Les dialectes alsaciens des origines à nos jours [en alsacien]
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Résumé
Ce reportage est consacré aux origines des dialectes alsaciens et à leur évolution au fil des siècles en lien avec les grandes étapes de l’histoire de la région, longtemps disputée entre la France et l’Allemagne. Il permet aussi d’entendre la diversité de ses parlers aujourd’hui.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
24 juil. 2002
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Contexte historique
ParProfesseure certifiée d'histoire-géographie au Lycée Marc Bloch de Bischheim
L’alsacien n’est pas une langue. Derrière ce terme se cachent en réalité plusieurs langues régionales - ou dialectes - d’origine germanique. Ce qui les distingue d’une langue, c’est qu’elles ne sont pas devenues des instruments de gouvernement au sein d’un pays tout comme le français ou l’allemand. Les dialectes alsaciens se sont implantés dans la région à partir du IVe siècle à l’occasion des invasions germaniques. Deux peuples germains se sont principalement implantés là : les Alamans d’abord puis les Francs qui parvinrent à s’imposer aux premiers dès le début du VIe siècle. Les autochtones, qui étaient des locuteurs gallo-romans (dialecte welche) se sont alors repliés dans les hautes vallées vosgiennes (Bruche, Lièpvre, Sainte-Marie-aux-Mines, Lapoutroie). Le Rhin supérieur s’est ainsi durablement inscrit dans le groupe linguistique germanique avec le francique des Francs d’une part et l’alémanique des Alamans d’autre part. Il n’existe donc pas de langue commune mais une riche variété de vocabulaire, de sonorités, de sensibilités jusqu’à la réforme protestante au XVIe siècle, au moment où Martin Luther entreprend de traduire la Bible en allemand. Le dialecte dans lequel il la traduit en 1522 devient alors le Hochdeutsch, l’allemand standard de référence. Ce dernier s’impose à l’écrit mais à l’oral les différents dialectes germaniques se maintiennent.
La conquête de la rive gauche du Rhin par Louis XIV, scellée par les traités de Westphalie en 1648, marque un nouveau tournant dans l’histoire linguistique de la région. La mise en place de l’administration royale s’accompagne en effet de l’introduction d’une nouvelle langue, le français. Depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêt signé par le roi François 1er, l’usage de la langue française est imposé à tous les sujets du royaume. Elle a depuis lors le statut de langue officielle et étend son influence dans les régions contrôlées par le roi. Les dialectes alsaciens se retrouvent ainsi peu à peu cantonnés aux échanges de la vie quotidienne et familiale à l’instar de l’ensemble des langues régionales utilisées sur le territoire français (corse, catalan, breton, basque ou encore occitan). Les régimes français successifs s’accordent en effet tous à développer une politique linguistique tendant à imposer le français au détriment des langues régionales.
Le rattachement à l’Empire allemand de la Moselle et de l’Alsace à l’issue de la guerre franco-prussienne de 1870 se manifeste par le remplacement jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale en 1918 du français par l’allemand dans l’administration et à l’école. Le retour à la France en 1918 inverse une nouvelle fois la situation mais avec une plus grande sévérité des autorités françaises à l’égard des populations locales, que l’on souhaite à tout prix franciser. La même sévérité caractérise les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale au moment de l’annexion de l’Alsace. La nazification intense du Rhin supérieur s’est en effet accompagnée d’une volonté d’imposer le Hochdeutsch au détriment des dialectes régionaux.
A partir des années 1950, leur usage s’est progressivement étiolé avec le retour définitif à la France. Le français est en effet à nouveau imposé comme seule langue officielle au détriment des dialectes alsaciens. Pour ce faire, des instituteurs de langue française sont nommés dans les communes alsaciennes afin d’obliger les élèves à parler français aussi. Les collectivités territoriales travaillent à enrayer cette évolution depuis les années 1970 en promouvant à nouveau l’apprentissage du dialecte et le développement de l’option Langue et Culture régionales dans les établissements scolaires. 40 % des Alsaciens se déclarent encore dialectophones aujourd’hui contre plus de 60% en 2000 et plus de 90% en 1945.
