guerre franco-prussienne mais le début de près d’un demi-siècle de souveraineté germanique.C’est un dossier signé Eric Proenca avec Odile Barthelemy.
Eric Proenca Pina
Début 1871, Belfort est assiégée.Strasbourg, Paris et une grande partie de la France sont occupées.L’Armistice signé avec le chancelier allemand Bismarck, les négociations commencent.L’Alsace et la Lorraine vont être annexées.
(Bruit)
Jean-Marie Woehrling
L’argument linguistique a été utilisé mais n’a pas été appliqué dans toute sa rigueur.Il y a une partie des territoires qui sont des territoires traditionnellement francophones qui ont été annexés pour des raisons stratégiques ou pour des raisons économiques.Inversement, pour ce qui est de Belfort, c’est la résistance héroïque de la ville qui a été en quelque sorte récompensée par son maintien dans le giron de la souveraineté française.
Eric Proenca Pina
En quelques semaines, un statut est élaboré.L’Alsace devient Reichlsand, un pays d'Empire.
Pascale Verdier
Elle ne dispose pas de Parlement.En fait, elle est administrée directement par Berlin et par le représentant de l’empereur.Donc, les Alsaciens, de fait, ne sont pas des citoyens allemands comme les autres.Ils n’ont pas de roi comme la Prusse avait un roi, par exemple, voilà.Ils n’ont pas de gouvernement autonome.
Eric Proenca Pina
Les changements institutionnels qui ne conviennent pas à une grande partie de la population : les routes se couvrent de réfugiés.
Pascale Verdier
Le traité prévoyait une possibilité pour les Alsaciens habitant l’Alsace d’opter pour la nationalité française.Mais s’ils faisaient ce choix, ils devaient quitter la province.Vous avez à peu près 125 000 personnes qui ont quitté l’Alsace et qui sont parties en France dite de l’intérieur, beaucoup en Lorraine, jusqu’à Reims.
Jean-Marie Woehrling
On sait ce que pensait l’élite de la population, la bourgeoisie, la partie éduquée de la population, qui a écrit.Ceux qui n’ont pas écrit, ils n’ont pas laissé de trace, on ne sait pas ce qu’ils ont pensé.La partie éduquée a vécu cela comme un drame parce qu’elle était déjà très profondément intégrée dans la vie culturelle française.Pour les autres, ils l’ont pris sans doute avec plus de distance.
Eric Proenca Pina
L’Alsace est dotée d’une assemblée, le Landesausschuss.La présence allemande marque le droit mais aussi les villes, dont Strasbourg.
Pascale Verdier
Il faut s’imaginer des garnisons, des militaires, mais aussi des ouvriers du bâtiment.On a vu la création de la Neustadt, le quartier autour de la place de, l’actuel quartier autour de la place de la République, la Poste, tous ces bâtiments.Pendant 40 ans, Strasbourg a été une ville de chantier.
Eric Proenca Pina
D’abord plutôt libéral, le régime allemand va progressivement devenir plus autoritaire, à l’approche de la Première Guerre mondiale.C’est l’Armistice qui mettra fin en 1918 à ces 47 ans d’annexion.
Grégory Fraize
Et pour en savoir plus, je vous encourage à vous rendre sur notre site Internet à l’adresse www.france3.fr/regionalsace.Vous y trouverez des interviews supplémentaires et bien d’autres informations.
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