Éclairage média
ParProfesseure certifiée d'histoire-géographie au Lycée Marc Bloch de Bischheim
Le reportage se compose de deux grandes parties dans lesquelles des universitaires sont invités à éclairer les téléspectateurs sur la thématique de l’alsacien.
La première partie est consacrée à la mise en place des dialectes et à leur évolution au fil des siècles. Dominique Huck, maître de conférence en dialectologie à l’université Marc Bloch de Strasbourg au moment du reportage, relate les grandes étapes de cette histoire en s’appuyant sur différents documents qui sont montrés à l’écran. A une gravure représentant un atelier d’imprimerie à la Renaissance et un portrait de Martin Luther succède la photo d’une bible imprimée en langue allemande. Les idées de la réforme ont en effet largement profité de l’invention récente de l’imprimerie pour se diffuser rapidement. L’Alsace étant alors germanophone, l’écho des thèses luthériennes fut immédiat. Afin de souligner la difficile introduction du français à partir du XVIIe siècle, l’universitaire a choisi de montrer une gravure représentant la Guerre de Trente Ans (1618-1648), qui embrase toute l’Europe et surtout le Rhin supérieur, ainsi que le texte rédigé par les Strasbourgeois en 1681 signifiant leur capitulation devant la France. Une affiche représentant une chanson des frères Albert (1874-1930) et Adolphe (1874-1944) Mathis, des poètes alsaciens soucieux de défendre leur dialecte et de montrer qu’il peut aussi être au service de l’art et de la culture, permet de voir la situation particulière de la population locale. La chanson qui s’intitule Mer sin Franzeesch (nous sommes français) montre l’attachement de la population à la France, même si elle n’en partage pas la langue maternelle. Pour attester de la politique de nazification, une célèbre affiche vilipendant la culture française est présentée avec son pendant d’après-guerre témoignant de la politique de francisation. Sur la première affiche l’ensemble des symboles français (Marianne, coq, libertés, …) sont rejetés avec le slogan Hinaus mit dem deutschen Plunder (dehors le coq français !). La seconde reprend la même démarche dénonçant les traces germaniques à balayer (croix gammée, aigle allemand, presse censurée,…)
Dans la seconde partie du reportage, Arlette Bothorel, professeure de dialectologie à l’université Marc Bloch de Strasbourg, se propose d’entendre et de localiser les principales déclinaisons dialectales de la région. Elle s’appuie pour cela sur quatre locuteurs représentatifs des quatre principaux dialectes alsaciens : francique rhénan, francique rhénan méridional, bas alémanique et haut alémanique. A partir d’une phrase complexe prononcée par chacun d’eux, les différences apparaissent nettement tant pour l’accent que pour certains termes utilisés. Des cartes sont proposées afin de montrer la répartition spatiale des différents dialectes. Une carte représentant plus largement l’espace germanique avec un découpage en trois zones principales (bas allemand, allemand moyen et allemand supérieur) permet de mieux comprendre cette variété. Le bas-allemand se pratique dans le sud de la région, l’allemand moyen de l’Alsace centrale jusqu’au nord et le haut allemand sur les marges septentrionale de la région. Cependant, la stricte délimitation des zones de diffusion peut être interrogée, des zones de transition existant par essence pour toutes les langues régionales utilisées en France.
Enfin, le reportage s’achève comme il a commencé par une intervention de la reporter. Elle propose ici un éventail de personnes et associations engagées au service de la défense des dialectes alsaciens. Parmi eux sont évoqués les traducteurs de BD comme celles de Hergé avec l’exemple de L’Affaire Tournesol, des troupes de théâtre dialectal amateur ou encore l’auteur-compositeur-interprète René Eglès.
Transcription
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